la liberté est civilité
là où le bât blesse c’est quand le droit de protestation et de revendication outrepasse le socialement correct, nuit aux droits d’autrui qui se sent pris en otage, et compromet sa légitimité
LES grèves font désormais partie de notre quotidien au point que certaines passent tout simplement inaperçues et d’autres suscitent l’agacement. L’arrêt du travail est devenu la seule et unique voie de communication et la seule possibilité qui ouvre les canaux du dialogue entre les deux parties. Pourtant, très souvent, des accords ont été signés et d’autres fois, des revendications sont en cours de négociation. Et à chaque fois, face aux dégâts et au mécontentement général, le gouvernement se voit, souvent à la hâte, contraint d’éteindre le feu de la contestation.
Mais là où le bât blesse, c’est quand le droit de protestation et de revendication outrepasse le socialement correct, nuit aux droits d’autrui qui se sent pris en otage, et compromet sa légitimité. Les exemples sont édifiants : les taxistes grévistes qui bloquent l’accès à un hôpital ; les enseignants qui immobilisent les établissements scolaires pendant des mois; les chômeurs qui ferment les vannes de pétrole, bloquent des routes ou condamnent une voie ferrée. Qui en paie les frais ? Le citoyen moyen, ou modeste, qui se soigne dans les hôpitaux publics où les rendez-vous sont pris avant des mois, qui se déplace au moyen du transport public malgré toutes ses lacunes et tous ses déboires, qui va à l’école publique en dépit de ses défaillances, ainsi que le salarié surtaxé et saigné à blanc par le renchérissement de la vie et le petit commerçant confronté à l’une des plus graves crises économiques.
Non, l’interlocuteur des grévistes, des protestataires, des sit-inneurs n’est pas le citoyen. C’est le gouvernement, l’Etat. Le citoyen est un otage. Malgré lui.
Protester, revendiquer ses droits et faire la grève est un droit constitutionnel, loin de toute surenchère. Mais cela se fait les dimanches et les jours fériés, comme dans les nations démocratiques, ce statut auquel nous aspirons. Les négociations se font face à face entre partenaires sociaux dans les bureaux officiels. Les accords signés sont impérativement respectés. Et les revendications insatisfaites peuvent et doivent patienter. La liberté est civilité.
Empêcher les gens d’accéder à un hôpital pour se soigner, de rejoindre leur lieu de travail ou encore vandaliser le véhicule d’un collègue taxiste « casseur de grève » n’a rien à voir avec le militantisme. C’est une atteinte à la liberté d’autrui. L’objectif du militantisme est l’amélioration des conditions de vie de tous et particulièrement d’autrui, il n’a rien à voir avec l’égocentrisme et l’égoïsme.