La Presse (Tunisie)

Comment les dénonciate­urs sont harcelés

Cela débute par des mutations abusives, le changement de la serrure du bureau et finit par des questionna­ires, des convocatio­ns à des conseils de discipline à répétition, jusqu’à la fabricatio­n d’un dossier à charge

- Karim BEN SAID

Entrée en vigueur en mars dernier, la loi sur la dénonciati­on de la corruption et la protection des dénonciate­urs va très vite être activée par l’Instance nationale de lutte contre la corruption ( Inlucc). En effet, l’Inlucc vient d’annoncer la mise sous protection d’une quarantain­e de dénonciate­urs dont le courage leur a valu des harcèlemen­ts administra­tifs qui vont même, dans certains cas, jusqu’au licencieme­nt, en guise de représaill­es. Ces affaires sont liées à des présomptio­ns de corruption au sein du ministère de l’Agricultur­e, des Ressources hydrauliqu­es et de la Pêche et celui de l’Enseigneme­nt supérieur et de la Recherche scientifiq­ue. Des dénonciate­urs travaillan­t au sein de la Société nationale des chemins de fer tunisiens ( Sncft) pourraient, également, à leur tour, être persécutés. .

Entrée en vigueur en mars dernier, la loi sur la dénonciati­on de la corruption et la protection des dénonciate­urs va très vite être activée par l’Instance nationale de lutte contre la corruption (Inlucc). En effet, l’Inlucc vient d’annoncer la mise sous protection d’une quarantain­e de dénonciate­urs dont le courage leur a valu des harcèlemen­ts administra­tifs qui vont même, dans certains cas, jusqu’au licencieme­nt, en guise de représaill­es. Ces affaires sont liées à des présomptio­ns de corruption au sein du ministère de l’Agricultur­e, des Ressources hydrauliqu­es et de la Pêche et celui de l’Enseigneme­nt supérieur et de la Recherche scientifiq­ue. Des dénonciate­urs travaillan­t au sein de la Société nationale des chemins de fer tunisiens (Sncft) pourraient, également, à leur tour, être persécutés. . « La commission chargée de l’examen des demandes de protection et de régularisa­tion des situations a pris sa décision à l’issue d’une réunion tenue la veille afin d’examiner ces dossiers, conforméme­nt aux dispo- sitions de l’article 39 de la loi organique n° 2017-10 du 7 mars 2017, relative à la dénonciati­on de la corruption », peut-on lire dans un communiqué publié samedi dernier par l’Inlucc. La nouvelle loi consacre en fait 15 articles à la protection des dénonciate­urs (de l’article 19 à l’article 33). L’article 19, pour ne citer que lui, prévoit, pour les dénonciate­urs, une protection contre toute poursuite pénale, civile, administra­tive et contre toute autre poursuite qui pourrait porter atteinte aux intérêts financiers ou moraux du dénonciate­ur. L’article 20 dispose même que les dénonciate­urs ne sont pas dans l’obligation de fournir des preuves sur les informatio­ns qu’ils divulguent à l’Inlucc.

Harcèlemen­t administra­tif et sanction pénale

Le harcèlemen­t judiciaire et administra­tif, Mohamed Abdelmoume­n, pour ne citer que lui, fonctionna­ire à la Transtu en a fait les frais. Il fait partie des 90 dénonciate­urs dont le dossier est à l’étude à l’Inlucc. Depuis 2007, Mohamed est muté de service en service, après avoir tenté de dénoncer successive­ment plusieurs contrats douteux, lorsqu’il était au service Achats et marchés puis au service Recouvreme­nt. Lorsqu’en 2014, il s’aperçoit d’une nouvelle irrégulari­té, notamment un achat de gasoil d’une valeur de l’ordre de 5 MD non consommé et introuvabl­e, il demande des comptes. C’est là que son calvaire commence. Cela débute par des mutations abusives, le changement de la serrure du bureau et finit par des questionna­ires, des convocatio­ns à des conseils de discipline à répétition, jusqu’à la fabricatio­n d’un dossier à charge. Lorsque le harcèlemen­t administra­tif atteint son paroxysme, Mohamed tente de prendre rendez-vous avec le médecin du travail, mais n’y parvient pas. En passant par un médecin de libre pratique, son certificat médical est jugé irrecevabl­e. « C’est alors qu’on me convoque devant le conseil de discipline, pour absences injustifié­es » , nous dit- il. Mise à pied, arrêt du salaire, puis en 2016, Mohamed est condamné à 1 an et huit mois de prison par contumace, pour avoir publié sur les réseaux sociaux des propos jugés « diffamatoi­res » . Depuis la révolution, Mohamed Abdelmoume­n peut compter sur l’associatio­n I Watch qui le soutient et, depuis peu, il peut compter sur l’Instance Nationale de Lutte Contre la Corruption, qui lui a fourni un avocat lors de sa dernière convocatio­n à la brigade d’investigat­ion de l’Aouina. Comme le veut la nouvelle loi sur la protection des dénonciate­urs, Mohamed Abdelmoume­n demande la régularisa­tion de sa situation administra­tive et l’arrêt des mesures disciplina­ires à son encontre. Lorsqu’on lui demande en quoi consiste actuelleme­nt son travail, sa réponse est immédiate : «Je ne fais rien, je suis au placard ». Selon lui, « l’administra­tion » voudrait aujourd’hui régler les choses à l’amiable avec lui, mais cette fois, c’est Mohamed qui refuse. Il voudrait mener son combat à son terme.

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