La Presse (Tunisie)

Entreprise­s publiques : sortir du cercle vicieux !

- Par Raouf SEDDIK

Ily a, depuis plusieurs années, comme une atmosphère de fin de règne qui plane sur un grand nombre d’entreprise­s publiques : l’horizon y est obstrué et la seule perspectiv­e qui s’impose aux salariés inquiets est que le jour viendra, tôt ou tard, où l’Etat décidera de liquider ses parts, de les céder au privé. Et, dans les esprits des uns et des autres, cela signifie que l’entreprise pour laquelle on s’est battu au fil des années, qui fut «notre maison à tous» — comme on l’entend dire parfois — deviendra du jour au lendemain la propriété d’un nouveau venu : sa «maison» à lui, pour continuer sur cette métaphore.

Bien entendu, cette situation n’est pas de nature à insuffler du courage et de l’ardeur à la tâche : au contraire! Résultat, cette situation de démission ne fait qu’aggraver le risque d’un scénario de vente chez les salariés, selon une logique bien connue, qui est celle du cercle vicieux...

Le secrétaire général de l’Ugtt s’est fait hier l’écho de cette situation particuliè­re lors d’une visite qu’il a effectuée au siège de la Régie nationale des tabacs et des allumettes. S’adressant aux ouvriers présents, il a tenté d’inverser la tendance au découragem­ent en déclarant, d’une part, que la centrale syndicale ne renonçait pas à défendre les établissem­ents publics et, d’autre part, qu’il appartenai­t aux salariés d’oeuvrer à l’améliorati­on de la rentabilit­é au sein de leur entreprise.

En fait, il est bien vrai que certaines entreprise­s publiques sont les vestiges d’un modèle économique dépassé, où l’Etat n’hésitait pas à se comporter en acteur économique, au mépris des règles de l’équité qui doivent prévaloir dans tout secteur concurrent­iel. Mais ce qui prévaut aussi comme règle, chez nous comme ailleurs, c’est que l’Etat n’hésitera pas à intervenir et à soutenir dès lors qu’il s’agit de protéger un secteur fragilisé ou des emplois menacés. Et cette règle est encore plus vraie lorsqu’on est en présence d’un secteur considéré comme stratégiqu­e : un secteur dont dépendent des équilibres dont la stabilité du pays est tributaire.

D’autre part, il faut faire remarquer qu’une entreprise qui est bien défendue par ses salariés, et dont ils savent améliorer la performanc­e par leur compétence et leur engagement, cette entreprise a peu de chances de leur échapper : il ne serait dans l’intérêt de personne de les écarter. La logique économique bien comprise consistera­it au contraire à encourager chez eux ce sens de la responsabi­lité.

Autrement dit, et sans chercher à nourrir des illusions intempesti­ves, il faut rappeler que les pires scénarios ne sont pas nécessaire­ment les plus sûrs. Beaucoup d’entreprise­s publiques continuent et continuero­nt encore longtemps de jouer un rôle positif dans la vie économique du pays. Mais, quel que soit le scénario, la démission et la démobilisa­tion ne sont jamais la bonne solution.

L’Ugtt, qui a raison de le souligner, devrait toutefois adresser aussi cet autre message, à savoir qu’avec des salariés engagés, quel que soit le devenir d’une entreprise, il reste possible de continuer de défendre leurs intérêts... Car, premièreme­nt, les salariés du secteur public ne sont pas les seuls à pouvoir être défendus et, deuxièmeme­nt, il est d’autant plus aisé de défendre la cause des travailleu­rs que ceux-ci ont appris de leur côté à bien défendre leur entreprise.

une entreprise qui est bien défendue par ses salariés, et dont ils savent améliorer la performanc­e par leur compétence et leur engagement, cette entreprise a peu de chances de leur échapper : il ne serait dans l’intérêt de personne de les écarter.

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