Entreprises publiques : sortir du cercle vicieux !
Ily a, depuis plusieurs années, comme une atmosphère de fin de règne qui plane sur un grand nombre d’entreprises publiques : l’horizon y est obstrué et la seule perspective qui s’impose aux salariés inquiets est que le jour viendra, tôt ou tard, où l’Etat décidera de liquider ses parts, de les céder au privé. Et, dans les esprits des uns et des autres, cela signifie que l’entreprise pour laquelle on s’est battu au fil des années, qui fut «notre maison à tous» — comme on l’entend dire parfois — deviendra du jour au lendemain la propriété d’un nouveau venu : sa «maison» à lui, pour continuer sur cette métaphore.
Bien entendu, cette situation n’est pas de nature à insuffler du courage et de l’ardeur à la tâche : au contraire! Résultat, cette situation de démission ne fait qu’aggraver le risque d’un scénario de vente chez les salariés, selon une logique bien connue, qui est celle du cercle vicieux...
Le secrétaire général de l’Ugtt s’est fait hier l’écho de cette situation particulière lors d’une visite qu’il a effectuée au siège de la Régie nationale des tabacs et des allumettes. S’adressant aux ouvriers présents, il a tenté d’inverser la tendance au découragement en déclarant, d’une part, que la centrale syndicale ne renonçait pas à défendre les établissements publics et, d’autre part, qu’il appartenait aux salariés d’oeuvrer à l’amélioration de la rentabilité au sein de leur entreprise.
En fait, il est bien vrai que certaines entreprises publiques sont les vestiges d’un modèle économique dépassé, où l’Etat n’hésitait pas à se comporter en acteur économique, au mépris des règles de l’équité qui doivent prévaloir dans tout secteur concurrentiel. Mais ce qui prévaut aussi comme règle, chez nous comme ailleurs, c’est que l’Etat n’hésitera pas à intervenir et à soutenir dès lors qu’il s’agit de protéger un secteur fragilisé ou des emplois menacés. Et cette règle est encore plus vraie lorsqu’on est en présence d’un secteur considéré comme stratégique : un secteur dont dépendent des équilibres dont la stabilité du pays est tributaire.
D’autre part, il faut faire remarquer qu’une entreprise qui est bien défendue par ses salariés, et dont ils savent améliorer la performance par leur compétence et leur engagement, cette entreprise a peu de chances de leur échapper : il ne serait dans l’intérêt de personne de les écarter. La logique économique bien comprise consisterait au contraire à encourager chez eux ce sens de la responsabilité.
Autrement dit, et sans chercher à nourrir des illusions intempestives, il faut rappeler que les pires scénarios ne sont pas nécessairement les plus sûrs. Beaucoup d’entreprises publiques continuent et continueront encore longtemps de jouer un rôle positif dans la vie économique du pays. Mais, quel que soit le scénario, la démission et la démobilisation ne sont jamais la bonne solution.
L’Ugtt, qui a raison de le souligner, devrait toutefois adresser aussi cet autre message, à savoir qu’avec des salariés engagés, quel que soit le devenir d’une entreprise, il reste possible de continuer de défendre leurs intérêts... Car, premièrement, les salariés du secteur public ne sont pas les seuls à pouvoir être défendus et, deuxièmement, il est d’autant plus aisé de défendre la cause des travailleurs que ceux-ci ont appris de leur côté à bien défendre leur entreprise.
une entreprise qui est bien défendue par ses salariés, et dont ils savent améliorer la performance par leur compétence et leur engagement, cette entreprise a peu de chances de leur échapper : il ne serait dans l’intérêt de personne de les écarter.