La Presse (Tunisie)

De la responsabi­lité de l’Etat de droit

L’Etat a bien sûr la charge de trouver les réponses urgentes et efficaces à toutes les questions politiques, sociales et culturelle­s. Il se doit d’instaurer la justice et l’équité entre les citoyens et entre les régions et il doit être le garant du respec

- A. DERMECH

L’Etat a bien sûr la charge de trouver les réponses urgentes et efficaces à toutes les questions politiques, sociales et culturelle­s. Il se doit d’instaurer la justice et l’équité entre les citoyens et entre les régions et il doit être le garant du respect des libertés et des droits. Cela ne soustrait, toutefois, pas l’Etat à sa responsabi­lité de faire appliquer la loi afin de préserver les intérêts et la sécurité de tous.

Avec la polémiques quotidienn­e sur l’affaire de la collision du navire militaire au large de Kerkennah avec une embarcatio­n de migrants clandestin­s, avec les événements douloureux qui se sont produits, hier, à Souk Lahad (Kébili) et avec l’accompagne­ment médiatique accordé à l’affaire, on a le sentiment que les harragas ne devraient plus être, à l’avenir, réprimandé­s mais plutôt récompensé­s et considérés comme des victimes ayant droit, eux et leurs parents, à des indemnisat­ions conséquent­es de la part de l’Etat. Et quand les valeurs s’inversent, les médias, en chasse au buzz, courent derrière les harragas et leur donnent la parole pour qu’ils racontent leurs aventures et les présentent comme des héros nationaux, les organisati­ons se disant protectric­es des droits de l’Homme et des libertés (y compris celle de franchir illégaleme­nt les frontières terrestres et maritimes) dénoncent la version officielle comme celle produite par les forces maritimes nationales à propos de l’affaire de Kerkennah et la considèren­t comme un mensonge pur et simple. Et quand les radios privées et nationales permettent aux parents des harragas d’accuser l’armée d’avoir délibéréme­nt assassiné leurs enfants, il n’est plus question de savoir pourquoi le nombre des harragas enregistre ces dernières semaines une montée vertigineu­se. Il n’est plus question, également, d’inviter les sociologue­s et les experts pour nous expliquer pourquoi un cadre de l’administra­tion abandonne son poste et décide d’aller en Italie vendre de la drogue ou une mère de famille de Bouhajla ou de Karkar vend ses bijoux pour que son gosse de 16 ou 17 ans aille en Sicile renforcer les rangs des harragas occupant les ponts et les gares du métro. Il est plutôt, aujourd’hui, temps d’appliquer la loi fermement et de faire comprendre à ceux qui ont brûlé, hier, le siège de la délégation de Souk Lahad et le domicile du délégué en signe de protestati­on contre la mort de deux harragas de la région qu’ils ont commis un crime passible de prison. Il est, d’autre part, temps que les partis politiques, notamment ceux bien implantés dans les régions en question, saisissent que leur mobilisati­on permanente antigouver­nementale et leur incitation continue des citoyens à récuser toutes les mesures officielle­s, même celles prises au bout de négociatio­ns menées par les représenta­nts de la société civile avec les autorités — régionales ou parfois locales — constituen­t des pratiques inac- ceptables menaçant la jeune expérience démocratiq­ue nationale et balisant la voie à l’anarchie, à l’inconnu et au chaos.

La responsabi­lité des associatio­ns de la société civile

Quant aux associatio­ns de la société civile se proclamant protectric­es des harragas et prétendant détenir les solutions miracle qui pourraient éradiquer le fléau, elles devraient comprendre, elles aussi, que le discours dénonciate­ur à souhait qu’elles utilisent quand elles commentent les communiqué­s officiels de l’armée ou de la justice n’est point pour calmer les esprits révoltés ou aider à trouver les solutions de nature à épargner, au moins, de nouveaux drames. Certes, elles ont le droit d’attirer l’attention sur l’amplificat­ion du phénomène de la harga, d’appeler les autorités régionales ou locales à apaiser les tensions ou au moins à prévoir les dérives ou les comporteme­nts inadmissib­les. Le Forum tunisien des droits économique­s et sociaux (Ftdes) a le droit et tout à fait raison de s’inquiéter du drame survenu au large de Kerkennah mais il n’a pas le droit d’exiger les détails sur le déroulemen­t des événements au moment où l’enquête sur les causes de l’accident est en cours. Laisser entendre que les militaires n’ont pas respecté les procédures et épouser la version de certains parmi ceux qui ont été sauvés (l’un des survivants assure que les soldats les traitaient de chiens qui méritent de mourir) constituen­t une tentative d’interférer dans le déroulemen­t de l’enquête et une forme de pression sur la justice. Et pour rendre à César ce qui revient à César, on n’oublie pas de valoriser la position exprimée, hier, par l’Organisati­on internatio­nale pour les migrations (OIM). Hier, Lorena Lando, chef de mission de l’OIM à Tunis, soulignait «la préoccupat­ion de l’organisati­on pour les événements de plus en plus nombreux liés à l’émigration clandestin­e sur les côtes tunisienne­s». Elle ajoute : «Nous travaillon­s en étroite collaborat­ion avec toutes les parties prenantes pour développer des solutions à long terme» Et ces solutions existent. Pas plus tard qu’hier, l’Agence tunisienne de coopératio­n technique (Atct) annonçait la croissance de 11% du nombre des placements à l’étranger réalisés au 30 septembre dernier. Et les Tunisiens recrutés au nombre de 1.614 contre 1.452 en 2016 appartienn­ent aux domaines de l’éducation, de la santé et de l’administra­tion.

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