Erdogan accuse les Etats-Unis de sacrifier leur alliance avec la Turquie
«Il est inacceptable que les Etats-Unis sacrifient un partenaire stratégique comme la Turquie, tout cela pour un ambassadeur effronté»
AFP — Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a affirmé hier que les Etats-Unis prenaient le risque de «sacrifier» leurs relations avec la Turquie, accusant l’ambassadeur américain à Ankara d’être à l’origine des tensions actuelles entre les deux pays. «Je le dis très clairement : c’est l’ambassadeur (américain John Bass) ici qui est à l’origine» des tensions, a-t-il déclaré. «Il est inacceptable que les EtatsUnis sacrifient un partenaire stratégique comme la Turquie, tout cela pour un ambassadeur effronté», a ajouté M. Erdogan lors d’un discours particulièrement virulent à Ankara. Déjà tendues depuis plusieurs mois, les relations entre la Turquie et les Etats-Unis, deux pays partenaires au sein de l’Otan, ont viré à l’orage après l’inculpation pour «espionnage», la semaine dernière, d’un employé turc du consulat américain à Istanbul. Metin Topuz, l’employé arrêté, est accusé par la justice turque d’être lié au prédicateur en exil aux EtatsUnis Fethullah Gülen, désigné par Ankara comme le cerveau de la tentative de coup d’Etat du 15 juillet 2016. En réaction à son arrestation, l’ambassade des Etats-Unis a annoncé dimanche la suspension de l’es- sentiel des services de délivrance des visas américains en Turquie. Ankara a pris une mesure similaire. Les autorités américaines affirment que les autorités turques ne leur ont pas présenté d’élément de preuve, et accusent Ankara de restreindre l’accès de M. Topuz à un avocat. Le ministre turc de la Justice, Abdulhamit Gül, a toutefois indiqué hier que l’employé écroué recevrait aujourd’hui une visite de son avocat, la première depuis son interpellation, le 25 septembre. Selon M. Gül, celui-ci n’avait pas demandé de représentant légal «jusqu’à hier». Malgré sa colère, M. Erdogan a pris soin jusqu’ici de ne pas critiquer Donald Trump, imputant la suspension des visas à l’ambassadeur Bass, même si le département d’Etat a indiqué que la décision avait été prise «en coordination» avec le gouvernement américain. «Si c’est l’ambassadeur à Ankara qui dirige les grands Etats-Unis d’Amérique, alors honte à vous», a insisté M. Erdogan, qualifiant la suspension des visas d’«injuste» et de «disproportionnée». M. Erdogan a également accusé le consulat américain à Istanbul de «cacher» un deuxième «suspect» recherché par la justice turque. La veille, l’ambassadeur américain avait démenti des informations de presse en ce sens. Dans son discours, M. Erdogan a dressé une liste des griefs, comme l’inculpation de certains de ses gardes du corps pour avoir battu des manifestants à Washington et le soutien des Etats-Unis à des milices kurdes en Syrie. M. Erdogan a en outre annoncé que son gouvernement n’achèterait plus de pistolets américains pour équiper la police turque, en réaction au gel de ventes d’armes au service de protection du président turc annoncé le mois dernier par Washington. «Nos forces de police n’utiliseront plus de pistolets de marque Sig Sauer», du nom d’une entreprise basée dans le New Hampshire, a dit M. Erdogan. Dans le même temps, endossant le rôle de pompier, le porte-parole de M. Erdogan, Ibrahim Kalin, a affirmé qu’il suffirait d’«une journée» pour résoudre les tensions actuelles et indiqué que le gouvernement turc étudiait «une proposition américaine» de sortie de crise.