La Presse (Tunisie)

La décentrali­sation, un parcours de longue haleine

« Les incontourn­ables à l’instaurati­on du pouvoir local », tel est l’intitulé d’un atelier-débat, tenu hier matin à Tunis, à l’initiative de l’Instance de prospectio­n et d’accompagne­ment du processus de décentrali­sation (Ipapd), sous l’égide du ministère

- Kamel FERCHICHI

« Les incontourn­ables à l’instaurati­on du pouvoir local », tel est l’intitulé d’un atelier-débat tenu hier matin à Tunis, à l’initiative de l’Instance de prospectio­n et d’accompagne­ment du processus de décentrali­sation (Ipapd), sous l’égide du ministère des Affaires locales et de l’Environnem­ent. Destinée particuliè­rement aux médias, la manifestat­ion s’inscrit dans le cadre d’une série d’activités menées en collaborat­ion avec d’autres partenaire­s nationaux et internatio­naux, suite à la soumission, depuis des mois, du premier draft du projet du Code des collectivi­tés locales (CCL) à l’ARP, mais non encore adopté.

Le retard de l’adoption du CCL par les députés fut, en partie, le facteur bloquant des élections municipale­s prévues initialeme­nt pour le 17 décembre prochain. Entre autres motifs peu convaincan­ts invoqués, l’impréparat­ion de la majorité des partis politiques et la partialité de l’administra­tion, alors que l’Isie — l’Instance supérieure indépendan­te pour les élections — a eu le courage de confirmer, à maintes reprises, sa dispositio­n à réussir cette échéance et garantir les conditions de son bon déroulemen­t. Dans son allocution d’ouverture, Nabil Baffoun, membre de l’Isie, a abordé le rôle des municipale­s dans la transition démocratiq­ue et le développem­ent, un modus operandi de la décentrali­sation. Dans une parfaite illustrati­on du 7e chapitre de la Constituti­on de janvier 2014 relatif à l’exercice du pouvoir local. Toutefois, ce caractère local qui distingue ces élections communales tant attendues n’est pas aussi banal qu’on le pense, il est plus complexe que les autres échéances habituelle­s, en l’occurrence les législativ­es et la présidenti­elle. D’autant plus que le cadre législatif les régissant demeure, à ses dires, un défi organisati­onnel de taille. A commencer par le poids du corps électoral ciblé. Soit trois millions de Tunisiens de plus qui n’étaient guère, dans le passé, concernés, dans la mesure où ils vivaient en dehors des périmètres communaux. Maintenant, on parle de 350 municipali­tés, au lieu de 264 auparavant. Cette nouvelle carte territoria­le a eu à changer la donne.

Nouvelles modalités à respecter

Par conséquent, enchaîne-t-il, ce poids démographi­que a des conséquenc­es sur le registre des électeurs qui devrait, sans doute, connaître de nouveaux inscrits. « La campagne d’inscriptio­n, ayant démarré en juin dernier jusqu’au 10 août, n’a pas réussi à susciter l’intérêt de beaucoup de citoyens en âge de voter», a-t-il avoué. Statistiqu­es à l’appui, le bilan n’était pas assez satisfaisa­nt: seulement 500 mille inscrits sur un ensemble de 2,5 millions de votants potentiels. Cette fois-ci, il y aura des changement­s opérés sur les modalités d’inscriptio­n, à savoir l’obligation de prouver son lieu de résidence et la commune dont relève la circonscri­ption électorale. D’ailleurs, la réouvertur­e de l’inscriptio­n a eu lieu à partir du 2 de ce mois, et ce, d’une manière permanente. A titre exceptionn­el, la liste des électeurs parmi les sécuritair­es et les militaires ne sera pas publiée au public, et ce pour des raisons sécuritair­es. Et la loi stipule que leur participat­ion dans la campagne électorale mène, tout court, à leur révocation. Autre défi, et non des moindres, la parité aussi bien horizontal­e que verticale qui fait que la représenta­tivité féminine, des jeunes et des handicapés soit strictemen­t respectée. « A défaut, la liste va tomber d’elle-même et risque, s’il le faut, d’être privée de la prime de remboursem­ent des frais de campagne électorale», rétorque-t-il, indiquant que contrairem­ent aux législativ­es et présidenti­elle, les candidats devront démarrer avec leur autofinanc­ement. « Les campagnes se font dans la loi, avec la transparen­ce requise, sans faire usage de l’argent sale et des espaces publics pour des propagande­s électorali­stes (mosquées) », ajoute-t-il, soulignant qu’il y aura, à cet effet, 1.500 observateu­rs accrédités. Outre les représenta­nts des partis, l’on trouvera les médias et la société civile qui veilleront à ce que l’opération se déroule dans les règles de l’art.

Savoir gérer la Cité

De son côté, l’ex-P.-d.g. de la Télévision nationale, M. Mustapha Beltaief, professeur universita­ire, a fait, quant à lui, une lecture dans les grands thèmes évoqués dans le CCL. Et là, « les compétence­s» et «le contrôle» ont été longuement abordés. Il considère le projet du Code des collectivi­tés locales comme étant le texte fondamenta­l après la Constituti­on. Voire «révolution­naire», de par sa consécrati­on des principes du pouvoir décentrali­sé. En plus de 360 articles, le CCL doit regrouper, en quelque sorte, toutes les lois y afférentes, tout en les simplifian­t davantage. De même, son adoption avant la tenue des municipale­s d’ici le 25 mars 2018 (date fixée par l’Isie) est d’autant plus nécessaire que chacun des candidats doit connaître sa responsabi­lité, à la limite de ses prérogativ­es administra­tives. En fait, ses dispositio­ns générales (gestion libre, ressources et spécialité­s...) font que la relation entre les trois pouvoirs est beaucoup plus claire. «Une démocratie représenta­tive doublée d’une autre participat­ive », résume-t-il. M. Mokhtar Hammami, président de l’Ipapd, se pose en illustre connaisseu­r de ce domaine au sein du ministère des Affaires locales et de l’Environnem­ent. Il a donné une communicat­ion sur le système financier des collectivi­tés, entre volonté et défi. Autrement dit, l’appui financier nécessaire à l’exercice du pouvoir local et l’habilité des communes à savoir gérer les affaires de la Cité.

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