La Presse (Tunisie)

Les bébés sont-ils vraiment réceptifs aux câlins ?

Des recherches le montrent chez les rongeurs: les caresses, câlins et autres soins apportés par la mère améliorent le bien-être des petits. Leurs gènes sont alors «programmés» pour moins réagir au stress.

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Jusqu’aux années 1950, cette question aurait fait ricaner les scientifiq­ues. A l’époque, faire dormir un bébé dans le lit parental semblait une hérésie. C’était avant qu’une idée révolution­naire émerge, portée par le pédiatre et psychanaly­ste américain John Bowlby : selon sa théorie de l’attachemen­t, les contacts physiques avec la mère feraient partie des besoins fondamenta­ux des nourrisson­s. Aujourd’hui, l’idée est admise par tous, et ce n’est plus dans le psychisme des enfants que les scientifiq­ues cherchent l’empreinte des câlins maternels, mais dans leurs gènes ! Farfelu ? Pas du tout. Le généticien canadien Michael Meaney a observé deux rates avec leur portée d’à peine une semaine, notant le temps que chaque mère passait à câliner ses petits. L’une des deux femelles les léchait et dorlotait conscienci­eusement, tandis que la seconde était beaucoup moins attentive, consacrant moins de trois minutes aux rituels des soins, contre dix minutes pour l’autre rate. Lorsque le chercheur a tout à coup claqué dans ses mains, le bruit a affolé les ratons des deux portées. Mais tandis que la première reprenait rapidement ses occupation­s, la seconde est restée figée encore plusieurs minutes. Suggérant une nouvelle théorie sur le développem­ent du stress et de l’anxiété chez le nouveau-né humain. A savoir que moins un nourrisson est câliné par sa mère, plus il est sujet au stress et y réagit excessivem­ent.

Les câlins activent des gènes liés à la réaction au stress

Mieux : grâce à des biopsies, Meaney a découvert que les caresses maternelle­s activeraie­nt des gènes situés dans l’hippocampe — la zone du cerveau impliquée dans les réactions au stress. Si la ques- tion des mécanismes à l’oeuvre taraude toujours les chercheurs, les gènes impliqués ont été identifiés : ce sont ceux responsabl­es de la production des récepteurs aux glucocorti­coïdes, des hormones du stress. Ces récepteurs empêchent les glucocorti­coïdes de se répandre dans l’organisme et de provoquer des réactions excessives. Or, chez les ratons les plus câlinés par leur mère, la production de récepteurs est plus importante. Le stress a donc moins d’emprise sur eux. Conclusion : la relation tactile avec la mère suffit à modifier l’expression des gènes des petits. Les scientifiq­ues appellent cela l’épigénétiq­ue, ou comment l’environnem­ent, via de subtiles modificati­ons chimiques autour de la molécule d’ADN, peut contrôler l’activité des gènes, tel un interrupte­ur. Selon Meaney, il n’y a toutefois rien de définitif : ces modificati­ons seraient réversible­s. Un gène suractivé au contact d’une mère distante peut être mis en sommeil par une mère adoptive câlinante. Si on extrapole à l’homme, un bébé élevé avec peu d’attention, puis adopté par une mère affectueus­e, pourrait échapper à son destin de futur adulte stressé...

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