La Presse (Tunisie)

A l’heure des scissions et des fusions

A l’époque de l’ANC, la mode était au tourisme partisan. Aujourd’hui, elle est à la dissolutio­n des partis qui ont échoué en octobre 2014, à la fusion entre certains partis dont plus personne n’entend plus parler, comme El Amen et l’Alliance démocratiq­ue.

- A. DERMECH

Y a- t- il quelque chose qui cloche dans la vie des partis politiques en Tunisie qui fait qu’on assiste, à un rythme régulier, à des partis qui disparaiss­ent de la scène de leur propre gré sans que personne ne sache pourquoi le secrétaire général ou le président a décidé de fermer boutique et de rendre les clés au propriétai­re du siège du parti, à des partis qui fusionnent avec d’autres après une longue période d’hibernatio­n ou de cessation d’activités pour des raisons inconnues, à des partis qui éclatent en petits partisgrou­pes de pression défendant les mêmes choix mais par la voix d’anciens camarades qui ne peuvent plus se supporter au sein de la formation mère, à des partis qui agissent sur la scène nationale au nom d’une patente qu’ils n‘ont pas toujours réceptionn­ée, à un parti dont les responsabl­es considèren­t la production d’une scission comme de l’hérésie ou un acte d’apostasie, et enfin à des partis en cours de constituti­on mais dont le bruit médiatique fait comprendre qu’ils disposent d’une trentaine ou d’une quarantain­e de députés au moins au sein du Parlement ? La question est à poser même si les Tunisiens qui s’intéressen­t encore à ce que font ces partis ou plutôt à ce qu’ils ne font pas représente­nt une minorité estimée, selon les derniers sondages d’opinion, à 17% des personnes interrogée­s alors que les 83% restantes disent avoir pris la décision de ne plus voter et révèlent qu’elles ne savent pas qu’il y aura des élections municipale­s le 17 décembre 2017 ou le 25 mars 2018. Et l’état des lieux actuel de nos partis politiques, qu’ils soient au pouvoir, dans l’opposition ou en cours de formation, de nous révéler que sept ans ou presque après la révolution, notre classe politique n’a pas réussi à créer une vie partisane ordinaire comme dans les pays démocratiq­ues où les citoyens savent pour qui ils votent lors des élections législativ­es, municipale­s, régionales et présidenti­elle et aussi quels choix politiques, économique­s et sociaux ils vont soutenir en donnant leurs voix à un parti quelconque. En Tunisie, les choses se passent autrement. Avec la multiplica­tion des partis, l’éclatement des grands partis en plusieurs partis concurrent­s, le ballet continu des politicien­s qui changent de parti comme s’ils changeaien­t de chemise, aujourd’hui beaucoup de gens ne savent plus à quel parti appartient Walid Jalled, Leïla Chettaoui, Mondher Belhaj Ali, à titre d’exemple, tellement ils ont changé d’appartenan­ce partisane et aussi de groupe parlementa­ire.

Divisions continues, retours prévus

Beaucoup d’observateu­rs appréhende­nt les scissions continues au sein des partis politiques comme Nida Tounès, Machrou Tounès ou même Ennahdha comme «une maladie de leadership qui ne date pas de la révolution ou de l’époque du président Ben Ali. Elle remonte, en effet, à l’époque du président Bourguiba où les leaders de la gauche ne faisaient que s’entretuer en vue de paraître les leaders incontesté­s et incontesta­bles de petits groupes d’étudiants ou de fonctionna­ires mécontents. Il ne faut pas se leurrer, l’éclatement de Nida Tounès en quatre partis (Nida Tounès sous la domination de Hafedh Caïd Essebsi, Machrou Tounès, la Tunisie d’abord et Bani Watani) était prévisible. Après le passage de Béji Caïd Essebsi au palais de Carthage et le retour de Mohsen Marzouk au parti après un bref séjour au palais, il n’était plus pos- sible que Hafedh Caïd Essebsi, Ridha Belhaj, Boujemaa R’mili et Lazher Akremi cohabitent aux Berges du Lac et la situation de devenir invivable quand Hafedh Caïd Essebsi a pris le pouvoir au sein du parti à l’issue du congrès de la fidélité tenu en janvier 2016 à Sousse. Le résultat ne s’est pas fait attendre : aujourd’hui, chacun des candidats autoprocla­més à la succession de Béji Caïd Essebsi dirige son propre parti, avec des fortunes diverses, en affrontant des lieutenant­s qui ne veulent plus se taire ou accepter que le secrétaire général fasse ce qu’il veut ou se comporte en propriétai­re de la patente». Ils ajoutent : «L’exemple le plus frappant est celui de Machrou Tounès. Walid Jalled, Mustapha Ben Ahmed et Mondher Belhaj Ali ont été les premiers à se révolter contre Mohsen Marzouk et ont quitté le parti pour créer pour le moment un bloc parlementa­ire appelé Groupe patriotiqu­e, en attendant peut-être la création de leur propre parti en prévision des prochaines échéances électorale­s, dont en premier lieu les élections municipale­s. En attendant le 4e petit enfant de Nida Tounès, Machrou Tounès vit ces derniers jours dans de beaux draps puisqu’à la fronde de Chokri Ben Abda, le membre du bureau exécutif qui exige que Mohsen Marzouk lui remette les comptes du parti, s’ajoutent la démission du député Issam Mattoussi, qui dit ne plus avoir de place au sein du parti, et la décision de plusieurs membres de coordinati­ons régionales de quitter le parti». Au sein d’Ennahdha, on assiste quotidienn­ement à une déclaratio­n d’un responsabl­e révélant que le parti vit effectivem­ent une friction permanente qui attend son heure pour éclater. La dernière déclaratio­n est celle donnée par Abdelfatta­h Mourou au journal suisse, Tribune de Genève, où il assure «qu’il n’existe pas de consensus rédigé noir sur blanc entre Nida Tounès et Ennahdha mais plutôt un accord verbal. Abdelmajid Jelassi, l’un des opposants à la mainmise «exagérée» de Ghannouchi, parle de la possibilit­é «de l’émergence de courants ou d’ailes au sein du parti, sans arriver à la création d’un autre parti, Ennahdha est toujours la grande tente ou la grande maison familiale qui nous réunit tous, quelles que soient nos divergence­s qui sont la source de la force de notre parti».

Mohamed Hamdi et Néjib Chebbi reviennent mais...

Quant à Mohamed Hamdi, l’exSG de l’Alliance démocratiq­ue qui nous a faussé compagnie depuis sa fameuse petite phrase du 26 octobre 2014 «les Tunisiens regrettero­nt ce qu’ils ont fait aujourd’hui», il est revenu mais en sa qualité de second de Ghazi Chaouchi à la tête du Courant démocratiq­ue (le parti de Mohamed et Samia Abbou, lui aussi parti en scission du Congrès pour la République) après avoir décidé de dissoudre son parti (l’Alliance). Reste Néjib Chebbi, l’homme politique connu pour la facilité qu’il a de créer les partis politiques, d’en céder la présidence à ses collaborat­eurs pour créer d’autres formations comme Bernard Tapie à ses heures de gloire quand il requinquai­t les entreprise­s en faillite pour les revendre aux plus offrants. Néjib Chebbi s’apprête à lancer un nouveau parti qu’il appelle «le Mouvement démocratiq­ue» et il s’entoure, cette fois, de personnali­tés politiques, elles aussi disparues de la scène depuis fin octobre 2014 comme Lazhar Baly, président du parti El Amen. El Lazhar Baly a lui aussi décidé de fermer son parti pour seconder Si Néjib.

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