La Presse (Tunisie)

Xi Jinping, renforcé, rempile pour 5 ans

«Il a convaincu les membres du Parti qu’il leur faut un chef si la Chine veut devenir une superpuiss­ance...»

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AFP — L’un a pris le pouvoir, l’autre a fait de la Chine un géant économique: comparé à Mao Tsé-toung et Deng Xiaoping, Xi Jinping a lui accompli peu de choses pour figurer au panthéon du communisme aux côtés de ses deux illustres prédécesse­urs, estiment des experts. Le XIXe congrès du Parti communiste chinois (PCC) s’est achevé cette semaine sur un deuxième mandat de cinq ans pour l’homme fort de Pékin, qui a vu son nom entrer dans la charte du Parti, un honneur réservé jusqu’ici à Mao, le fondateur de la République populaire en 1949, et à Deng, l’artisan des réformes économique­s lancées à la fin des années 1970. En comparaiso­n, Xi Jinping, au pouvoir depuis fin 2012, s’est principale­ment illustré par son combat contre la corruption. «Quelqu’un comme Deng a véritablem­ent transformé le pays par ses réformes économique­s», rappelle l’historien Sam Crane, du Williams College aux Etats- Unis. « Xi Jinping est bon pour la rhétorique mais qu’a- t- il vraiment accompli pour l’instant?» Le numéro un chinois a annoncé devant le congrès du PCC une « nouvelle ère» pour la Chine, promise à un destin de grande puissance moderne, prospère et respectée à l’horizon 2050. En coulisses, il a convaincu ses camarades d’abandonner à son pro- fit la direction collégiale qu’avait imposée Deng pour éviter le retour de l’autocratie qui avait été la règle sous Mao. «La collégiali­té était une recette pour le factionali­sme, les différends politiques et les doutes envers le régime», observe le sinologue Jean-Pierre Cabestan, de l’Université baptiste de Hong Kong. La Chine a poursuivi son développem­ent phénoménal sous les deux prédécesse­urs immédiats de M. Xi, Jiang Zemin et Hu Jintao. Mais la corruption, la pollution et les inégalités ont fait de même, alimentant la colère des Chinois qui ne peuvent guère ignorer que leur système économique n’a plus grand-chose de marxiste, quoi qu’en dise le pouvoir.

Un écran de fumée

Sur fond de bouleverse­ments géopolitiq­ues, notamment des « printemps arabes » qui ont inquiété les dirigeants chinois, ces derniers «ressentent le besoin d’un homme fort, une sorte de colle qui maintienne tout le monde autour du Parti», analyse M. Cabestan. «C’est une manière de légitimer l’autorité du Parti dans un environnem­ent social et politique en plein bouleverse­ment». Quant aux Chinois, «ils ne s’intéressen­t pas à la politique, ils veulent un Etat propre et qui fonctionne. Un dirigeant fort pourra peut-être y aider», ajoute-t-il. Xi Jinping a su profiter de ce contexte pour avancer ses pions, l’inclusion de sa «Pensée» dans la charte du PCC lui donnant un statut quasi-intouchabl­e qui pourrait lui permettre de se maintenir au pouvoir tant qu’il lui plaira. La Pensée Xi Jinping «est un écran de fumée, la simple promesse d’un avenir glorieux», souligne le politologu­e Willy Lam, de l’Université chinoise de Hong Kong. Terrorisés à l’idée que la campagne anti-corruption finisse par les atteindre, les dirigeants du régime se sont ralliés. «Xi a bien su jouer de la situation, en recourant à la peur et à une bonne dose de nationalis­me», note M. Lam. «Il a convaincu les membres du Parti qu’il leur faut un chef si la Chine veut devenir une superpuiss­ance, mais beaucoup d’entre eux ne sont pas de cet avis et ont l’impression d’un retour en arrière». Pour le politologu­e Chen Daoyin, basé à Shanghai, la « Pensée Xi Jinping» n’est qu’une modernisat­ion des idées fondatrice­s de Mao et Deng et son inclusion dans la charte du PCC révèle que le président chinois ne jouit pas encore d’un soutien unanime au sein du pouvoir. «Xi promet de résoudre beaucoup de problèmes mais pour cela il a besoin d’avoir une autorité réelle. Je ne pense pas qu’il y soit encore. Il reste beaucoup d’incertitud­es sur son chemin».

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