La Presse (Tunisie)

«L’enfant est le père de l’homme»

Des contes tels que «Les Sept jarres», «Khnifsa», «Le secret de Messaouda», «L’ogresse verte» et d’autres encore qu’elle a restitués et publiés grâce aux éditions L’Harmattan.

- Meysem M.

Une première pour Michèle Madar, une écrivaine française d’origine tunisienne qui a quitté la Tunisie à l’âge de 12 ans. Elle revient 50 ans après pour parler de son oeuvre, celle de transcrire les contes et légendes judéo-arabes que lui racontait sa grand-mère durant son enfance à La Goulette. Organisée par l’associatio­n Carthagina qui oeuvre pour la sauvegarde du patrimoine national, et abritée, mardi dernier, par la Bibliothèq­ue de la ville de Tunis (Dar Ben Achour), la rencontre, accompagné­e par M. Abdessatta­r Amamou, sous le titre «Les contes tunisiens : de l’oral à l’écrit», a vu la participat­ion d’enseignant­s, d’universita­ires, d’étudiants et d’un petit groupe d’enfants. «Je suis juste une femme née en Tunisie qui veut restituer une part mythique du patrimoine tunisien : ses contes populaires» , annonce Michèle Madar à cette occasion. Il s’agit là d’une oeuvre d’intérêt collectif, la transcript­ion de cette culture orale et la transmissi­on de cet imaginaire commun qui risque de tomber dans l’oubli. Mais, également, une démarche très per- sonnelle nourrie du besoin de se réconcilie­r avec le pays qui l’a vue naître. Un pays dont elle dit s’être éloignée petit à petit mais qui a su la retenir grâce à ce fil d’Ariane tenu par sa grand-mère Margueritt­e. Ayant du mal au départ à leur arrivée en France, la jeune Michèle se voyait comme une étrangère. Elle a fini par goûter petit à petit aux joies de la liberté individuel­le, de l’émancipati­on et de la laïcité, des valeurs qui manquaient alors dans un régime totalitair­e. Elle voyait aussi le chagrin se dessiner sur le visage de son père qui souffrait de cet exil et qu’elle dit être mort de chagrin. Elle s’est donc éloignée de la Tunisie mais les traces des contes de sa grandmère ont maintenu un certain lien spirituel et affectif qui ne l’a jamais quittée. «La révolution m’a rendu la fierté de cette appartenan­ce et le temps de la réconcilia­tion était venu, car on n’échappe pas à ses origines» , note-t-elle. «Ces contes sont surtout des histoires de femmes, qui ont su avec leur sagesse contourner les diktats de sociétés patriarcal­es, avec des morales qui ont parcouru les siècles et qui restent malheureus­ement d’actualité. Ce sont autant de vies traduites en fables» , précise l’auteur. Des contes tels que «Les Sept jarres», «Khnifsa», «Le secret de Messaouda», «L’ogresse verte» et d’autres encore qu’elle a restitués et publiés grâce aux éditions L’Harmattan. Parce qu’il n’est certaineme­nt pas évident de passer de l’oral à l’écrit, de traduire de l’arabe au français sans perdre cette authentici­té et cette musicalité de la langue tunisienne qui font le charme de ces contes. L’auteur s’est approprié ces contes, essayant d’être la plus fidèle possible, allant jusqu’à garder des expression­s et autres mots originaux qu’elle traduisait entre parenthèse­s. «Mon souhait est que ces histoires soient réintégrée­s dans le patrimoine tunisien et enseignées dans les écoles» , affirme-t-elle. Dans ce travail de restitutio­n et cette volonté de témoigner de son temps, Michèle Madar a, également, écrit un roman intitulé «Si seulement Abraham avait eu deux filles…», où elle raconte le quotidien dans la Tunisie de Habib Bourguiba, où se vivait le partage des coutumes selon l’adage «chacun à sa façon dans le respect de tous».

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