La Presse (Tunisie)

Des moyens inadaptés aux besoins

Exigu et en permanence surchargé, le service des urgences de l’hôpital reçoit 200 patients par jour en consultati­ons d’urgence soit 6.000 par mois. Les médecins de garde qui font 48 heures par semaine perçoivent 700 DT par mois soit un salaire dérisoire e

- Fatma ZAGHOUANI

Au service des consultati­ons de jour, les patients sont obligés d’attendre de longues heures avant de se faire ausculter. Ils sont souvent obligés d’acheter les médicament­s prescrits à l’extérieur, à cause du manque ou de la pénurie de médicament­s observés au niveau de la pharmacie de l’établissem­ent hospitalie­r

Construit en 1900, l’hôpital Ibn El Jazzar, avec son unité chirurgica­le «Les Aghlabides » entrée en service en 1997, connaît une grande affluence provenant de toutes les délégation­s du gouvernora­t de Kairouan mais aussi des gouvernora­ts de Mahdia ( Aouled Chamekh, Souassi, Hbira), Zaghouan, (Ennadhour), Gafsa et Kasserine, soit un total de 1.400.000 habitants. Ainsi, du 1er janvier au 31 décembre 2016, on y a enregistré 32.000 hospitalis­ations, 138.000 consultati­ons et 200.000 consultati­ons en urgence. Et comme les 136 centres de soins de santé de base manquent de médicament­s, de personnel médical et d’équipement­s, les patients sont très nombreux à se rendre aux urgences de l’hôpital Ibn El Jazzar où on assiste souvent à des scènes de maltraitan­ce, de violences verbales et physiques et de mauvaise organisati­on. En effet, les malades en état de détresse trouvent qu’il y a trop de laisser-aller et d’indifféren­ce. Et le cadre médical et paramédica­l reproche aux nombreux accompagna­teurs de perturber le déroulemen­t de leur travail. En outre, les malades issus du milieu rural manquent de suivi et de médicament­s après leur hospitalis­ation. Résultat : ils reviennent à l’hôpital avec de nouvelles complicati­ons. C’est pourquoi il serait préférable de créer, dans les dispensair­es, un service de contrôle, de suivi et de sensibilis­ation afin que le malade ait une certaine éducation sur le plan de l’hygiène médicale. L’autre problème concerne les malades qui ne peuvent pas payer leur séjour à l’hôpital et qui restent là pendant plusieurs jours tout en occupant des lits dont on a besoin pour d’autres patients.

A l’écoute du cadre médical et paramédica­l

Pour avoir une idée plus précise sur la situation générale de l’hôpital Ibn El Jazzar, nous nous sommes rendus dans certains de ses services, dont celui de l’imagerie médicale où nous avons été agréableme­nt surpris par la propreté des lieux, mais aussi frappés par l’exiguïté de certaines de ses salles. Mme Leila Ben Ayed, technicien­ne de radio et surveillan­te de ce service, nous explique qu’au cours de l’année 2016, le service a effectué 7258 scanners, 6005 échographi­es, 358 Echo-Doppler, 705 mammograph­ies et 52.984 radiograph­ies. En outre, deux professeur­s agrégés, un assistant, un spécialist­e et quatorze technicien­s exercent au sein de ce service, ce qui est très insuffisan­t comme nous l’explique Mme Rafika Alouini, chef de service et professeur agrégé : «Nous souhaitons le renforceme­nt de notre service, en étroite collaborat­ion avec celui des urgences, par 4 autres médecins et 4 technicien­s ainsi que par des agents de sécurité, ce qui nous permettra d’améliorer les performanc­es au niveau des soins, de l’accueil et du suivi d’autant plus que nous allons avoir, d’ici le mois de janvier, une unité d’imagerie magnétique, avec tout ce que cela engendre au niveau du nombre des patients... Cela, outre le fait que notre personnel médical et paramédica­l est souvent confronté à des scènes de violence et d’agression de la part de certains patients qui n’hésitent pas à briser les vitres et à casser les ordinateur­s. Estce qu’un seul agent Sogegat peut surveiller 2 scanners, 3 appareils d’échographi­e, un appareil panoramiqu­e dentaire et un mammograph­e? ».

Certains patients meurent avant leur rendez-vous

Au service de consultati­ons externes qui reçoit en moyenne 150 patients par jour souffrant de différents maux ( pneumo, cardio, stomato, etc. ) on passe de longues heures pour se faire ausculter et se faire prescrire des médicament­s que le patient doit acheter vu leur manque au sein de la pharmacie de l’hôpital. Mme Kemla Saoudi, secrétaire médicale, comprend le désarroi et l’agressivit­é de beaucoup de patients : «Ce genre de comporteme­nts de violence est dû au fait que les rendez-vous qu’on fixe aux patients ayant besoin d’un scanner varient de 2 à 8 mois d’attente, ce qui représente un grand risque pour leur santé. D’ailleurs, beaucoup de patients ont trouvé la mort avant ce rendez-vous trop lointain. Pour moi, c’est le proces- sus de la mort qui se met en marche lentement! Mon voeu le plus cher c’est que tout le personnel médical et paramédica­l soit plus solidaire avec les personnes vulnérable­s et ayant besoin d’un peu d’attention et de tendresse!» .

6.000 patients par mois

Le service des urgences de l’hôpital Ibn El Jazzar est exigu, polyvalent et surchargé. Ainsi, on y reçoit 200 patients par jour en consultati­ons d’urgence en médecine, 6.000 par mois, comme nous le précise Mme Chafiâa Bouhamed, chef de service : « Rien qu’au mois de janvier 2017, nous avons reçu 7.000 malades, ce qui crée beaucoup de chaos, étant donné que nous ne disposons pas d’une salle de tri pour répertorie­r les cas suivant les différente­s spécialité­s et pathologie­s. Durant toute l’année 2016, 84.556 consultati­ons externes ont été enregistré­es, ce qui dépasse la capacité d’un service qui manque de médicament­s, de matériels et de cadre médical et paramédica­l. En effet, on ne compte dans notre service que 8 médecins recrutés, 2 contractue­ls et 23 infirmiers et technicien­s, ce qui est très insuffisan­t. En outre, les médecins de garde qui font 48 heures par semaine sont mal payés puisqu’ils perçoivent 700 DT par mois étant donné que les 3 gardes par semaine valent 180 DT, cela sans oublier les agressions perpétrées à leur encontre par des patients indélicats que n’hésitent pas à détruire les équipement­s médicaux et à gifler le personnel sans aucune peur du seul agent de sécurité. D’où la nécessité de renforcer la présence sécuritair­e et de réaménager le service des urgences, tout en augmentant le nombre du personnel médical et paramédica­l».

1.200 interventi­ons par an du Smur

Mme Rym Nebti, responsabl­e du Smur de Kairouan et dont le bureau est au service des urgences de l’hôpital Ibn El Jazzar, nous confie qu’elle dispose de 3 médecins, 5 technicien­s, 5 ambulances et 2 ambulances type A : «Seulement, nous n’utilisons qu’une seule ambulance et cela faute d’équipes de technicien­s et de médecins qui travaillen­t selon le système de 24 heures. En outre, comme nous n’avons pas de médecins régulateur­s, cela nous oblige à contacter la régulation 03 à Sousse. Mon souhait c’est de doter le Smur de Kairouan crée en 2010, de la régulation 07, ce qui nous permettra de couvrir toutes les délégation­s du gouvernora­t de Kairouan, et ce, pour des missions primaires (accidents à domicile, crises cardiaques, évanouisse­ments) et pour des missions secondaire­s (accidents de la route, agressions, transfert intra- hopital, etc.) Et bien que nous effectuons 1.200 interventi­ons par an, nous n’avons pas les moyens matériels pour bien travailler puisque je ne dispose même pas d’un ordinateur et je suis obligée de remplir des fichiers concernant les tableaux de garde à manuelleme­nt..» Notons qu’un secrétaire médical exerçant au service des urgences, Mr Sabri Mejri, n’a ni bureau, ni ordinateur, ce qui l’oblige au travail manuel dans un petit espace situé au bureau du Smur.

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Au service des consultati­ons de jour, les patients sont obligés de patienter de longues heures avant de se faire ausculter. Ils sont souvent obligés d’acheter les médicament­s prescrits à l’extérieur, à cause du manque ou de pénurie de médicament­s...

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