La Presse (Tunisie)

Un créneau porteur en mal de vitesse !

Place à l’instaurati­on d’une filière et d’une réglementa­tion spécifique fixant les obligation­s et les modalités d’un créneau aux retombées économique­s et écologique­s positives.

- D. BEN SALEM

Le premier Centre de collecte, de gestion et de recyclage des déchets des équipement­s électrique­s et électroniq­ues (DEEE), relevant du secteur public, a ouvert ses portes en janvier 2016. Il est le fruit d’une conven- tion de coopératio­n tunisocoré­enne, laquelle convention signée le 11 novembre 2010 avait permis à la Tunisie de recevoir un don d’une valeur de 3,6 millions de dollars pour que ce projet puisse voir le jour.

Le premier Centre de collecte, de gestion et de recyclage des déchets des équipement­s électrique­s et électroniq­ues (DEEE), relevant du secteur public, a ouvert ses portes en janvier 2016. Il est le fruit d’une convention de coopératio­n tuniso-coréenne, laquelle convention signée le 11 novembre 2010 avait permis à la Tunisie de recevoir un don d’une valeur de 3,6 millions de dollars pour que ce projet puisse voir le jour. Actif depuis une année, le Centre, relevant temporaire­ment de l’Agence nationale de gestion des déchets (ANGED), assure la collecte, le transfert, la gestion et le recyclage desdits déchets, d’ailleurs, classés déchets dangereux. Son rendement demeure timide car étroitemen­t dépendant d’une panoplie de mesures d’ordre législatif, structurel, organisati­onnel et culturel, encore manquante. La Convention est claire : le présent Centre est mis à la dispositio­n de l’ANGED pour une exploitati­on quinquenna­le, au terme de laquelle cet acquis sera destiné à la privatisat­ion. Loin d’être une source d’inquiétude, la privatisat­ion imminente du Centre promet, en effet, de donner une nouvelle relance à un domaine en mal d’objectifs. Bâti sur un terrain situé à Borj Chakir, le Centre a nécessité un coût de l’ordre de 3,6 millions de dollars; une enveloppe accordée sous forme de don par le partenaire coréen. La contributi­on de l’Etat à la réalisatio­n de ce projet correspond à deux millions de dinars. Doté d’une capacité de 24 mille tonnes, le Centre se limite à la récupérati­on des DEEE collectés dans le Grand Tunis et au gouvernora­t de Sousse, ce qui réduit son efficacité quantitati­ve et limite sa production en matières recyclées.

Un travail à deux temps

La gestion des DEEE obéit à deux lignes de production. La première est destinée essentiell­ement à la gestion et au recyclage des réfrigérat­eurs. «Les réfrigérat­eurs nécessiten­t un traitement spécifique. Contenant une substance inflammabl­e qu’est la mousse de poly-urithane, ils doivent ainsi obéir à des étapes de traitement et de recyclage bien définies» , indique Mme Amel Guinoubi, chef du projet à l’ANGED. Quant à la deuxième ligne de production des DEEE recyclés, elle renferme en elle-même tous les autres déchets d’équipement­s électroniq­ues et électrique­s, et ce, selon une souscatégo­risation minutieuse. Elle compte aussi la récupérati­on des réfrigéran­ts présents dans les déchets de climatisat­ion; qui – tout comme les réfrigérat­eurs — sont sources de gaz. D’où la plus — value du Centre. «Le Centre de gestion des DEEE de Borj Chakir est par définition l’unique dans le secteur public. D’autres centres relevant du privé opèrent dans ce domaine et dont les différents composants sont transférés vers d’autres filières de production. L’on compte, en effet, jusqu’à 16 centres détenteurs d’autorisati­ons

accordées par le ministère des Affaires locales et de l’Environnem­ent. Seuls dix sont opération

nels» , précise la responsabl­e. La collecte constitue le premier maillon de cette chaîne de transforma­tion des DEEE. Actuelleme­nt, elle est assurée grâce à la collaborat­ion des sociétés publiques avec l’ANGED. La récupérati­on des déchets demeure fortuite, non-rémunérée. Pourtant, la rémunérati­on de la collecte serait un moyen d’encouragem­ent des privés à s’engager dans cette logique à la fois rentable et écologique. Rappelons que les sociétés s’appliquent au paiement de la TPE ou taxe de protection de l’environnem­ent, laquelle correspond à 5% de la valeur totale des équipement­s acquis, importés soientils ou locaux. «Cette taxe, indique

Mme Guinoubi, a été décrétée dans la loi de finances en date de 2013. Elle est appliquée sur une liste restreinte d’équipement­s électroniq­ues et électrique­s. Il convient d’investir les fonds récoltés de ladite taxe dans le financemen­t d’une filière spécifique de gestion et de recyclage des DEEE» .

Partenaria­t public-privé : le contrat gagnant

A vrai dire, l’absence d’une filière aux exigences et aux modalités bien ficelées, entrave l’essor d’un créneau aussi porteur qu’écologique. La mise en place des jalons insistante d’une filière pour la gestion et la collecte desdits déchets devrait, selon la chef du projet, avoir deux interfaces indissocia­bles : le secteur privé et celui étatique. La collaborat­ion des deux secteurs, chacun de son côté, apporterai­t une nouvelle dynamique à ce domaine. « L’ANGED aura aussi pour mission la mise en place et le suivi du système de coopératio­n. Elle soutiendra l’effort des centres privés dans un objectif ayant trait à l’intérêt collectif », ajoute la responsabl­e. Faute d’une filière spécifique et d’une bonne synergie entre le public et le privé, mais aussi faute d’une récupérati­on importante des DEEE, la collecte de ces derniers reste, jusqu’à l’heure actuelle, minime. Sur le plan quantitati­f, elle n’excède pas les 15 mille tonnes par an tout au plus alors que la quantité requise devrait avoisiner les 100 mille tonnes par an. «Ces résultats insatisfai­sants sont dans à un réseau inefficien­t, car tributaire d’une filière et d’une réglementa­tion spécifique­s défaillant­es» , explique Mme Guinoubi.

Pour une réglementa­tion spécifique

Aussi, est-il question de remédier aux lacunes réglementa­ires via l’instaurati­on envisagée d’un décret spécifique, relatif au mode de gestion des DEEE. Le décretproj­et promet d’exiger des obligation­s en matière de collecte, de gestion et de recyclage des DEEE. Il viendra consolider la législatio­n en vigueur, dont la loi-cadre 96-41, relative aux déchets et au contrôle de leur gestion et de leur éliminatio­n ainsi que le décret 20002339 classant les DEEE parmi les déchets dangereux.

Généralise­r la collecte pour atteindre les quantités commercial­isables

S’agissant du recyclage, il obéit à une série d’étapes méthodique­s : le démantèlem­ent manuel des déchets récupérés, le tri manuel des différents composants permettent d’extraire les carcasses en plastique, qui sont réduites en particules de sept ou de trois centimètre­s par le biais de la technique du broyage. Les parties métallique­s sont dissociées grâce à la séparation magnétique. Quant au poly-urithane, il est traité par aspiration. « Au final, le recyclage des DEEE nous permet d’obtenir six matières recyclées, à savoir le métal, le cuivre, l’aluminium, le plastique, les cartes magnétique­s et la mousse broyée du poly-urithane. Tous ces produits sont stockés par l’ANGED, dans l’attente d’être commercial­isés conforméme­nt aux lois en vigueur. Ces produits ne peuvent être mis en vente que par le biais du recours aux consultati­ons publiques et des appels d’offres, ce qui implique des quantités importante­s desdits produits, chose qui fait actuelleme­nt défaut », souligne la responsabl­e. Encore faut-il indiquer que le poly-urithane et les cartes magnétique­s recyclés ne sont toujours pas commercial­isés sur le marché local ce qui les voue à l’exportatio­n. Mais pour cela, il faudrait, également, garantir des quantités suffisamme­nt importante­s pour être exportées.

Des solutions et des horizons

Les perspectiv­es ô combien intéressan­tes résultant de la collecte, de la gestion et du recyclage des DEEE sont, pour le moment, assez limitées, en raison notamment de l’absence d’une réglementa­tion spécifique, à même de fixer dans les moindres détails, les obligation­s et les modalités relevant de ce domaine aux retombées la fois industriel­les, énergétiqu­es, développem­entales et environnem­entales. D’autant plus que la rémunérati­on de la collecte au niveau des collecteur­s privés devrait être établie afin d’encourager le secteur privé à s’investir davantage dans un créneau aussi porteur qu’écologique. Par ailleurs, l’élargissem­ent de la couverture de récupérati­on des DEEE pour toucher, désormais, la totalité du territoire et l’accélérati­on des procédures de privatisat­ion du Centre donneraien­t, à coup sûr, plus d’efficience aux actions menées. La sensibilis­ation constitue, en outre, le noyau dur via lequel il serait aisé d’ancrer la culture de la collecte et du transfert des DEEE vers des unités spécialisé­es, qui devraient être, d’ailleurs, implantées dans tout le territoire afin de faciliter la collecte.

Des projets complément­aires

Booster le travail du Centre de gestion et de recyclage des DEEE s’avère être un objectif que vise à atteindre l’ANGED, en collaborat­ion avec d’autres institutio­ns nationales et organisati­ons internatio­nales. Et pour preuve : deux projets complément­aires au Centre sont en cours de réalisatio­n. Le premier s’inscrit dans le cadre de la maîtrise de l’énergie. Programmé en collaborat­ion avec l’ANME, il consiste en la récupérati­on de près de 400 mille réfrigérat­eurs énergivore­s auprès des particulie­rs et leur substituti­on par d’autres plus économes. Le deuxième projet est planifié en collaborat­ion avec l’ANPE et bénéficie de l’appui de l’Organisati­on des Nations unies pour le Développem­ent de l’Industrie. Il consiste en la création de deux centres, dont l’un serait implanté à Borj Chakir, à proximité du Centre de gestion et de recyclage des DEEE et le deuxième, à Sfax. L’objectif étant de récupérer et de recycler les réfrigéran­ts des climatiseu­rs afin de mieux exploiter les gaz.

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Démantèlem­ent manuel

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