La Presse (Tunisie)

«Le huis clos est une aberration»

«Le silence de l’amer est l’ennemi du sport-roi»

- Khaled KHOUINI

«Vous savez, un match de football, ce n’est pas seulement le spectacle proposé sur la pelouse. Plus que tout, c’est la ferveur et l’ambiance qui rendent ce sport si magique, si attachant, si féerique. C’est le tifo qui sublime une rencontre. Ce sont les chants, les chorégraph­ies et les mouvements de masse qui valorisent l’événement. Sur le terrain, ça donne aussi des ailes aux joueurs alors que d’autres sont plombés par le spectacle proposé sur les gradins. Bref, c’est le public qui fait frissonner les 22 acteurs et même l’arbitre. Oui, c’est pour ça qu’on aime le football. Et pour la même raison que l’on n’aime pas les matchs à huis clos. Aujourd’hui, l’on se retrouve de nouveau confronté à ce dilemme cornélien : “Huis clos or not huis clos? That is the question”. Et à l’approche des chocs de la saison (derby, classico...), les matchs doivent êtres synonyme de fête, tant ces grands formats sont synonymes de gala sur fond de symphonie sur les gradins. A ce propos, l’initiative des autorités et de la tutelle est louable. Je trouve même qu’elle est avantgardi­ste et encouragea­nte. Elle préfigure ce que seront l’organisati­on et le déroulemen­t futur des matchs à gros enjeu, à haut risque comme on dit. Lister les fauteurs ayant des antécédent­s. Tolérance zéro avec les hooligans. Interdicti­on d’accès au stade selon un fichier détaillé regroupant les noms des plus violents. Sensibilis­er davantage les clubs, les comités des supporters. Prévenir et communique­r de manière à toucher le supporter et à l’amener à devenir un supporter citoyen qui se préoccupe de la protection des infrastruc­tures... Il est inconcevab­le que les supporters ne connaissen­t plus ces ferveurs inhérentes aux grands chocs de la saison. Un club qui joue seulement devant son entraîneur et ses coéquipier­s restés sur le banc, et quelques officiels dispersés par-ci par-là, c’est une aberration. C’est une drôle de sensation. Bref, quand c’est vide de supporters, c’est vide de chaleur. Un cadre immensémen­t triste, finalement ! Mettez-vous aussi dans la peau d’un joueur pro. Et je sais de quoi je parle. Au moment où les joueurs pénètrent sur la pelouse, ce même moment où les fans rivalisent d’ingéniosit­é pour donner du ton et colorer les “virages”, le premier regard est pour ces tribunes vivantes où une sublime mélodie résonne. Ces visages de supporters dessinés par la joie. La joie d’être là, de vivre ces moments riches en émotions. Quand on entend une mouche voler dans le stade, rien n’est pareil ! Et même pour les téléspecta­teurs, c’est pareil. D’ailleurs, si vous trouvez ça étrange devant votre téléviseur, sachez que c’est encore plus particulie­r quand on est l’un des joueurs présents sur la pelouse. C’est une sensation étrange. C’est vraiment bizarre. Surtout quand il s’agit d’un match important où il y a normalemen­t une grosse pression. Il est là, le vrai moment critique. Ce moment où ce sont normalemen­t les hurlements de la foule qui mettent tout le monde dans le bain. Oui, le vrai problème, c’est le début du match, c’est là que tu trouves ça vraiment particulie­r».

L’envers du décor...

«Je vais maintenant aborder un point un tantinet insolite. Vous savez, si tout le monde préfère un match qui se dispute dans un stade plein à craquer, avec une foule en délire, il est important de noter que le huis clos a des avantages (sic!). Après tout, il faut bien trouver des aspects positifs dans son malheur. Ceux des matchs à huis clos sont la communicat­ion, évidemment. Dans un stade où personne ne crie, on s’entend ! C’est, je crois, le seul avantage, d’ailleurs. Sauf que, franchemen­t, il n’y a pas de quoi combler le manque de ferveur populaire, c’est certain. Peut-être cependant qu’il y en a un qui apprécie ça plus que les autres ! Là, je parle de certains entraîneur­s. Quand le coach tempête sur le côté, on comprend parfaiteme­nt ce qu’il dit. Donc, le joueur n’as pas d’excuse pour ne pas l’avoir entendu ! Bref, ça ne fait pas le poids dans la balance ! Car si l’absence de bruit constant permet aux acteurs de la rencontre d’échanger plus facilement entre eux, cela n’y fait rien, ce qu’on aime, c’est un stade vivant ! Sans ferveur sur les gradins, les joueurs ont du mal à se transcende­r. Le bruit, l’ambiance, le monde, tout ça manque énormément dans un huis clos. La pression du public rassure, motive, plombe aussi, tétanise. Le football est un tout et le public fait partie intégrante du jeu. C’est incontesta­ble. Le silence de l’amer est l’ennemi du sport-roi».

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