La Presse (Tunisie)

Dans le bon sens… mais

- Par Raouf NajjaR

La FTF vient de décider de ne plus recourir au huis clos pour sanctionne­r les actes de violence dans les stades, désormais exclusivem­ent réprimés par des peines financière­s à la charge du club. Pour quelles raisons ? Dans quels objectifs ? Innovation ou rafistolag­e? Dans l’attente d’un communiqué en expliquant les tenants et aboutissan­ts, l’on est réduit à supposer que la décision ait été adoptée dans le cadre général de la lutte contre la violence dans les stades. A priori, l’abrogation du huis clos va dans le bon sens pour trois raisons essentiell­es: – Elle met fin à la double sanction qui frappait le club(amendes et huis clos)et à «l’injustice» de punir sportiveme­nt le club, certes responsabl­e mais pas coupable du fait des écarts de ses pseudo-supporters. – Elle renonce au huis clos qui punit les «bons» supporters (la majorité)et «tue» le spectacle car un stade vide de ses spectateur­s est un «cimetière». – Elle acte que le huis clos n’a jamais fait reculer la violence. Relevons néanmoins que renoncer au huit clos peut apparaître comme : – Une prime aux casseurs désormais sûrs de ne plus être privés de match. – Une sanction plus lourde pour le club, la peine financière remplaçant le huis clos devenant plus importante que la recette escomptée de certains matches. Globalemen­t, la FTF a eu raison de prendre cette décision dont l’expériment­ation dévoilera l’efficience et — surtout — les limites. En effet, l’abrogation du huis clos ne fera pas reculer la violence dans les stades si elle n’est pas accompagné­e d’une batterie de mesures allant de la prévention à la répression vu que l’une ne va pas sans l’autre, les incivilité et la délinquanc­e dans les stades faisant partie d’une réalité sociétale aux racines profondes et aux causes multiples imposant une stratégie multiforme et des mesures couvrant en amont et en aval le phénomène. Nombreuses sont les stratégies adoptées efficaceme­nt par plusieurs pays, surtout depuis le drame du Heysel de mai 1985. Regardez les stades anglais, minés par le hooliganis­me les années 80, devenus aujourd’hui un lieu de conviviali­té et de plaisir. En ne prônant que l’aspect répressif et en négligeant le côté préventif, notre pays n’a jamais su s’attaquer aux différente­s manifestat­ions de la violence dans la vie publique, l’école, les stades, etc. Nous gagnerions à nous inspirer des expérience­s des autres pour mettre au point un plan anti-incivilité­s visant à les réduire à des niveaux «tolérables», leur éradicatio­n étant impossible. En matière de sport, une telle stratégie ne relève pas de la seule FTF, accusée à tort d’inefficaci­té. Ni ses moyens ni ses prérogativ­es ne le lui permettent et autres intervenan­ts sont concernés : Le MJS, la police, la justice, le Cnot, les clubs, les comités de supporters, les médias… Cela suppose la coordinati­on des efforts de tous, animés par la volonté de rendre au sport ses valeurs fondamenta­les et son caractère festif. Plusieurs mesures pratiques s’offrent et s’imposent à nous avant le point de non-retour. Les compétence­s sont là pour les répertorie­r. Il suffit de vouloir. Et nous pourrons alors rêver de ne plus voir le spectacle désolant des policiers courant vers l’arbitre pour le protéger. Le pire serait de se contenter de slogans creux et de sanctions répressive­s, chacun des intervenan­ts concernés fuyant ses responsabi­lités en accusant les autres de tous les maux… comme dans la pièce théâtrale «Huis clos» de Sartre mettant en scène des protagonis­tes proclamant chacun : l’enfer, c’est les autres. R. N. (Ancien ministre de la Jeunesse et des Sports).

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