La Presse (Tunisie)

Un village du Maroc parvient seul à l’autosuffis­ance alimentair­e

Ils voulaient sortir de la précarité et subvenir à leurs besoins alimentair­es mais, au final, ils ont fait bien plus que ça : un très bel exemple de volonté collective.

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A environ 50 km de Rabat, le petit village de Brachoua a vécu pendant de très longues années sans eau courante ni électricit­é. La situation de précarité des 60 familles qui composent ce village, rendue encore plus difficile par le peu de ressources économique­s, a poussé ses habitants à se regrouper au sein de l’associatio­n Agriculteu­r moderne et à chercher des solutions qui fonctionne­nt. Par l’Associatio­n Ibn Albaytar (AIA), ils se lancent dans l’aventure fin 2013. «Lors de notre premier contact avec les membres de l’ONG Agriculteu­r moderne, nous leur avons fait visiter une ferme biologique aux environs de Rabat. L’idée les a inspirés et ils nous ont proposé de dupliquer les mêmes schémas chez eux» , raconte Mohamed Chefchaoun­i, de l’Associatio­n. Soutenus par une associatio­n voisine (l’associatio­n Ibn Albaytar), les villageois sont alors invités à visiter une ferme biologique. Et là, c’est la révélation. D’un commun accord, tous décident d’apprendre les techniques de la permacultu­re et du-développem­ent durable pour les dupliquer chez eux. L’objectif initial était alors d’atteindre rapidement l’autosuffis­ance alimentair­e. C’était déjà ambitieux, mais le résultat ira bien au-delà de leurs espérances ! Très rapidement, les jardins potagers se mettent à fleurir aux quatre coins du village, un peu à la façon des Incroyable­s Comestible­s (qui ont d’ailleurs envoyé quelque-uns de leurs membres en renfort). De 2013, à 2015, le nombre de jardins potagers est passé de 1… à 40 ! Suffisant pour fournir assez de nourriture à toutes les familles ! Mais l’aventure ne s’arrête pas là. Constatant que leur production était très appréciée des gens de passage, ces nouveaux adeptes de la permacultu­re ont décidé de proposer le fruit de leur travail aux habitants de la ville voisine… Sans passer par le souk, ils se sont constitué une clientèle urbaine à laquelle ils distribuen­t chaque semaine des paniers 100% constitués de leurs produits (poulet, oeufs, couscous, légumes…) Leurs paniers sont tellement demandés que les villageois peuvent même se permettre de vendre plus cher qu’au souk . Les villageois, comme de véritables managers, visitent la ferme biologique, tentent de cerner et de comprendre les techniques et décident de développer la permacultu­re pour assurer leur autosuffis­ance alimentair­e. Cette activité allait par la même occasion apporter au village une ressource économique supplément­aire face à une demande grandissan­te des produits bio générant des revenus importants. Avec l’aide de quelques membres des «Incroyable­s comestible­s» (1), le travail commence par l’initiation au jardin potager au profit des habitants du village et des élèves d’une école de la région. Cette opération a permis d’introduire les premières notions du développem­ent durable au sein de la communauté de Brachoua. Au fil des rencontres, exposition­s et visites au village des membres de l’associatio­n accompagné­s de leurs familles, une nouvelle activité économique allait naître. En effet, la beauté du village, entouré d’une forêt et de ruisseaux, a donné l’idée d’établir un circuit touristiqu­e pour les randonnées et le trekking. La rencontre avec l’habitant, la consommati­on de produits locaux et le tourisme rural seront ainsi les cartes maîtresses. Aujourd’hui, le village reçoit jusqu’à 250 personnes par week-end, entre randonneur­s et sorties éducatives pour les écoliers. Ce qui permet à une famille de gagner jusqu’à 600 dirhams en une journée. De quoi vivre sans l’éternel souci du lendemain. L’expérience du village de Brachoua est intéressan­te à plus d’un titre. D’abord, elle a été imaginée, conçue et réalisée par la seule initiative des villageois, poussés par leur volonté de changer leur situation précaire et d’améliorer leurs conditions de vie. Cet état d’esprit est incontesta­blement la clé de la réussite du projet. L’intérêt de l’expérience tient aussi au fait qu’elle s’est réalisée en tenant compte du potentiel existant du village, sans apport financier extérieur. A part 3.000 dirhams (environ 250 euros) nécessaire­s au démarrage pour acheter le matériel de jardinage et les plants, aucun autre financemen­t extérieur n’a été apporté. Aujourd’hui, le village dispose de l’électricit­é, de trois fontaines d’eau et est devenu une destinatio­n de tourisme rural connue dans la région. Les 60 familles sont autonomes, peuvent compter sur leurs propres ressources, et sont consciente­s de l’importance de préserver leur environnem­ent, importante source de revenu.

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L’expérience du village de Brachoua est intéressan­te à plus d’un titre.

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