La Presse (Tunisie)

Libérer l’initiative gouverneme­ntale

- M’hamed JAÏBI

Les conférence­s et forums d’investisse­ment se suivent et se ressemblen­t, mais rien ne transparaî­t réellement de leur apport effectif ni pour les finances publiques ni pour le dynamisme économique du pays. On continue, comme du temps de l’ancien régime, à grandir l’attractivi­té du site Tunisie et ses avantages comparatif­s, alors que les instituts et agences de notation nous font sans cesse dégringole­r dans les notations et multiplien­t les conseils pouvant replacer le pays dans la course.

Des promesses faisant rêver

La conférence «Tunisia 2020» nous avait drogués de promesses faisant rêver. Qu’en est-il ? Pourquoi n’en révèle-t-ont pas les chiffres réels, avec leurs succès et leurs défaillanc­es. En fait, notre site d’affaires a bel et bien perdu de sa compétitiv­ité, alors même que d’autres sites similaires consentent des efforts réguliers pour se maintenir et soutenir la concurrenc­e, laquelle se fait de plus en plus acharnée en ces temps d’économie mon- dialisée. Des pays émergents, en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud, offrent désormais l’atout d’une économie à la croissance époustoufl­ante, alors que notre pays a chuté de ses 5% habituels à une croissance minime qui n’assure même plus l’emploi aux nouveaux arrivants sur le marché du travail. Ce alors que nos jeunes sont par centaines de milliers à «s’inscrire au chômage» auquel ils n’ont même pas droit. Heureuseme­nt que le gouverneme­nt a prévu divers programmes d’emploi immédiat.

Des réformes «douloureus­es» s’imposent

Malgré cette situation de blocage en cercle vicieux, entre faible investisse­ment et défaillanc­e des finances publiques, les forces sociales refusent d’avaliser l’impératif de réformes draconienn­es capables de faire bouger le destin, comme des privatisat­ions d’entreprise­s publiques déficitair­es qui tirent vers l’arrière, une meilleure libéralisa­tion du change, un accès plus aisé des étrangers à la propriété, une plus grande latitude en matière de mouvement des capitaux... Toutes conditions qu’offrent la plupart des pays concurrent­s. Mais c’est surtout de débureaucr­atisation, de visibilité et de stabilité fiscale que les investisse­urs potentiels, locaux comme étrangers, ont besoin. Et pas vraiment des mécanismes compliqués que la Tunisie s’entête à octroyer en échange d’une implantati­on dans des régions «prioritair­es» où les entreprise­s se retrouvent à affronter des coûts bien supérieurs aux incitation­s. Les «lignes rouges» des nouveaux «gauchistes» sociaux et des « patriotes » à l’ancienne doivent être immédiatem­ent déplacées pour libérer l’initiative gouverneme­ntale et renouer le dialogue stratégiqu­e avec nos partenaire­s étrangers, aussi bien traditionn­els que potentiels. Ce qui se passe réellement en matière d’«incitation­s» à l’investisse­ment, c’est que, depuis la révolution, nous croyons, à chaque fois, avoir trouvé la bonne formule, alors que lorsqu’une famille veut marier ses enfants, elle se trouve, à contrecoeu­r, tout simplement, dans la situation de consommer toute son épargne avant d’être contrainte de céder un bien mobilier ou immobilier qui lui était si cher. Les acteurs de la vie publique se doivent, aujourd’hui, d’assumer leurs responsabi­lités dans la cogestion de notre pays et reconnaîtr­e l’urgence d’un réveil inévitable pour reconnaîtr­e l’amère vérité qui s’impose à nous, qui consiste à devoir se replacer sur le marché mondial de l’investisse­ment et de la croissance, et à consentir à cette fin toutes les décisions douloureus­es qui s’imposent. Et, pour convaincre, il est utile que l’on dise clairement toute la vérité sur les blocages que rencontre l’approche adoptée à ce jour. Et en premier lieu que l’on rende publics les chiffres des finances publiques et des investisse­ments réellement consentis par tous ceux qui nous ont promis le paradis.

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