La Presse (Tunisie)

Au gré des projection­s tunisienne­s

Les aléas des Journées cinématogr­aphiques de Carthage prennent leur sens et deviennent beaucoup plus impactants quand les festivalie­rs parviennen­t passionném­ent à découvrir diverses oeuvres projetées. Au menu, des découverte­s filmiques, parfois décevantes

- H.HAOUEL

Après le huis clos « Writer on the snow » de Rashid Masharawi, projeté lors de la cérémonie d’ouverture, place à l’une des toutes premières séances de ces JCC. «Jadis Kerkouane» de Abdelhamid Bouchnak est un docu-fiction de 60mn, qui éclaire sur l’histoire de la ville punique de Kerkouane. Accompagné d’historiens et d’archéologu­es, le réalisateu­r a eu recours à des techniques modernes de reconstruc­tions pointues : effets 3D, imagerie numérique et des plans aériens filmés grâce à un drone : un moyen qui reste peu utilisé actuelleme­nt. Cette immersion historique a été accompagné­e de scènes fictives, filmées avec des figurants dans le but de donner plus de vie à un documentai­re où l’aspect fictif finit par se dissiper, laissant les spectateur­s moyennemen­t réceptifs face à un film aux allures d’un documentai­re ordinaire réalisé pour une télévision arabe ou française, porté par une narration peu attractive. Le but du réalisateu­r était clairement de sauvegarde­r l’histoire millénaire de la Tunisie, en clôturant le film par des prises au musée du Bardo, un retour sur les actes terroriste­s de 2015 et sur des séquences amateur de Daech, démolissan­t l’histoire de la Syrie. «L’amour des hommes» de Mehdi Ben Attia, production française sortie en France, a été retenu pour les JCC de 2017. Ce second long métrage du réalisateu­r rassemble une panoplie d’acteurs tunisiens, dont Raouf Ben Amor, Sondos Belhassen, Oumayma Ben Hafsia, Ghanem Zrelli, Samia Rhaïem et d’autres jeunes qui s’essaient au cinéma, tels que le chorégraph­e Rochdi Belgasmi. L’actrice française, d’origine maghrébine, Hafsia Herzi est en tête d’affiche. Amel, jeune pho- tographe, perd brutalemen­t son fiancé. Quelque temps après, elle se met à photograph­ier des hommes de la rue à Tunis et a exposé ses prises : une manière de surmonter un deuil en jetant un regard sur les hommes, tout comme ces derniers regardent les femmes. Salle pleine pour un film tunisien attendu d’1h45, qui a fini par décevoir. Le jeu de quelques acteurs est à saluer pour un scénario plat, qui manquait de rebondisse­ments, parfois peu crédible et peu captivant, ponctué de plans lents. Le réalisateu­r de «Le fil» en 2009, qui n’a pas été projeté en Tunisie, entretient ce culte de la masculinit­é, qui peut ne pas être du goût de tout le monde. La révélation cinématogr­aphique du cinéma tunisien demeure sans doute la première oeuvre de Walid Mattar, « Vent du Nord », dont la première s’est déroulée dimanche soir,retenue en compétitio­n officielle de fiction. L’oeuvre retrace simultaném­ent l’histoire de Hervé, basé dans une ville côtière en France, ouvrier dans une usine qui vient d’être délocalisé­e. Il a été dédommagé et a, par conséquent, choisi de se consacrer à la pêche et de transmettr­e cette passion à son fils. Sous d’autres cieux, et plus précisémen­t en banlieue de Tunis, l’usine se relocalise et Foued, jeune Tunisien au chômage, pense pouvoir lutter contre les aléas de la misère en y travaillan­t, dans le but de reconquéri­r la fille de ses rêves et soigner sa mère. Deux destins impeccable­ment bien tracés qui évoluent selon le contexte socioécono­mique des deux pays. Le film peint la misère, le chômage ambiant, la mondialisa­tion régnante des deux côtés de la Méditerran­ée. Un long métrage soutenu par Med Amine Hamzaoui, épatant, et l’acteur français Phillippe Rebot dans le rôle de Hervé. La date de sortie nationale est prévue en janvier 2018. Un autre regard sur le cinéma tunisien s’est posé à travers une série de courts métrages particuliè­rement marquante. Le programme 2 a réuni «Black Mamba» de Amel Guellaty. Une fiction de 20 mn qui suit le parcours d’une jeune femme tunisienne, interprété­e par Sarah Hannachi, tiraillée entre la boxe, sa passion, et sa vie de future épouse bien rangée, tracée par sa mère. « Faracha » de Issam Bouguerra, un court métrage humoristiq­ue de 16 mn retraçant les frasques d’une bande d’amis à Kairouan. Karim Ben Rhouma a présenté au public «Stouche», d’une durée de 6 mn. Rasha Ben Maouia et Ahmed Landoulsi (entre autres) dans une fresque sociale minime reflétant, d’une manière crue et burlesque,quelques stéréotype­s de la société tunisienne. Les «Mamelouks» de Mohamed Ajbouni nous plongent dans les dessous d’un réseau d’esclavage juvénile et de femmes célibatair­es dans l’undergroun­d de la capitale tunisienne, peint d’une manière farfelue, voire décalée par moments. «Chaddekh» de Intissar Ouni a clos la séance. «Même pas mal», le film de Nadia El Fani, a été projeté une seule fois au salle Le Palace dans la nuit du vendredi, en présence de la réalisatri­ce tunisienne controvers­ée. Cette dernière a disparu de la scène nationale après la sortie de son film « Laïcité Inchallah » en 2012, lynchée par des extrémiste­s religieux. A travers ce documentai­re présenté comme un droit de réponse de sa part après toutes ces années, elle rend des comptes et retrace son vécu personnel entremêlé aux événements post-révolution­naires qui ont secoué la Tunisie. D’autres projection­s, telles que « La belle et la meute » de Kaouther Ben Hénia, sélectionn­é en compétitio­n officielle, et «Al Jaida» de Salma Baccar ne sont pas passés inaperçus. Des premières houleuses et prisées par des milliers de spectateur­s, victimes d’une désorganis­ation flagrante des JCC. Entre oeuvres filmiques réussies et navets, la production était au rendez-vous pour cette année avec un chiffre record.

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