La main sur le coeur
On ne le dit presque jamais, mais les acteurs majeurs de toute bulle sportive ne se limitent pas à certains clichés qu’on souhaite trop souvent leur accoler. Certains ont vraiment la main sur le coeur.
Etude de cas des clubs sportifs professionnels. Une association sportive réputée et chevronnée est avant tout une sorte «d’entreprise de spectacle » qui entretient des relations avec un grand nombre de parties prenantes appartenant à des types d’institutions diverses outre les sponsors-commanditaires, médias, collectivités territoriales, spectateurs-fans-supporters individuels et organisés... Si ces relations sont essentielles à la survie et au développement des clubs puisqu’elles leur apportent leur financement, depuis des dizaines d’années, d’autres types de transferts économiques se sont développés et ont pris une importance croissante pour les clubs avec des acteurs ne leur apportant pourtant aucun financement. Il s’agit des organisations caritatives. Quelles formes ces transferts économiques prennent-elles? Quels en sont les contenus et en particulier pourquoi les clubs réalisent-ils ces transferts? Pour y répondre, il faut tout d’abord illustrer la diversité des formes de transferts économiques (échange marchand, échange non marchand, dons...) qui s’établissent entre les clubs et les organisations caritatives, tout comme la multiplicité des contenus mobilisés qui animent ces formes. Pour ce faire, il faut s’appuyer sur un cadre d’analyse qui se démarque des lectures économiques basiques, en mettant en évidence la complexité des formes de transfert qui se placent en rupture avec une partie de la lecture classique du phénomène (nonréciprocité du don).
L’humanitaire, le caritatif et l’altruisme
Ce faisant, trois formes différentes de transfert économique sont à dissocier en vue d’étayer cette analyse. L’échange marchand, l’échange non marchand et le don. La première distinction se situe entre le don et l’échange et est fondée sur l’exigibilité juridique ou morale de la contrepartie d’un transfert. Pour le don, aucune contrepartie n’est exigible juridiquement. Le don de billets pour un match de football à des enfants malades n’autorise pas un club à réclamer juridiquement quoi que ce soit en retour (précieux sésames offerts par un grand club de la capitale lors du dernier derby). Tout au plus, les enfants et leurs accompagnants peuvent avoir une dette morale, mais c’est tout ! La distinction entre les deux échanges (marchand et non marchand ) prend ici tout son sens. Elle se situe sur la relation prépondérante dans le transfert. Le lien de dépendance par opposition au lien d’amitié ! On dit souvent que l’échange marchand est systématiquement rationnel et égoïste. Celui issu du bénévolat, de l’altruisme via des oeuvres caritatives par exemple est en soi louable. Mais il met aussi en avant tout le côté solidaire, humain, désintéressé et protecteur du sport. Cependant, il est important d’élargir la perspective en se situant dans des contextes institutionnels et culturels différents, et ce, en vue de constater les différences et ressemblances observables au gré des institutions sportives étudiées. Car les associations sportives tunisiennes ne gèrent pas les mêmes budgets et n’ont pas toutes le même mode de fonctionnement. Ce sont avant tout des associations à but non lucratif qui dégagent pourtant des bénéfices qui ne peuvent être redistribués pencher sur les relations des clubs avec les organisations caritatives. Tout d’abord, c’est un véritable engagement même si sa nonobservation n’est pas sanctionnée par la loi. Ces associations qui se penchent sur le volet humanitaire le font de manière désintéressée. C’est l’appel du coeur avant tout. Il faut savoir aussi qu’aucun de ces clubs ne dispose de fonds spécifiques, d’une fondation ou d’un département dédié à ces engagements caritatifs et aucun salarié n’est chargé à temps plein de les réaliser. C’est le règne du mécénat, de l’implication, du don de soi et de la générosité.
La compassion de Nabil Maâloul
Dans la plupart des cas, l’implication des clubs se fait à la suite d’une initiative individuelle de sou- tien d’un membre du club (joueurs anciens ou actuels, entraîneurs, dirigeants) à l’une ou l’autre cause. Ce fut le cas dans nos contrées récemment quand un jeune supporter a succombé suite à un but marqué par la sélection nationale de football. Touché par le drame, Nabil Maâloul, head-coach national, s’est précipité au chevet de la famille du défunt, entourant la famille du regretté de son affection. Car, dans la plupart des cas, ce sont souvent des forces du club ou du team (parmi les joueurs, staff technique ou des membres du staff et administratifs) qui viennent en aide. Qu’ils soient parrains d’associations en demandant au club de ponctuellement mettre en place certaines choses (octroyer des billets, donner un petit coup de main à droite à gauche) ou apporter personnellement leur concours, l’engagement et l’initiative sont forts louables. Cela peut se traduire essentiellement par des invitations pour des matches, par un peu de visibilité dans les médias du club ou à l’occasion d’un match, par des donations de produits dérivés ou par la présence de joueurs à diverses activités. Beaucoup plus rarement, des donations en espèces peuvent être réalisées. Un grand club du sud du pays a même offert deux fauteuils électriques, l’un pour le handisport et l’autre pour un ex-footballeur de renom handicapé au summum de sa carrière. L’implication peut aussi prendre un autre sens, celui de l’intégration et de l’insertion. Nous pouvons ainsi illustrer l’engagement de certains clubs par la volonté de favoriser l’insertion sociale et professionnelle des jeunes de quartiers sensibles, à travers le sport. Certains collaborent ainsi régulièrement avec des associations en transférant divers biens et services tels que la mobilisation des joueurs et l’encadrement sportif du club pour participer à l’inauguration de terrains de football construits par l’association dans des quartiers difficiles, invitations à des matches locaux, voire à des déplacements VIP, dons de produits dérivés, usage des locaux et terrains du club pour des activités spécifiques, événementiel ciblé... ça prend parfois de l’ampleur et ça rompt avec le côté mercantile du sport de haut niveau. Appuyer les causes nobles, voilà la vraie vocation du sport, quels que soient la nature ou le volume de l’aide en question.
Noble cause
Du simple maillot offert ou dédicacé qui sera vendu aux enchères au profit d’une association, jusqu’à des engagements en numéraires en passant par la collecte de fonds, la finalité est la même. On oeuvrera à terme pour la santé, le bien-être, le développement, l’éducation et l’encadrement des démunis. Les idées ne manquent pas et les clubs rivalisent parfois d’ingéniosité pour mobiliser, rassembler et créer une dynamique pour un but précis. Tel ce club qui associe sa griffe légendaire dans le but de générer une médiatisation et un engouement suffisant pour permettre le financement pérenne d’un établissement hospitalier. La cause en valait la chandelle, forcément ! Et à ce titre, la communication prend une place importante dans l’aboutissement du projet. Mettre en place une vraie stratégie de communication sociale avec des axes d’interventions et des champs d’intervention bien déterminés, par rapport à des publics, par rapport à des thématiques et par rapport à des rayonnements géographiques. Pour qu’à terme, un jour, un club n’accède pas seulement à certaines demandes parce qu’il y a un coup de coeur suite à une lettre !