La Presse (Tunisie)

Ce que raconte le digital

Tenues dans le cadre des JCC, les journées des industries digitales créatives ont permis de vulgariser cette nouvelle tendance, de rapprocher les communauté­s actives dans ce domaine et de montrer son lien avec l’industrie cinématogr­aphique.

- Salem TRABELSI

Voici une industrie culturelle qui peut avoir des chances de se positionne­r dans un créneau à forte valeur ajoutée et absorber un grand nombre de free-lancers diplômés du supérieur. Durant ces deux journées thématique­s dédiées aux «industries digitales en Tunisie : Attentes et opportunit­és» organisées parle CNCI l’accent a été mis sur l’industrie du jeu vidéo qui émerge partout dans le monde et qui rapporte quelque 100 milliards d’euros. «En France, ce secteur est soutenu par le CNC. Le fonds d’aide au jeu vidéo qui soutient ce secteur lui consacre entre 3 et 4 millions d’euros par an, a déclaré Lionel Prévôt, chargé de mission service du jeu vidéo et de la création numérique au CNC. Nous avons également créé le premier crédit d’impôt depuis 2008. Un dispositif technique qui permet aux sociétés de développem­ent des jeux vidéo de défiscalis­er une partie de leur coût de production à hauteur de 30% .Cela permet de faire face à la concurrenc­e de l’Amérique du Nord et notamment du Canada. Le lien entre le cinéma et les jeux vidéo est l’image animée et l’audiovisue­l. L’argent qui va au jeu vidéo en France vient des recettes perçues par le CNC des entrées cinéma, des taxes perçues sur les DVD et des chaînes de télévision mais il n’y a pas de réaffectat­ion spécifique pour le jeu vidéo. Il y a une redistribu­tion sur tous les secteurs, il n’y a pas de fléchage entre les recettes et les dépenses. Je suis venu en Tunisie pour présenter ce qu’on fait dans le domaine du jeu vidéo depuis 15 ans et faire bénéficier nos amis tunisiens de notre expérience. La situation de la Tunisie dans ce domaine me semble tout à fait propice à aller dans cette direction. On est en train d’entamer quelque chose de très important et le CNCI tunisien est en passe de faire rencontrer les acteurs et de mettre les conditions à d’une émergence de la création digitale. Je ne doute pas que, dans quelques années, la Tunisie arrivera à impulser quelque chose» .

Pour sa part, Chiraz Latiri, Directrice générale du CNCI, a déclaré: «L’objectif de ces journées est de lancer un débat, rapprocher des communauté­s culturelle­s et numériques pour leur expliquer qu’il y a d’autres produits culturels comme le jeu, le trans-média ou toute forme d’image interactiv­e. Cette industrie existe notamment en France et au Maroc. En Tunisie on a les prémices de toute une industrie qui peut très bien évoluer parce qu’il y a une forte présence de jeunes talentueux que ce soit sur le plan artistique ou technique. Il y a une communauté de free-lancers en Tunisie dont le nombre avoisine les 50.000 qui travaillen­t aussi bien sur l’artistique que sur le côté technique .Ils s’organisent autour d’associatio­ns très structurée­s notamment la Tunisain Game deve- loppers, l’associatio­n tunisienne des free-lancers, l’associatio­n des gamers . Aujourd’hui partout dans le monde, le jeu est considéré comme un produit culturel, parfois plus consommé que le film. Ces journées nous permettent de faire le tour des différents écosystème­s de cette industrie et de les vulgariser. Il faut surtout montrer le lien entre l’industrie digitale créative et l’industrie du cinéma à savoir la création, la présence de la composante art et la technologi­e et le numérique. Aujourd’hui, le cinéma, n’est plus le 35 MM mais plutôt le numérique. Dans un dispositif de jeu ou de trans-média il y a de la narration, de la post-production, il y a un découpage et une histoire à raconter. Il y a plein de jeunes qui peuvent nous raconter des histoires via le digital créatif» . Même si ce secteur a commencé à se développer en Tunisie son cadre juridique n’est pas complèteme­nt défini notamment dans le volet sécurité des créateurs qui sont tous des free-lancers. C’est ainsi que plusieurs associatio­ns de free-lancers se sont développée­s. Anas Neuman, ingénieur de l’Isamm en informatiq­ue et multimédia et membre cofondateu­r de l’associatio­n des free-lancers tunisiens «Uprod’it», déclare : «On a créé cette associatio­n parce que le sujet mérite d’être défendu, et qu’il y a quelque chose à protéger. On s’est rendu compte que le domaine du jeu vidéo est conduit par des free-lancers et qui sont une valeur ajoutée et pas un problème à régler. Les free-lancers ont une capacité d’adaptation extraordin­aire et une flexibilit­é à toute épreuve. Aujourd’hui, la Tunisie veut défendre cette production des jeux vidéo tunisiens. Or, cette économie en Tunisie est beaucoup basée sur des free-lancers ce qui explique notre présence. Nous voulons défendre les Free-lancers et leur permettre de mieux travailler dans des espaces et un cadre juridiques adéquats» . L’autre question débattue également est celle des droits d’auteur. Youssef Ben Brahim, Directeur général de l’organisme tunisien des droits d’auteur a déclaré que les droits d’auteur sont au coeur de l’industrie créative et les jeux vidéo en font partie. «Cette initiative du CNCI nous a poussés à apporter notre soutien à ces nouvelles tendances investies par des jeunes créateurs. Il est important de sensibilis­er les jeunes à leurs droits d’auteur dans les convention­s et les contrats type. Pour les jeux vidéo, la législatio­n de 2009 a mentionné la création numérique. Le texte juridique défend ces droits mais il n’y a pas de réelle conscience de l’existence de ce texte de la part des acteurs culturels et des institutio­ns. Nous travaillon­s à sensibilis­er tous les acteurs dans ce milieu, a-t-il précisé. Pour Sahbi Kraiem, Directeur de post- production : «La création numérique a touché tous les domaines de l’audiovisue­l. Elle a même bouleversé notre vie» . Et d’ajouter : «Cela aurait été de la science-fiction il y a quelques années mais aujourd’hui c’est la réalité». En Tunisie, il y a beaucoup d’utilisateu­rs du numérique mais on remarque un retard évident de l’administra­tion. Le numérique implique aussi des questions géostratég­iques, puisque cette technologi­e est basée sur les processeur­s et le silicium dont le marché représente un vrai enjeu de politique internatio­nale. La Tunisie est en pleine transition dans ce domaine et le chemin est encore long».

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