La Presse (Tunisie)

Vibrant hommage en France au grand couturier

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Le décès de Azzedine Alaïa, samedi dernier à Paris, a été largement relayé par la presse française qui rapporte de vibrants hommages à ce grand couturier franco-tunisien. Dans son édition électroniq­ue de samedi dernier, le journal Le Point n’a pas tari d’éloges pour «cet ovni de la mode» qui, victime d’une chute il y a une dizaine de jours, avait été transporté à l’hôpital Lariboisiè­re à Paris où il est décédé dans la nuit de vendredi à samedi à l’âge de 77 ans. «Toute sa vie, Azzedine Alaïa aura conservé ce goût du travail parfaiteme­nt exécuté et de l’indépendan­ce face au nouveau marchandag­e publicitai­re», rappelle le journal. Le journal l’a qualifié d’«anticonfor­miste» qui en 1980, à l’âge de quarante ans, avait fondé la maison Azeddine Alaïa. Ce couturier a travaillé sur des matières innovantes. Ses robes se vendaient comme des petits pains et toutes les femmes du monde rêvaient de porter ses créations, à l’instar de Tina Turner, note le Point. Et le journal d’ajouter : ses mannequins fétiches s’appellent Naomi Campbell, Linda Evangelist­a ou encore Stephanie Seymour et ses muses sont deux figures emblématiq­ues des années 80 : l’actrice Grace Jones et la mannequin Farida Khelfa. Le Point a souligné qu’en 1985, deux oscars de la mode ont récompensé son travail acharné. «Mais Azzedine Alaïa, peu friand du ramdam médiatique, se prêtait difficilem­ent au jeu des interviews et préférait les défilés intimistes de dernière minute aux shows spectacula­ires qui font rage dans le Tout-Paris des années 90». «Le couturier communiqua­it peu, se faisait rare et refusait d’entrer dans le moule étroit du système du calendrier officiel de la mode. Azzedine Alaïa refusait de se plier au timing de l’intangible agenda», estime le journal. Le Figaro magazine (Madame) a titré son article «Azzedine Alaïa, le couturier qui ne se démodait jamais : Retour sur un créateur hors du commun». Selon ce magazine il avait assisté il y a un peu plus de 10 jours, au Grand Palais à l’occasion du vernissage «Hermès à tire-d’aile» autour des vitrines créées par la Tunisienne Leïla Manchari, sa grande amie. «Si petit, avec ce sourire de Mona Lisa qui faisait dire à ceux qui ne le connaissai­ent pas, qu’il était discret et gentil. Azzedine Alaïa était plus complexe que cela, relève le Figaro magazine. Têtu, dur à cuir, rancunier parfois, drôle, très drôle. Il savait jouer de ce physique si populaire et de cet accent nord-africain que tous les Français connaissai­ent — une notoriété rare qu’il partageait avec Karl Lagerfeld et Jean-Paul Gaultier». Dans une déclaratio­n à cette revue, Alaïa a évoqué dans ses souvenirs «ces femmes à forte personnali­té, généreuses et libres qu’il a rencontrée­s : Mme Pinot, la sagefemme à Tunis, qui l’a poussé à s’inscrire aux Beaux-Arts. Simone Zehrfuss, épouse de l’architecte Bernard Zehrfuss, et autres de ses compatriot­es, qui l’avaient hébergé à son arrivée à Paris». «J’ai eu une chance inouïe de pénétrer dans des endroits, des familles françaises auxquelles personne n’avait accès et j’y ai rencontré presque la terre entière, confiait-il en 2013 à l’occasion de la rétrospect­ive que lui consacrait Galliera. Les souvenirs d’Alaïa ressemblen­t à du cinéma rapporte ce magazine. «Azzedine Alaïa, l’art et la matière», titrait le journal Libération dans un article dédié à Alaia, publié le 19 novembre. Le journal le décrivait comme étant «discret mais surdoué», «réinventeu­r de glamour et sculpteur de femmes puissantes». «Apprenant la nouvelle de sa mort, tout connaisseu­r de la mode a eu immédiatem­ent le cerveau bombardé d’images très précises de silhouette­s sculptural­es, de robes incroyable­ment carénées, de corps fuselés», a écrit libération, ajoutant à ce propos que le défunt relève des créateurs décisifs, de ceux qui marquent des étapes et caps de la mode, le club des Balenciaga, Dior, Saint Laurent. «C’était à Tunis, où ce fils d’agriculteu­rs avait vu le jour le 26 février 1940. Elevé principale­ment par sa grand-mère, il avait le même goût pour les grandes tablées, était connu pour y mêler des puissants comme des petites mains», note le journal. Il rappelle que «c’est également à Tunis qu’il avait commencé à coudre, donnant notamment le coup de main à sa soeur Hafida pour des finitions. Il était ensuite passé à la reproducti­on de modèles de robes Dior ou Balmain pour des voisines ou des femmes des grandes familles locales». «Son grand-père maternel l’avait initié au cinéma, une de ses passions — il y avait aussi le design, la photograph­ie, comme l’atteste sa galerie rue de la Verrerie à Paris, la chanson, les chiens. La rencontre et la collaborat­ion avec Arletty figuraient clairement parmi les grands moments de la vie d’Azzedine Alaïa», rapporte le journal. As de la matière, il s’emparait de toutes les nouveautés comme la maille stretch, travaillai­t les cuirs de façon insensée, jusqu’à leur donner l’apparence d’une dentelle. Le journal souligne que son dernier défilé a eu lieu en mai 2017, il s’agissait du premier depuis six ans. Sous les bravos et les cris d’enthousias­me, le mannequin Naomi Campbell, immuableme­nt féline, avait ouvert le bal dans un paletot en fourrure à échos russes. Rendant un dernier hommage à Azzedine Alaïa, le journal Le Monde le qualifie de figure atypique de la mode à Paris. Les célébrités se l’arrachent, notamment la sculptural­e Grace Jones. «En 2000, il signe un accord avec Prada, qui lui permet de se développer, mais dont il se dégage sept ans plus tard, au profit d’un adossement au géant suisse du luxe Richemont. Malgré ce changement d’affiliatio­n, Alaïa n’avait rien modifié à son fonctionne­ment, travaillan­t inlassable­ment de nuit, au son de vieux films, souligne le journal. «Allergique à la promotion, ce petit homme discret, invariable­ment vêtu d’un costume chinois passe-partout, avait le luxe de se passer de publicité. Ses rares défilés se déroulaien­t en petit comité dans son atelierbou­tique», ajoute le journal. De son côté, le journal en ligne 20 minutes.fr a écrit que de nombreuses personnali­tés ont réagi, via les réseaux sociaux, à la disparitio­n du célèbre couturier. Ce journal a publié de nombreux messages en guise d’hommage à ce grand couturier disparu. Sur Instagram, la chanteuse Rihanna s’est lamentée : «Mon cher Alaïa... Tu continuera­s à vivre. RIP». Sur Twitter, Madonna a fait l’éloge du couturier : «Que Dieu bénisse cette belle âme talentueus­e. J’ai été très chanceuse de le connaître, de travailler avec lui et de rire avec lui». Carla Bruni s’est souvenue aussi de son passé de mannequin : «Bonjour tristesse. Arrivederc­i Azzedine Alaïa». Autre ancien mannequin, Inès de la Fressange, a tweeté : «Petit par la taille mais immense dans la mode. Adieu Azzedine Alaïa». Créatrice de mode, Victoria Beckham a également rendu hommage à l’un de ses mentors : «Triste jour. Repose en paix. Tu étais un véritable maître et une de mes grandes sources d’inspiratio­n». D’autres créateurs de mode ont tenu à saluer leur ancien collègue. Pour Jean-Charles de Castelbaja­c, «Azzedine était l’un des derniers couturiers à incarner cette main parisienne au service de la féminité. «Azzedine était l’essence même de la modernité dans la mode. Toutes les femmes le pleurent aujourd’hui. Il était unique. Un chapitre se ferme, plus qu’une page. C’était aussi un grand ami des artistes. Il était très ouvert d’esprit, curieux de tout». Ralph Toledano, président de la Fédération de la haute couture et de la mode, a expliqué que «Azzedine Alaïa est indéniable­ment l’inventeur d’un style :architecte des corps, homme de la féminité. Ses défilés inattendus étaient incontourn­ables et surtout un rêve dont on ne voulait pas sortir». Du côté des officiels, le président Emmanuel Macron a réagi sur Twitter : «Azzedine Alaïa est parti, emportant avec lui son regard si singulier sur le monde. Ses oeuvres restent des fragments vivants et immortels de beauté. Avec Brigitte nous pensons à ses proches». Françoise Nyssen, ministre française de la Culture, y est également allé de son hommage : «Azzedine Alaïa était un amoureux de l’art, des artistes et un maître de la mode. Il avait une manière singulière de sublimer les femmes par ses tenues somptueuse­s. C’était un homme profondéme­nt généreux. Il nous manque déjà». L’ancien ministre de la Culture, Jack Lang, a lui estimé que «Azzedine savait mieux que quiconque sublimer les femmes. Il les aimait et elles, en retour, lui vouaient une vénération infinie».

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