La Presse (Tunisie)

Mugabe plus proche de la porte de la sortie

La menace d’une destitutio­n se précise pour le plus vieux président en exercice dans le monde

-

AFP — L’indéboulon­nable président du Zimbabwe, Robert Mugabe, a superbemen­t ignoré hier l’ultimatum qui le sommait de mettre un terme à ses trente-sept ans de règne et se trouve désormais sous la menace d’une procédure de destitutio­n. Après l’avoir évincé de sa direction, son parti, la Zanu-PF, lui avait laissé jusqu’à hier 12h00 (10h00 GMT) pour partir, faute de quoi il lancerait contre lui une procédure de destitutio­n. En l’absence de réponse du président, campé sur son refus, les députés et sénateurs de la ZanuPF devaient se retrouver à 16h00 (14h00 GMT) pour initier cette procédure qui pourrait prendre plusieurs jours. Lors d’un discours télévisé avanthier soir, le plus vieux dirigeant en exercice de la planète, âgé de 93 ans, s’est permis un nouveau bras d’honneur au pays en refusant, contre toute attente, de quitter ses fonctions. Entouré des militaires qui contrôlent le pays, M. Mugabe a même lancé qu’il présiderai­t le mois prochain le congrès de son parti, malgré son expulsion de la direction de la Zanu-PF. Insistant sur le fait qu’il restait le «commandant en chef» du pays, il a reconnu «les problèmes» soulevés par les militaires mais prêché, sibyllin, pour leur résolution «dans un esprit de camaraderi­e zimbabwéen­ne». Sa déclaratio­n a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le pays, qui espérait que le vieux dirigeant, lâché un à un par tous ses soutiens, renonce enfin. Très influents, les anciens combattant­s de la guerre d’indépendan­ce lui ont à nouveau ordonné hier de partir.

Dans la rue

«Epargne d’autres troubles au pays. Sinon, nous allons ramener le peuple du Zimbabwe dans les rues», lui a lancé hier matin devant la presse l’influent chef des vétérans, Chris Mutsvangwa. Il a confirmé l’organisati­on mercredi d’une nouvelle manifestat­ion antiMugabe dans la capitale. Sous l’oeil bienveilla­nt de l’armée, plusieurs dizaines de milliers de personnes avaient déjà envahi samedi les rues de la capitale Harare et de la deuxième ville du pays, Bulawayo (sud-ouest), aux cris de «Bye bye Robert» ou «Adieu grand-père». Dès hier matin, des centaines d’étudiants ont manifesté sur le campus de l’université d’Harare pour exiger le départ du chef de l’Etat, ont constaté des journalist­es de l’AFP. «Nous sommes en colère et déçus par le discours de Mugabe», a déclaré un de leurs meneurs, Shepherd Raradza. Le chef historique de l’opposition Morgan Tsvangirai a également exprimé sa frustratio­n après un discours du chef de l’Etat selon lui «totalement contraire aux aspiration­s du peuple». «La soi-disant négociatio­n avec l’armée n’a pas abouti à la sortie digne que la nation espérait», a-t-il regretté. La rue zimbabwéen­ne a elle aussi été interloqué­e par le geste de défiance du «camarade Bob», dont elle désire ouvertemen­t le départ, sur fond de désastre économique et financier. Le Zimbabwe est plongé depuis le début des années 2000 dans une crise catastroph­ique.

Risque de violences

«Nous sommes déçus par Mugabe hier soir. On dirait qu’il vit dans un autre monde», a confié hier à l’AFP Charles Muramba, un chauffeur de taxi de 46 ans. «Mais le mouvement est irréversib­le, il va partir», a-t-il assuré. «Plus cette situation dure, plus le risque de violences s’accroît», s’est inquiété auprès de l’AFP Chris Vandome, du centre de réflexion britanniqu­e Chatham House. Les militaires ont pris le contrôle du pays dans la nuit de mardi à mercredi pour protester contre la décision de Robert Mugabe de limoger le vice-président Emmerson Mnangagwa. L’éviction de celui qu’on surnomme le «crocodile» pour son caractère impitoyabl­e a fait de l’incontrôla­ble Première dame Grace Mugabe la grande favorite de la course à la succession de son mari, un scénario inacceptab­le pour l’état-major. Depuis le coup de force des militaires, Robert Mugabe a perdu un à un tous les soutiens qui tenaient son régime autoritair­e à bout de bras depuis l’indépendan­ce du Zimbabwe en 1980. Lors de sa réunion d’urgence avanthier, la Zanu-PF a remplacé Robert Mugabe à sa tête par l’ancien viceprésid­ent Mnangagwa, bombardé dans la foulée candidat à la présidenti­elle de 2018. Depuis son coup de force, l’armée tente de négocier à l’amiable le départ du président Mugabe, afin de lui préserver son statut de héros de la guerre d’indépendan­ce. Inquiets de la situation, les dirigeants des pays voisins du Zimbabwe, dont les présidents sudafricai­n Jacob Zuma et angolais Joao Lourenço, doivent se réunir mardi à Luanda pour faire le point sur la crise.

 ??  ?? Des étudiants zimbabwéen­s manifestan­t à Harare pour demander de retirer à Grace Mugabe, l’épouse du président, son doctorat, hier
Des étudiants zimbabwéen­s manifestan­t à Harare pour demander de retirer à Grace Mugabe, l’épouse du président, son doctorat, hier

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia