Brexit, un gâteau à partager !
Les 27 se disputent les agences de l’UE qui vont quitter Londres
AFP — Les Européens tentaient hier de décider sans friction où iront les agences de l’UE déménageant de Londres à cause du Brexit, lors d’un vote à Bruxelles que des diplomates comparent à l’imprévisible concours télévisé de l’Eurovision. C’est un des effets collatéraux du divorce avec le RoyaumeUni: l’Agence du médicament et l’Autorité bancaire européennes, installées dans le quartier d’affaires londonien de Canary Wharf, vont devoir plier bagage avec leurs centaines d’employés et leurs familles. Parmi les 27 Etats membres, les candidats se bousculent pour les accueillir et profiter des retombées économiques associées, au risque d’ébrécher l’unité que l’UE veut afficher depuis que les Britanniques ont annoncé leur départ, prévu en 2019. En coulisses, «il y a eu des marchandages étonnants», selon une source diplomatique, les différents gouvernements tentant de s’assurer le soutien d’autres pays lors du vote d’hier après-midi, en marge d’une réunion ministérielle. Au total, 19 villes ont été proposées au départ pour accueillir l’EMA et ses près de 900 employés, chargée d’évaluer et de superviser les médicaments. Amsterdam, Barcelone, Bratislava, Helsinki, Milan ou encore Lille figurent parmi les prétendants. Trois pays ont toutefois retiré leur ville candidate dans la dernière ligne droite selon des sources européennes: il s’agit de Malte, de la Croatie et de l’Irlande, même si Dublin reste proposée pour accueillir l’EBA. L’agence bancaire, avec ses quelque 170 employés, n’a suscité de son côté que huit candidatures, dont celles de Francfort, Paris et Luxembourg. Bruxelles, Varsovie et Vienne sont en lice pour les deux agences.
La Commission européenne a livré fin septembre une évaluation des candidatures, basée sur des critères comme l’accessibilité des sites ou les perspectives d’emploi pour les conjoints. Mais elle s’est bien gardée de formuler des préférences et les Etats membres seront libres de voter comme ils l’entendent. Ceux qui présentent des candidats ont mené d’intenses campagnes de communication pour vanter les mérites de leurs villes postulantes. Peu d’éléments ont en revanche filtré sur les «marchandages» plus discrets entre capitales. Réagissant à des articles de presse, le gouvernement italien a démenti avoir proposé d’augmenter ses contingents militaires dans les pays baltes comme monnaie d’échange pour favoriser la candidature de Milan. «Je pense que l’équilibre géographique est important » , a déclaré hier matin à Bruxelles le secrétaire d’Etat tchèque aux Affaires européennes, Ales Chmelar. «Nous pensons qu’au moins une des agences devrait aller dans un Etat membre récent», a-t-il ajouté, reflétant le point de vue des pays d’Europe centrale. « Sans aucun doute, ce sera une décision politique en fin de compte», a admis hier le ministre autrichien des Finances, Hans Jörg Schelling. C’est justement ce qui inquiète les personnels des agences en question. L’Agence du médicament a ainsi prévenu dans un rapport qu’un mauvais choix pourrait se traduire par «un taux de rétention du personnel très en dessous de 30%», qui menacerait son fonctionnement. Aucun nom de ville n’est cité mais, selon des fuites dans la presse, Bratislava, Varsovie, Bucarest et Sofia feraient partie des cités les moins appréciées.
A bulletin secret
Le bookmaker Ladbrokes donnait avant- hier Bratislava et Milan favorites pour accueillir l ’Agence du médicament, et Francfort et Vienne pour l’Agence bancaire. Mais le vote complexe qui a été prévu, à bulletin secret, rend les pronostics difficiles, voire impossibles selon les diplomates interrogés. Certains le comparent ironiquement au concours de chant télévisé de l’Eurovision, dont le vote final est devenu un rituel annuel à l’issue parfois surprenante. Au premier tour, chaque pays disposera de six points pour chaque agence, dont trois à donner à son premier choix, deux à son deuxième choix et un à son troisième choix. Un candidat ne pourra l’emporter lors du premier round qu’à condition d’avoir été le premier choix d’au moins 14 pays. Sinon, un second tour aura lieu entre les trois candidats ayant eu le plus de points, voire un troisième tour, chacun avec des règles différentes. Entre chaque tour, des pauses sont prévues, lors desquelles les ministres pourront consulter leur capitale. « Les Etats membres se sont engagés à respecter le résultat du vote», a souligné une source européenne. « Ils sont face à leurs responsabilités, jamais une procédure n’aura été aussi claire et transparente, avec les mêmes chances pour tous», a-t-elle ajouté.