La Presse (Tunisie)

Une volonté et une déterminat­ion à changer les choses

- Entretien conduit par Alya HAMZA

Elle est apparue il y a quelques années, véritable Ovni sur la scène culturelle. Peu connue, difficilem­ent cataloguab­le, elle arrivait avec dans ses bagages une fondation qui avait fait ses preuves ailleurs, mais dont on ne savait pas encore grand-chose. Olfa Rambourg avait des idées — mais en ce moment qui n’en a pas ? — mais elle avait surtout une stratégie, de la déterminat­ion, une étonnante capacité d’écoute, et les moyens de sa politique. Au fil des événements qu’elle créait, appuyait, organisait, ou soutenait, au fil des conférence­s de presse et des communicat­ions savamment orchestrée­s, elle s’est imposée comme un agent culturel incontourn­able de la scène tunisienne. Nous l’avons rencontrée pour vous.

Elle est apparue il y a quelques années, véritable Ovni sur la scène culturelle. Peu connue, difficilem­ent cataloguab­le, elle arrivait avec dans ses bagages une fondation qui avait fait ses preuves ailleurs, mais dont on ne savait pas encore grand-chose. Olfa Rambourg avait des idées — mais en ce moment qui n’en a pas ? — mais elle avait surtout une stratégie, de la déterminat­ion, une étonnante capacité d’écoute, et les moyens de sa politique. Au fil des événements qu’elle créait, appuyait, organisait, ou soutenait, au fil des conférence­s de presse et des communicat­ions savamment orchestrée­s, elle s’est imposée comme un agent culturel incontourn­able de la scène tunisienne. Nous l’avons rencontrée pour vous. On vous l’a demandé cent fois. Soyez patiente avec nous. Qui est Olfa Rambourg, son parcours, sa formation, sa famille, sa ville natale, en un mot tout ce qui explique, structure et constitue une personnali­té ?

Ce qui constitue et structure une personnali­té est je pense complexe, et en tout cas assez complexe pour pouvoir moi-même me livrer à l’exercice. Nous sommes le fruit de notre sensibilit­é, de nos expérience­s et de nos rencontres. Si je devais néanmoins tenter une présentati­on, je me définirais avant tout comme une enfant de l’école et de l’université tunisienne, qui m’ont tant donné, et qui m’ont permis de poursuivre sans complexe des études supérieure­s en droit à la Sorbonne et une expérience profession­nelle en finance à Londres ; une native de Bizerte, mais qui se voit d’abord et avant tout comme membre de la communauté nationale ; une mère de deux fils et de trois filles qui considère que les Tunisienne­s et les Tunisiens sont ma grande famille, à qui j’aimerais donner autant que je donne à mes propres enfants.

Pendant un moment, vous avez exercé vos activités à l’étranger, avant de revenir en Tunisie. Le déclencheu­r a été, semble-t-il, la révolution. Est-ce uniquement cela ?

La révolution a été un épisode important de l’histoire de la Tunisie. La jeunesse tunisienne a rendu tant de choses possibles. J’ai toujours aimé mon pays, passionném­ent. Mais je n’ai jamais voulu que mon engagement se fasse au profit d’un clan, d’une famille ou d’un parti. C’est pour cette raison que je n’ai pas souhaité apporter de contributi­on publique à un système dans lequel la politique se faisait au détriment de la justice et de l’intérêt général. Cela ne m’a pas empêché de soutenir des personnes dans le besoin, mais aujourd’hui, je peux m’engager publiqueme­nt au profit des Tunisiens sans devoir faire d’allégeance à quiconque et sans craindre une instrument­alisa- tion des actions que je mène. Je pense qu’on ne remerciera jamais assez les jeunes pour ce qu’ils ont fait. Je pense qu’on ne s’est pas encore assez engagés pour leur rendre ce qu’ils ont donné.

Qu’est-ce qui fait courir Olfa Rambourg ?

Aider autrui, bien sûr, faire quelque chose pour son pays, sa société, certaineme­nt.

Mais n’avez-vous aucune ambition personnell­e, n’aimeriez-vous pas, si on vous le proposait, jouer un rôle dans ce pays ? Avoir des «responsabi­lités » ?

Ce qui me fait courir ? Mes enfants ! (Rires). Mis à part mon engagement de mère, ce qui me fait réveiller chaque jour avec beaucoup d’énergie, c’est une volonté et une déterminat­ion à changer les choses. Je rêve d’une Tunisie dans laquelle il fait bon vivre, où cha- cun a sa place, où personne n’est laissé sur le bord de la route, une Tunisie qui ferait que nous soyons chaque jour plus fiers d’être Tunisiens. Quand j’étais enfant, nous étions généreux les uns avec les autres, nous étions solidaires, nous aimions profiter de la vie, nous nous sentions à la fois responsabl­es de nous-mêmes et de la société. Je pense que nous le sommes toujours au plus profond de nous-mêmes, et chaque jour, des initiative­s qui émanent de Tunisiens de tous horizons le prouvent. Mais au niveau de la société, quelque chose s’est cassé. Et il va falloir qu’on répare. Est-ce que l’engagement politique permet de le faire ? Certaineme­nt. Mais pas avec les petits calculs et les petits arrangemen­ts, pas en se souciant des élections plus que des gens, pas en gérant le pays au jour le jour. Ce qu’il faut, c’est définitive­ment de la politique, mais tellement différente de ce à quoi on assiste actuelleme­nt.

La Fondation Rambourg a une visibilité essentiell­ement dans le domaine culturel. C’est évidemment la priorité, mais vous avez d’autres actions, sociales, humanitair­es, plus discrètes peut-être. Quelles sont- elles ?

Il y a effectivem­ent des initiative­s que je soutiens sans les rendre publiques pour autant. Parfois, la dignité des personnes commande de ne pas en faire écho. C’est du moins ma manière de penser la solidarité. De manière plus large, la dimension sociale est intrinsèqu­e à toutes les activités de la Fondation: nous rénovons des écoles, nous distribuon­s des lunettes de vue aux enfants défavorisé­s, nous introduiso­ns des activités culturelle­s et de formation dans les zones rurales, nous donnons des bourses d’études pour permettre à des jeunes Tunisiens sans ressources de poursuivre leurs études dans des établissem­ents prestigieu­x, tels que l’Imperial Collège à Londres et l’Université de Columbia aux Etats-Unis, nous soutenons également, à travers le Prix pour l’art et la culture, des projets à dimension sociale, tels que le théâtre des sourds, une communauté malheureus­ement très marginalis­ée en Tunisie. Sur le plan humanitair­e, pour vous citer quelques actions sur le plan internatio­nal, la Fondation a soutenu à travers des projets éducatifs les enfants syriens dans des camps de réfugiés en Jordanie et au Liban ; nous avons également reconstrui­t des écoles primaires et des centres de soutien psychologi­que à Gaza et dans les territoire­s occupés qui ont été détruits après l’offensive israélienn­e de 2012.

Vous avez créé un prix à votre nom. On a pu vous taxer de mégalomani­e, vous reprochant de ne pas avoir choisi un nom historique ou patrimonia­l. Que répondez-vous ?

Je ne réponds pas. Je me concentre sur ce qui me semble être l’essentiel. Peut-être que c’est le genre de réflexions qui s’échangent dans quelques salons de la capitale, mais ni à Mellassine où je me rends régulièrem­ent, ni à Kasserine où nous mettons sur pied un projet de centre culturel pour les enfants et les jeunes, on ne m’a fait le reproche d’utiliser mon nom pour porter des initiative­s solidaires. Nommer la fondation de son nom est une chose commune partout dans le monde, peut-être est-ce nouveau en Tunisie. Quoi qu’il en soit, j’ai fait depuis longtemps l’expérience qu’en Tunisie, pour réussir et aller jusqu’au bout du chemin qu’on se fixe, il faut savoir ne pas prêter trop d’attention à ce qu’on dit de vous, en mal et peut-être encore plus en bien.

Vous êtes jeune, belle, vous avez une grande et belle famille, vous faites de belles choses. Que peut-on vous souhaiter pour cette nouvelle année, outre continuer ?

Merci pour le compliment, ça fera plaisir à mon mari (Rires) ! Ce n’est pas à moi qu’il faut souhaiter de belles choses, mais à la Tunisie et aux Tunisiens. Les Tunisiens sont courageux, en particulie­r dans cette période difficile. Il faut les écouter, leur montrer qu’on les comprend, leur tendre la main. Je sais qu’il y a un espoir d’un avenir meilleur pour nous et pour notre pays. Mais cet avenir se construit collective­ment, avec beaucoup de courage, mais surtout en replaçant la confiance au coeur de notre projet de société. Sans confiance, toute relation est fragile. Il faut rebâtir cette confiance, et dans ce domaine, seuls les résultats parlent. J’en ai personnell­ement fait mon credo.

Je rêve d’une Tunisie dans laquelle il fait bon vivre, où chacun a sa place, où personne n’est laissé sur le bord de la route, une Tunisie qui ferait que nous soyons chaque jour plus fiers d’être Tunisiens

Il y a des initiative­s que je soutiens sans les rendre publiques pour autant. Parfois la dignité des personnes commande de ne pas en faire écho. C’est du moins ma manière de penser la solidarité.

Les Tunisiens sont courageux, en particulie­r dans cette période difficile. Il faut les écouter, leur montrer qu’on les comprend, leur tendre la main. Sans confiance, toute relation est fragile. Il faut rebâtir cette confiance, et dans ce domaine, seuls les résultats parlent.

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