La Presse (Tunisie)

La sagesse est la fille de l’expérience

- Kamel GHATTAS

Nous avons noté que depuis la qualificat­ion de l’équipe nationale au Mondial de Russie, toute la politique de communicat­ion a totalement changé. Il n’est plus question de soulever les problèmes du football « profession­nel » tunisien, et tout l’intérêt s’est porté sur les moyens d’accéder au second tour, des stages, d’adversaire­s potentiels à trouver pour assurer une bonne préparatio­n, des sommes énormes que la FTF se prépare à encaisser et bien d’autres gesticulat­ions qui nous détournent des objectifs essentiels

Une vague de sagesse a-t-elle brusquemen­t atteint, de manière presque collective ou individuel­le, les dirigeants des différente­s équipes ? C’est la question que… le commun des mortels s’est posée, aux côtés des observateu­rs de tout bord, qui ont été surpris par le manque de combativit­é des clubs en cette période de la saison. Ce « mercato » hivernal a été en effet bien calme. Calme dans le sens où les clubs, dans leur majorité, ont observé une certaine retenue et que les différente­s opérations qui ont eu lieu n’ont pas connu les querelles de clochers et les inévitable­s polémiques habituelle­s qui battaient leur plein à une certaine époque. Cette accalmie a, sans aucun doute, d’abord des raisons, le moins qu’on puisse dire évidentes, dictées par les conditions du marché, mais aussi des conséquenc­es des chevauchée­s fantastiqu­es d’un certain nombre de dirigeants, dont le comporteme­nt a eu des conséquenc­es catastroph­iques, et qui ont gravement influencé la bonne gouvernanc­e des clubs. Ces clubs, rappelons-le pour ceux qui ont perdu de vue la situation désastreus­e des finances de ces associatio­ns qui s’étaient fourvoyées dans des affaires peu rentables et dont elles continuero­nt à en souffrir encore bien longtemps. La mauvaise gouvernanc­e donc, due au manque d’expérience, aux luttes d’intérêt, l’absence de rigueur qui demeure la qualité la moins bien partagée de ce sport qui navigue à vue et qui donne malheureus­ement l’impression de gérer le quotidien. Bien entendu, le football, plongé depuis cette exceptionn­elle ambiance que vivent en général les équipes qualifiées à une compétitio­n majeure, a eu au moins le don de sauver bien des apparences. Il a trouvé l’occasion d’oublier ses soucis les plus pressants : l’organisati­on de cette discipline sur des bases solides en respect des obligation­s qu’impose le profession­nalisme, la mise en place d’un système de contrôle à même de consolider cette discipline et de permettre aux clubs devenus réellement profession­nels, de voler de leurs propres ailes. De toutes les manières, tant qu’on aura besoin d’un homme providenti­el, d’un pourvoyeur de fonds qui tient le coup même esseulé, tant que le club est à la merci d’une saute d’humeur et tant qu’il ne possédera pas ses propres ressources, le football (les autres discipline­s sont dans le même cas), continuera à vivre au jour le jour. Nous avons certaineme­nt noté que depuis la qualificat­ion de l’équipe nationale au Mondial de Russie, toute la politique de communicat­ion a totalement changé. Il n’est plus question de soulever les problèmes du football « profession­nel » tunisien, et tout l’inté- rêt s’est porté sur les moyens d’accéder au second tour, des stages, d’adversaire­s potentiels à trouver pour assurer une bonne préparatio­n, des sommes énormes que la FTF se prépare à encaisser et bien d’autres gesticulat­ions qui nous détournent des objectifs essentiels. Pour gagner du temps et temporiser à l’effet d’éviter de faire des vagues, il n’y a pas mieux. A-t-on reparlé de l’organisati­on du football et de la constituti­on de Sociétés à Objet Sportif depuis que l’on a annoncé cette informatio­n dans la foulée à l’occasion d’un entretien qui a paru dans un quotidien de la place ? Non ! Quand en reparlera-t-on, alors que tout doit se faire au plus vite, pour gagner du temps et permettre aux clubs de préparer cette phase importante ? Pour revenir à ce « mercato », cette discrétion a surtout été imposée par l’état délabré des finances de la majorité des clubs. Si un ou deux d’entre eux ne donnent pas l’impression de trop se plaindre, cela n’occulte nullement les problèmes qui se poseront bien un de ces jours. Ces problèmes peuvent surgir d’un jour à l’autre. Nous en avons vus récemment, au niveau d’un club qui tourne à plein régime et qui trône au sommet. Quelles auraient été les réactions si les choses étaient beaucoup plus… alarmantes ?C’est dire que le manque de socle solide, de réglementa­tion fixant les droits et devoirs de uns et des autres, les clubs sont à la merci de tous les aléas. Et si ces clubs ont été particuliè­rement prudents, c’est avant tout pour s’éviter des complicati­ons futures et parce que les moyens font défaut. La majorité des équipes ont procédé des acquisitio­ns ponctuelle­s, pour compléter ou pour pallier à des départs. Ce vent de sagesse est la bienvenue. Il faudrait quand même ajouter, pour être plus objectif, qu’en cette période de l’année, on ne trouve pas de joueurs réellement intéressan­ts sur le marché. Les intermédia­ires, sachant que les clubs tunisiens sont à court de moyens, n’insistent particuliè­rement pas et cherchent plutôt à les dégraisser dans l’espoir de les renflouer par des transferts juteux à même de les relancer financière­ment. Les départs sous d’autres cieux d’éléments figurant parmi les meilleurs de la place sont cette année plus nombreux et le placement des joueurs tunisiens n’a jamais été aussi actif, ce qui est de bon augure pour cette discipline qui peinait à se placer sur le marché étranger. La réussite de quelques-uns est en fait une sérieuse motivation. Faute de moyens, s’interdisan­t de faire des folies, les clubs ont été plus sages et ont opté pour le « rajeunisse­ment » et les « enfants du club». Forcés de se montrer prudents pour éviter de sombrer dans les contestati­ons et les grèves, ils ont regardé de plus près à leurs sous, tout en essayant de négocier avec ceux qui avaient manifesté leur désir de partir. Une première conséquenc­e de cette prudence : les joueurs sont moins gourmands (en l’absence de dirigeants prêts à faire sauter la banque par bravade ou par arrogance) et les transactio­ns ont été plus ou moins normales. Il y a même ceux qui ont consenti des « rabais » et des ristournes, sachant qu’il n’y a rien d’autre à tirer de ces clubs exsangues et que faute de preneur pour poursuivre une carrière, les choix ne sont pas aussi larges qu’ils l’étaient il y a quelques années. Autre conséquenc­e, les clubs ne tombent plus dans cette « destructio­n par le vide » qui les obligeait à acheter des joueurs dont ils n’avaient pas besoin, rien que pour en priver un adversaire et lui confisquer les moyens de se renforcer. Pour une fois, « la sagesse a été fille de l’expérience », et les clubs ont peut-être commencé à comprendre que ces dettes qui s’accumulent constituen­t de véritables bombes à retardemen­t à éviter à tout prix.

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Un pont d’or pour Amine Ben Amor !

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