La Presse (Tunisie)

Révolution an VII : les enseigneme­nts

- Par Khaled TEBOURBI

élèbre -t-on encore le 14 janvier» ? C’est la question que l’on se posait l’an dernier à pareille époque. On bouclait l’an VI de la Révolution. Six années passées à compter nos «tares» et nos «déboires». Et «à trouver le temps long». Voici l’An 7 parvenu à son terme, qu’y a-t-il de changé ?

«Que dalle !», à dire vrai. Ou pas grand-chose. Ou si peu. D’aucuns disent, même, que «c’est allé de mal en pis». Ils n’ont pas tellement tort. L’économie s’engonce, les caisses restent vides, le chômage augmente, la pauvreté aussi, et un tas d’autres, de même :il n’y a (toujours !) rien à célébrer. Au contraire, si des cris se sont faits entendre, si des banderoles ont traversé nos villes, c’était ou pour se rebeller contre la cherté, ou pour «tenter d’éteindre l’incendie». On ne reviendra pas sur tout ça. C’est tôt. La crise est trop récente, trop «fraîche» pour qu’on en vienne aux conclusion­s. Un sentiment quand même, un conseil : que les décideurs ne cherchent pas trop l’«entourloup­e», c’est loin d’être fini. Le mieux est de faire le point. Que nous reste-t-il de ces «satanées» sept années ? D’une séquence d’histoire qui, faute de nous apporter«paix et/ou prospérité», nous lègue peut-être quelques enseigneme­nts. – Le premier est un questionne­ment : fût-ce une révolution ? Personne n’en avait le moindre doute au début. Mais, petit à petit, en moins de temps qu’il n’a semblé possible, la jeunesse révolution­naire s’est «éclipsée», les martyrs ont disparu de nos chants, les slogans se sont tus. En lieu et place : des instances politicien­nes, des hommes de partis, d’idéologies, la révolution «détournée», «désamorcée»,le pouvoir livré aux«intrus», aux «anciens». Ceci en interne. En dehors se précisait la théorie du complot. Le «printemps arabe» tombait le masque : Libye, Yemen, Syrie en ruines. Pointe le «nouveau Moyen-Orient». Prouvé ? Extrapolé ? Qu’importe. Nous sommes avertis, en tout cas. – Second enseigneme­nt : l’avènement de l’islam politique. Sa montée au pouvoir, et le «règne» sulfureux de «la Troïka». Plus grave : l’islamisati­on rampante de la société. Sa «délaïcisat­ion». Pis : le schisme qui menace le pays. Le clivage chronique qui ronge une tradition millénaire d’unité. «Identité contre moderniste­s», «Laics contre religieux», «croyants contre mécréants», en sept années de «maquillage révolution­naire» la contagion est faite, le mal est transmis. On le sait, tous, maintenant. On sait où tout cela peut conduire. En tirerons-nous leçon ? – Trois : les élections de 2014 et le «faux bond» qui s’ensuivit -. En 2014 un million sept cent mille Tunisiens, dont un million de Tunisienne­s ont voté BCE et Nidaa par peur d’Ennahdha. Les urnes leur ont donné raison. Pas leurs élus, qui ont, aussitôt, noué alliance avec «le principal ennemi», avant d’exploser, eux-mêmes, en mille «morceaux». Le pire dérapage pour une jeune démocratie. La pire désillusio­n pour les millions qui y croient. La suite ? Elle se profile aujourd’hui, devant nous. Sous de mauvais auspices : perte de confiance, indifféren­ce, abstention. Seul espoir : que tous les déçus aient bien absorbé le «coup», (la leçon) et qu’ils pensent déjà à demain. Le bel enseigneme­nt, pour finir : celui des arts et des médias. A tout considérer les seuls à avoir donné l’exemple. Les arts ont résisté aux périodes sombres du salafisme et du terrorisme. Ils n’ont pas renoncé à la scène. Ils n’ont jamais reculé, jamais cédé ou concédé. Ils ont poussé les publics. Ils les ont servis, divertis. Porte-voix fidélissim­es des idéaux de la révolution. Militants de la vie ! Exactement ce que furent journaux, radios et télés jusqu’en 2014. Au-delà, sans doute, un peu moins : quand on a commencé à les courtiser, à les orienter, voire à les harceler, à les presser, à les infiltrer, à les politiser. L’image n’est pas compromise pour autant. Le journalism­e libre ne flanche pas, Dieu merci !

…Voici l’an VII parvenu à son terme, qu’y a-t-il de changé ? Que dalle ! A dire vrai. Ou pas grand-chose. Ou si peu. D’aucuns disent, même, que «c’est allé de mal en pis»… …On ne reviendra pas sur tout ça. C’est tôt… le mieux est de faire le point. Que nous reste-til de ces sept «satanées» années ? D’une séquence d’histoire qui, faute de nous apporter paix et prospérité, nous lègue, peut-être, quelques enseigneme­nts…

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