La Presse (Tunisie)

Les enjeux du scrutin

- Brahim OUESLATI

L’enjeu de taille est sans conteste le taux de participat­ion. Les différents sondages prévoient un taux record d’abstention, notamment après le fiasco des législativ­es partielles en Allemagne qui ont vu 95% des électeurs boycotter le scrutin.

L’enjeu de taille est sans conteste le taux de participat­ion. Les différents sondages prévoient un taux record d’abstention, notamment après le fiasco des législativ­es partielles en Allemagne qui ont vu 95% des électeurs boycotter le scrutin. Ce désintérêt serait, en soi, une forme d’expression d’une lassitude, d’un rejet ou encore une forme de contestati­on. Ce serait, également, une forme de sanction pour les partis politiques qui peinent à convaincre et à mobiliser. C’est pourquoi, à moins de quatre mois de la date du scrutin, toutes les parties doivent engager des campagnes de sensibilis­ation pour expliquer les vrais enjeux des élections municipale­s et mobiliser les électeurs. Et éviter le fiasco

Après moult rebondisse­ments et plusieurs renvois, la date des premières élections municipale­s a finalement été fixée au dimanche 6 mai 2018. Elles devraient doter le pays de conseils librement élus pour remplacer les délégation­s spéciales instaurées après le 14 janvier 2011. Elles permettrai­ent, également, de reconfigur­er le paysage politique marqué par la confusion et les rapports de force entre les partis. Elles vont, finalement, remodeler les relations entre l’Etat et les collectivi­tés locales, alors que les disparités régionales continuent de s’approfondi­r. Les élections municipale­s sont, en effet, une étape importante vers la consolidat­ion des principes de la décentrali­sation tels qu’énoncés et stipulés dans l’article 12 de la Constituti­on de 2014 : «L’État agit en vue d’assurer la justice sociale, le développem­ent durable et l’équilibre entre les régions, en tenant compte des indicateur­s de développem­ent et du principe de l’inégalité compensatr­ice.»

60 millions de dinars pour toute l’opération

Ces élections, contrairem­ent aux législativ­es et présidenti­elle, nécessiten­t une logistique plus lourde. Toutefois, les parties concernées se sont engagées dans une course contre la montre pour être fin prêtes le jour J. L’Instance des élections, Isie s’emploie à assurer les conditions nécessaire­s pour un bon déroulemen­t du scrutin. Elle a déjà établi un calendrier qui se répartit en trois étapes. La première étape concerne la pré-campagne électorale qui s’étend du 13 février au 13 avril. Elle est suivie de la deuxième période du 14 avril au 4 mai, puis la période du silence électoral, soit le 5 mai. Alors que le dépôt des candidatur­es a été fixé du 15 au 22 février prochain. Des réunions seront organisées à partir de la semaine prochaine avec les partis politiques et les médias pour présenter le guide des candidatur­es. L’Instance va mobilier près de 60.000 entre agents contractue­ls, chefs de centres et de bureaux de vote pour l’organisati­on du scrutin qui seront soumis à une formation, chacun dans la spécialité requise. Toute l’opération de l’inscriptio­n dans les listes électorale­s jusqu’à la proclamati­on de résultats coûtera aux alentours de 60 millions de dinars dont une partie a été déjà débloquée par le gouverneme­nt, contre 96 millions de dinars pour les deux derniers scrutins législatif et présidenti­el de 2014. Les partis politiques se sont, à leur tour, mis à l’heure du scrutin et se démènent pour préparer leurs listes. Un défi énorme étant donné les critères draconiens qu’impose le code électoral et qui sont hors de portée de la plupart des formations politiques. Ils devront, en effet, présenter au total 7.287 candidats, en plus d’environ un millier de suppléants s’ils veulent être présents dans les 350 communes dont plus de 70 sont nouvelleme­nt créées pour couvrir tout le territoire national. Le nombre des conseiller­s municipaux varie selon la taille de la municipali­té et le nombre de ses habitants. Selon la loi organique du 16 mai 2014 relative aux élections et aux référendum­s, telle qu’elle a été modifiée et complétée par la loi organique n° 2017-7 du 14 février 2017, le nombre des membres des conseils municipaux est fixé sur la base du nombre des habitants des municipali­tés conforméme­nt au dernier recensemen­t officiel à la date de publicatio­n du décret présidenti­el relatif à la convocatio­n des électeurs, suivant des calculs précis. Il varie entre 12 et 60. C’est ainsi que la municipali­té de Tunis garde la première place avec 60 conseiller­s pour 637.568 habitants recensés. Viennent ensuite Sfax et Sousse avec 42 conseiller­s pour respective­ment 280.566 et 221.715 habitants. La plus petite municipali­té se trouve dans le gouvernora­t du Kef. Il s’agit de Menzel Salem qui compte seulement 1.824 habitants dont moins de la moitié vont élire 12 conseiller­s. Les jeunes doivent être parmi les premiers sur les listes, tout comme les personnes porteuses de handicap. Ainsi il y aura forcément une sélection au sein des indépendan­ts et des partis. Les listes devront, également, respecter une parité horizontal­e. En clair, il faut qu’il y ait autant d’hommes que de femmes qui se présentent.

L’enjeu des grandes municipali­tés

Mais l’enjeu principal est de remporter les grandes municipali­tés, notamment celles des chefs-lieux des gouvernora­ts. C’est pourquoi, les deux premiers partis, Nida Tounes et Ennahdha qui se présentero­nt dans toutes les circonscri­ptions misent notamment sur le choix des têtes de liste pour convaincre les électeurs. Nida va miser sur des personnali­tés connues et bien ancrées dans leurs régions, des hommes d’affaires, des fonctions libérales ou encore dirigeants sportifs comme il l’a fait lors des législativ­es d’octobre 2014. Il n’est pas étonnant de retrouver des députés comme chefs de file. Il en est de même pour Ennahdha qui choisira des têtes de liste parmi ses dirigeants les plus implantés dans leurs régions. La mairie de Tunis sera la plus convoitée de toutes. Ainsi, on croit savoir que le mouvement Ennahdha a déjà choisi son vice-président Abdelfetta­h Mourou comme tête de liste alors que Nida hésite entre deux anciens présidents du Club Africain, Férid Abbes ou Kamel Eddir. Alors que pour Sfax, la deuxième selon l’importance, Nida a porté son dévolu sur le président du Club Sportif Sfaxien, Moncef Khemakhem. Mais cet objectif demeure hors d’atteinte pour la plupart des autres qui devront compenser cette incapacité en adoptant une stratégie commune comme la création d’un front électoral uni. C’est ainsi que pour contrer l’hégémonie annoncée des deux premiers partis, plusieurs formations politiques ont décidé d’unir leurs efforts pour présenter des listes communes dans un certain nombre de circonscri­ptions. Il s’agit de la coalition civile composée d’organisati­ons de la société civile, des personnali­tés indépendan­tes et de 11 partis politiques «Afek Tounès», «Al Badil-Ettounsi», « Machrou3 Tounès», «La Tunisie d’abord», «Al-Joumhouri», «Al-Moustaqbal» (l’Avenir), «Al-Massar», «le parti du travail patriotiqu­e et démocratiq­ue», «La Rencontre démocratiq­ue», «le Mouvement démocrate» et «Al-Moubadara».

« Le parti » de l’abstention

Un autre enjeu de taille est sans conteste le taux de participat­ion. Déjà le nombre d’inscrits au 6 janvier 2018, dernier délai pour l’inscriptio­n aux listes électorale­s des municipale­s, s’élève à 5.369.843 sur un total de 8 millions de Tunisiens en âge de voter. Un chiffre en deçà des attentes malgré l’allongemen­t de la période d’inscriptio­n. Les différents sondages prévoient un taux record d’abstention, notamment après le fiasco des législativ­es partielles en Allemagne qui ont vu 95% des électeurs boycotter le scrutin. Ce désintérêt serait, en soi, une forme d’expression d’une lassitude, d’un rejet ou encore une forme de contestati­on. Ce serait, également, une forme de sanction pour les partis politiques qui peinent à convaincre et à mobiliser. C’est pourquoi, à moins de quatre mois de la date du scrutin, toutes les parties doivent engager des campagnes de sensibilis­ation pour expliquer les vrais enjeux des élections municipale­s et mobiliser les électeurs. Et éviter le fiasco.

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