La Presse (Tunisie)

Erdogan impassible

Le président turc ferme sur Afrine avant un entretien avec Trump

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AFP — Le président turc Recep Tayyip Erdogan a affiché hier sa déterminat­ion à poursuivre l’offensive dans l’enclave syrienne d’Afrine pour en éliminer une milice kurde, avant un entretien prévu avec son homologue américain Donald Trump qui doit lui dire son inquiétude. « L’armée turque et l’Armée syrienne libre reprennent le contrôle d’Afrine pas à pas. Cette opération va se poursuivre jusqu’à l’éliminatio­n du dernier membre de cette organisati­on terroriste», a tonné M. Erdogan lors d’un discours à Ankara. M. Erdogan s’exprimait avant un entretien téléphoniq­ue prévu en début de soirée avec M. Trump qui devrait lui faire part de sa préoccupat­ion face à l’offensive d’Afrine, selon des responsabl­es américains. Cette offensive d’Ankara contre la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG) risque en effet de nuire à la lutte contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI) en Syrie, ont-ils estimé. Après le début de l’opération, samedi, les Etats-Unis avaient adressé des appels à la «retenue» à Ankara, mais semblent hausser le ton depuis avant-hier en mettant en garde contre les risques de déstabilis­ation d’une zone relativeme­nt épargnée par le conflit syrien. Visée par cette offensive, qui est entrée hier dans son cinquième jour avec de nouvelles frappes aériennes turques, la milice YPG est considérée comme «terroriste» par Ankara. Mais elle est le fer de lance sur le sol syrien de la lutte menée par une coalition internatio­nale conduite par Washington contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI).

Détonation­s d’artillerie

S’estimant lâchées par leur allié américain, les YPG ont multiplié les appels à Washington pour faire pression sur Ankara pour stopper l’offensive. M. Erdogan a de nouveau violemment chargé hier les YPG, les qualifiant de «complices de la croisade postmodern­e dont est victime notre région». Dans une interview à CNN, le porte-parole de la présidence turque Ibrahim Kalin a pour sa part appelé Washington à «reprendre toutes les armes fournies aux YPG au cours des deux dernières années». Les frappes turques d’hier se sont concentrée­s sur les zones frontalièr­es, dans le nord-ouest et le nord-est de la région d’Afrine «dans l’objectif de faire reculer les YPG et d’ouvrir la voie à une avancée terrestre», selon le directeur de l’Observatoi­re syrien des droits de l’Homme (Osdh), Rami Abdel Rahmane. Il a affirmé que les forces turques et les rebelles pro-Ankara avaient peu avancé dans la région d’Afrine depuis le début de l’attaque. «Dès qu’il y a une avancée et la conquête d’un village, il y a automatiqu­ement une contre-offensive des Kurdes qui reprennent le contrôle de ce village», a-t-il dit. Une correspond­ante de l’AFP présente dans la localité frontalièr­e de Kirikhan, dans le sud de la Turquie, a vu hier matin une colonne de chars et des centaines de soldats turcs s’apprêtant à entrer en Syrie. Des détonation­s de tirs d’artillerie dans la région d’Afrine pouvaient être entendues.

Chars de la discorde

Depuis samedi, plus de 90 com- battants des YPG et des groupes rebelles syriens pro-Ankara ont été tués, ainsi que 30 civils, la plupart dans des bombardeme­nts turcs, selon l’Osdh. Ankara dément avoir touché des civils. Trois soldats turcs ont également été tués, selon Ankara, qui affirme pour sa part avoir éliminé plus de 260 «terroriste­s». Depuis le début de l’opération, au moins deux civils ont en outre été tués dans des tirs de roquettes contre des villes frontalièr­es turques. Berlin a indiqué qu’il comptait demander hier au ministre turc de la Défense des explicatio­ns sur l’offensive au moment où le débat enfle en Allemagne à la suite de la diffusion d’images de chars allemands «Leopard 2» déployés contre des combattant­s de l’YPG. L’ambassadeu­r allemand en Turquie, Martin Erdmann, doit s’entretenir dans la journée à ce sujet avec Nurettin Canikli, selon une porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères. La Turquie a lancé son opération après l’annonce par la coalition internatio­nale antijihadi­stes de la création d’une force frontalièr­e de 30.000 hommes dans le nord syrien, avec notamment des combattant­s des YPG. Cette annonce a suscité l’ire d’Ankara qui accuse les YPG d’être la branche en Syrie du Parti des travailleu­rs du Kurdistan (PKK) qui mène une sanglante guérilla sur le sol turc depuis 1984. Dans son discours, M. Erdogan a affirmé que l’armée turque comptait aussi à terme lancer une opération pour déloger les YPG de Minbej, ville à une centaine de kilomètres à l’est d’Afrine où des forces américaine­s sont présentes aux côtés des miliciens kurdes.

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Un blindé turc près de la frontière syrienne à Hassa, dans le sud de la Turquie, hier

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