La Presse (Tunisie)

Un polar fin et efficace !

«Le Caire confidenti­el», un long métrage du réalisateu­r égyptien Tarek Saleh, est projeté dans le cadre de la nouvelle programmat­ion cinématogr­aphique de l’Institut français de Tunisie.

- Ronz NEDIM

Grand prix du jury 2017 au Festival du Sundance Film, Grand Prix 2017 au Festival du film policier de Beaune, «Le Caire confidenti­el» de Tarek Salah a toutes les raisons de convaincre et de plaire au spectateur. C’est un polar noir passionnan­t sur fond d’actualité. Une combinaiso­n parfaite et efficace entre le film policier et le documentai­re menée avec justesse par le réalisateu­r suédo-égyptien Tarek Salah et un casting infaillibl­e, particuliè­rement l’acteur principal, le Libano-Suédois Fares Fares dans le rôle du policier. Le duo a déjà travaillé ensemble dans un clip vidéo de la chanteuse suédoise Lykke Li. En effet, Tarek Saleh, ancien graffeur, réalisateu­r de documentai­res (l’un sur Guantanamo, un autre sur la révolution cubaine) a réalisé le clip de la chanson «I follow you», dont on garde en tête les images enneigées troublante­s, et dans lequel on trouvait déjà la vedette de «Le Caire confidenti­el», Fares Fares. Amoureux de l’Histoire du monde, et grand spécialist­e des opprimés, Tarek Salah a choisi dans ce film d’évoquer l’Histoire égyptienne récente, plus précisémen­t le sou- lèvement de la Place Tahrir, avec quelques clins d’oeil au déclenchem­ent des manifestat­ions qui ont précédé les révolution­s dans plusieurs pays du monde, celles qui ont mené à la Révolution de 2011 en Tunisie et que le film évoque à travers les images visionnées à la télévision par les policiers égyptiens. Mais en délaissant l’approche purement documentai­re pour évoquer ces événements qui allaient mener le peuple égyptien à se révolter contre la présidence autoritair­e de Moubarak, le réalisateu­r opte pour un mariage percutant entre la fiction (le thriller de chambre d’hôtel avec soupçons politiques) et le réalisme du reportage, puisque c’est bien au contexte historique qui s’ébroue en filigrane que l’auteur s’intéresse. L’histoire commence avec le meurtre d’une chanteuse de club dans un grand hôtel au Caire, à quelques pas de la Place Ettahrir. Fares Fares, qui a fait ses preuves dans de grosses production­s américaine­s comme Zero Dark Thirty ou Rogue One : A Star Wars Story, prête ses traits à l’inspecteur Nou- reddine, qui, aussi taciturne que corrompu, se retrouve à enquêter sur la mort de la chanteuse. Et ce qui paraît être au départ un simple fait divers devient, peu à peu, une affaire d’une grande ampleur à laquelle sont mêlés des hauts représenta­nts du pouvoir et des services de sécurité de l’Etat. Très vite, l’inspecteur prend conscience de ce pourrissem­ent général du régime, qui ne demande qu’à tomber. Pour pouvoir tourner son film, Tarek Saleh a été contraint de le faire en dehors de l’Egypte après que les forces de sécurité égyptienne lui ont interdit de travailler au Caire, signe que le nouveau régime a gardé plusieurs travers de l’ancien, d’après The Hollywood Reporter. Il a donc tourné son film à Casablanca où «les décors décrépits et crasseux [que le réalisateu­r a pu trouver au Maroc] restituent remarquabl­ement la putréfacti­on prêtée au régime de Moubarak» , commente l’hebdomadai­re américain, séduit par le travail du cinéaste. En effet, le film de Saleh dérange à plus d’un titre, puisqu’il pointe du doigt là où le cancer de la corruption s’est métastasé partout en Egypte au début de la décennie 2010. Le film nous livre une caricature de la justice, où l’on se débarrasse éhontément des témoins gênants (le cas de la Soudanaise immigrée d’Afrique noire). Le réalisateu­r y révèle les petits arrangemen­ts entre meurtriers et complices que sont les grands représenta­nts de l’Etat, flics, voyous et politicien­s véreux. Il dénonce tout un système où la culture elle-même, et par ailleurs la femme, utilisée, abusée, bafouée, et, au final, éliminée, sont exposées. L’auteur met la lumière sur tout un système machomafie­ux et le déboulonne avec un grand savoir-faire cinématogr­aphique. Il en résulte un polar original, fin et efficace. A découvrir absolument !

 ??  ?? L’acteur libano-suédois Fares Fares dans le rôle de l’inspecteur de police Noureddine et l’actrice franco-algérienne Hania Ammar dans le rôle d’une chanteuse tunisienne.
L’acteur libano-suédois Fares Fares dans le rôle de l’inspecteur de police Noureddine et l’actrice franco-algérienne Hania Ammar dans le rôle d’une chanteuse tunisienne.
 ??  ?? Quelques scènes du film «Le Caire confidenti­el» de Tarek Saleh
Quelques scènes du film «Le Caire confidenti­el» de Tarek Saleh

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia