La Presse (Tunisie)

Comment en finir avec les inégalités ?

Le sport, comme ailleurs dans la société, est loin de l'équilibre entre les sexes. Mais un potentiel énorme existe en faveur d'actions conjointes et déterminée­s pour l'évolution des femmes. Pour accomplir de réels progrès dans cette quête de l'égalité des

- Jalel MESTIRI

Que signifie le fait d’être une gagnante ? Il ne s’agit pas simplement de devenir championne, mais surtout de se revendique­r en tant que sportive qui fait face aux inégalités et discrimina­tions. L’histoire du sport s’est construite par et pour les hommes. Les inégalités et discrimina­tions ont souvent pris la forme d’un procès de virilisati­on. Si la femme active et musclée est un modèle donné comme positif et comme signe de tonicité et de «forme, nombre de sportives performant­es demeurent appréhendé­es quant à leur identité de «vraies femmes». En particulie­r dans des sports dans lesquels elles sont peu nombreuses et que l’histoire et la culture ont dévolus aux hommes (football, rugby, boxe, cyclisme…). Et c’est précisémen­t un «trop de virilité» qui avait amené dans les années soixante la mise en place de contrôles de féminité pour toutes les sportives concourant au niveau internatio­nal. Elles devaient prouver en ce temps-là être de «vraies femmes». Ces contrôles relevaient d’une pratique discrimina­toire qui n’admettait les différents morphotype­s existant parmi les femmes comme parmi les hommes. Les inégalités et les discrimina­tions entre les sexes perdurente­lles aujourd’hui au niveau de la pratique sportive ? Aux discipline­s sportives ? Ou encore à l’accès aux postes de responsabi­lités, à l’invisibili­té ou à la présence conditionn­elle dans les medias ? Dans l’absolu, les avancées en termes d’égalité des sexes sont bien là. Les Jeux olympiques le prouvent fort bien. Les femmes sont en effet plus présentes dans le sport que jamais auparavant : sur un total de 997 athlètes, seules 22 femmes concouraie­nt pour la première fois lors des Jeux olympiques de Paris en 1900. Pour la première fois aux Jeux olympiques de Londres en 2012, les femmes concouraie­nt dans chaque discipline sportive du programme olympique. A Rio, environ 4.700 femmes — soit 45 pour cent de tous les athlètes — représenta­ient leur pays dans 306 épreuves. Avec le temps, les exploits aux Jeux olympiques d’athlètes féminines légendaire­s comme Babe Didrikson, Jackie Joyner-Kersee, ont été sources d’inspiratio­n pour les femmes du monde entier. Et des héroïnes comme Nawal Moutawakel ont aidé à faire tomber les barrières. Comme cela est de plus en plus reconnu dans de nombreuses activités, les femmes élargissen­t les perspectiv­es, apportent des idées et innovation­s inédites et touchent de nouvelles audiences. Il reste cependant un long chemin à parcourir avant d’être témoin de l’égalité complète dans le monde du sport. Les femmes continuent à bénéficier de moins d’opportunit­és, de moins d’investisse­ments, de moins d’entraîneme­nt et de moins de sécurité dans la pratique du sport. Si elles parviennen­t à devenir des sportives profession­nelles, elles se heurtent toujours à un écart dans les rémunérati­ons, la préparatio­n et le mode de travail. Les recommanda­tions de toutes sortes n’ont pas manqué mais elles demeurent très souvent au rang de principes incantatoi­res. En dehors du terrain, elles sont sous-représenté­es dans l’encadremen­t des organisati­ons sportives. Nous demeurons convaincus que le sport contribue à la responsabi­lisation des femmes au niveau social, économique et politique. Cela est aujourd’hui clairement reconnu par la société civile. Encore confirmé, sinon plus dans le mouvement olympique, et tout particuliè­rement par la Commission Parité et Diversité des sexes au sein du Cnot et qui est présidée par Salma Mouelhi. Cette dernière, qui vient d’être élue vice-présidente de la Commission féminine de l’Acnoa, mène avec une grande déterminat­ion le combat qui procure à la femme sportive force, endurance et volonté. L’organisati­on le 30 janvier prochain de la rencontre «Place de la femme dans l’univers sportif tunisien : Réalités et perspectiv­es» se propose dans cet ordre d’idée de rendre visibles ces inégalités et discrimina­tions. Les démarches volontaris­tes révolution­naires sont nécessaire­s ; les lois et textes existants, incitatifs, voire anti-discrimina­tions doivent être appliqués, sous peine de retour en arrière. Autre plan d’action nécessaire : les catégorisa­tions «sexuées» n’ont plus aucune raison d’être. C’est pourquoi le sport doit constituer une occasion pour la confirmati­on de l’égalité. Celle-ci demeure une question de traitement, de considérat­ion, d’importance, tant au plan des lois que des pratiques et des représenta­tions. Il reste énormément à faire pour atteindre l’égalité. Face aux barrières qui empêchent toujours les femmes de se revendique­r, les changement­s doivent toucher les conditions de vie et activités féminines. Aujourd’hui, le sport, comme ailleurs dans la société, est loin de l’équilibre entre les sexes. Mais un potentiel énorme existe en faveur d’actions conjointes et déterminée­s pour l’évolution des femmes. Pour accomplir de réels progrès dans la quête de l’égalité des sexes. Le mouvement est prêt à jouer un rôle significat­if dans ce combat. Dans le sport comme dans la société en général.

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Raja Saadani
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Salma Mouelhi
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Sihem Ayadi
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Ramla Mhiri

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