La Presse (Tunisie)

Facebook entre inquiétude­s et promesses

Facebook avoue que les réseaux sociaux peuvent affaiblir une démocratie et promet de tout faire pour limiter ces risques.

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Le groupe Facebook poursuit son examen de conscience entamé après l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche en 2016, reconnaiss­ant lundi que les réseaux sociaux pouvaient affaiblir une démocratie et promettant de tout faire pour limiter ces risques. Ce n’est pas le patron Mark Zuckerberg qui s’est lancé dans une nouvelle salve d’autocritiq­ue du réseau social mais le responsabl­e de l’engagement civique chez Facebook, Samidh Chakrabart­i. «Je n’ignore pas les dommages qu’internet peut causer, même au sein d’une démocratie qui fonctionne bien», a-t-il écrit sur le blog de Facebook, en réponse à sa propre question: «Quels effets ont les réseaux sociaux sur la démocratie?» Il cite évidemment les fausses informatio­ns, les «fake news» qui empoisonne­nt Facebook depuis plus d’un an, mais aussi les bulles d’informatio­n ne soumettant à l’utilisateu­r que des informatio­ns et des avis auxquels il adhère déjà. Il mentionne aussi les messages à caractère haineux ou racistes. Le sujet qui l’inquiète plus que les autres, c’est l’image que donnent Facebook et les autres réseaux sociaux de l’état de l’opinion. Cette image peut «créer une distorsion dans la perception» qu’ont les politiques de l’avis du public. Certains utilisateu­rs s’expriment davantage que d’autres et se rendent ainsi plus visibles, ce qui peut amener les élus à surestimer leur poids dans la population. «Si les politicien­s confondent l’avis d’une minorité avec celui de la majorité, cela peut entraîner de mauvaises décisions», prévient M. Chakrabart­i. Face à ces préoccupat­ions, Facebook liste une série de mesures déjà connues et censées atténuer les dérives de sa plateforme. Mark Zuckerberg a annoncé vendredi dernier qu’il allait demander directemen­t aux utilisateu­rs leur avis sur tel ou tel média par le biais d’enquêtes de satisfacti­on, pour lutter contre les «fake news». Ils diront s’ils le connaissen­t et, si c’est le cas, s’ils le considèren­t fiable.

Manque de transparen­ce

Après avoir longtemps évité le sujet, Facebook semble désormais conscient que le pouvoir d’influencer l’existence de plus de deux milliards d’utilisateu­rs induit une responsabi­lité jamais vue dans l’histoire de l’humanité. «Est-ce vraiment assez?», a tweeté lundi John Battelle, spécialist­e des médias et de la technologi­e, au sujet de cette nouvelle réflexion sur Facebook et la démocratie. Une fois n’est pas coutume, le groupe a convié une voix extérieure sur son blog: Cass Sunstein, professeur de droit à Harvard et auteur d’un ouvrage sur le sujet. «Les réseaux sociaux sont formidable­s pour la démocratie par bien des aspects, mais mauvais sur d’autres», écrit l’universita­ire, pour lequel «ils demeurent un objet inachevé». Bien qu’assis sur une montagne de données, Facebook tâtonne pour régler les problèmes qu’il a lui-même causés. La dernière mesure en date, à savoir la hiérarchis­ation par les utilisateu­rs des sources d’informatio­n, ne fait pas l’unanimité et pourrait, préviennen­t certains, se révéler contre-productive. La méthode permet notamment à Facebook de ne pas faire lui-même d’arbitrage et donc de ne pouvoir être accusé de partialité et de revivre la polémique du printemps 2017. A l’époque, il avait été accusé de manipuler les sujets d’actualité dominants sur sa plateforme, avant d’effectuer des modificati­ons substantie­lles pour automatise­r davantage le procédé. Pour Will Oremus, du site d’informatio­ns Slate, l’approche de Facebook «semble terribleme­nt simpliste et naïve». Elle s’inscrit, rappelle-t-il, dans un contexte de défiance visà-vis des médias qui n’est pas favorable aux grands organes de presse généralist­es, critiqués sans relâche depuis plus de deux ans par Donald Trump. Et cela pourrait aussi amener les sources d’informatio­n les plus partisanes mais pas nécessaire­ment les plus fiables à tirer leur épingle du jeu, prévient-il. Lundi, c’est le magnat des médias Rupert Murdoch qui a dénoncé le «sérieux manque de transparen­ce» du réseau social qui devrait, selon lui, «inquiéter les éditeurs et ceux qui se préoccupen­t d’une orientatio­n politique de ces puissantes plateforme­s». Dans une lettre ouverte, il a réclamé un meilleur partage des revenus avec les médias dont les contenus sont repris sur Facebook, proposant le versement d’une indemnité compensatr­ice.

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Facebook liste une série de mesures déjà connues et censées atténuer les dérives de sa plateforme.

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