La Presse (Tunisie)

La difficile mission

Pour Leila Chikhaoui, membre de l’Instance provisoire de contrôle de la constituti­onnalité des projets de loi, tout l’enjeu est de faire en sorte à la fois de veiller au respect de l’esprit de la Constituti­on de 2014, mais également d’essayer de ne pas en

- Karim BEN SAID

L’Associatio­n tunisienne de droit constituti­onnel a organisé hier un séminaire autour de la «Jurisprude­nce de l’instance provisoire de contrôle de la constituti­onnalité des projets de loi», et ce, dans le cadre des 6e journées Abdelfatte­h Amor de droit constituti­onnel. Le thème choisi est d’autant plus important que l’Instance, depuis sa création, a renvoyé à l’Assemblée des représenta­nts du peuple plusieurs projets de loi jugés, selon elle, peu respectueu­x des dispositio­ns de la Constituti­on de 2014. Alors que la Cour constituti­onnelle peine à voir le jour, c’est en effet cette instance qui est chargée de jouer ce rôle de « police» des projets de loi et, le cas échéant, de protéger le texte constituti­onnel de toute violation. Ses décisions cependant, sont souvent critiqués notamment par la majorité parlementa­ire, mais également de la part d’éminents juristes. Dernière polémique en date, celle relative au projet de dispositio­ns communes des instances constituti­onnelles, qui a été renvoyé au Parlement en vue de la révision de l’article 33, abordant la question de la révocation des membres de ces instances prévue par la Constituti­on. Les élus de la majorité ont en effet estimé que l’Instance n’avait pas donné assez de précisions, quant au motif d’inconstitu­tionnalité. Plus récemment, l’instance a accepté le recours des députés de l’opposition contre le projet de loi ayant trait au congé exceptionn­el aux agents publics candidats aux élections. Lors de son interventi­on hier, la juge, membre de l’Instance provisoire de contrôle de la constituti­onnalité des projets de loi, professeur­e Leila Chikhaoui, a estimé que ce projet de loi ne respectait pas le principe d’égalité de traitement entre tous les citoyens, énoncé par la Constituti­on. De son côté, le professeur Slim Laghmani, président l’Associatio­n tunisienne de droit constituti­onnel, s’est rangé du côté de l’avis de l’Instance de contrôle, en ce qui concerne les dispositio­ns communes des instances constituti­onnelles. Laghmani n’admet pas que les membres d’une instance prévue par la Constituti­on puissent être démis de leurs fonctions par l’Assem- blée des représenta­nts du peuple. Par ailleurs, Leila Chikhaoui a expliqué toute la difficulté de la mission confiée à son instance. Selon elle, tout l’enjeu est de faire en sorte à la fois de veiller au respect de l’esprit de la Constituti­on de 2014, mais également d’essayer de ne pas entraver de manière systématiq­ue le travail des députés législateu­rs au sein de l’Assemblée des représenta­nts du peuple. Cette entreprise est d’autant plus difficile, selon elle, que les délais de traitement sont relativeme­nt courts pour trancher. Conforméme­nt à la loi, l’instance ne dispose que de 17 jours pour trancher sur des dossiers très délicats. Au- delà de ce délai, le projet est renvoyé au président de la République. C’est aussi le cas lorsque l’Instance n’arrive pas à trancher (en cas d’une majorité). Ces journées se poursuiven­t aujourd’hui, également, à la faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis.

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