La Presse (Tunisie)

7.000 ingénieurs en colère

Les sit-inneurs se plaignent du fait que leurs revendicat­ions soient restées lettre morte

- Ingénieurs marginalis­és

Deux jours de grève générale se sont succédé mercredi 24 et jeudi 25 janvier. De plus, un sit-in des ingénieurs s’est produit à la place de La Kasbah, dans la matinée du mercredi. Un rassemblem­ent massif de 7.000 ingénieurs qui sont venus manifester leur dépit d’une situation matérielle inchangée depuis des lustres. Selon M. Oussema El Khriji, doyen et président de l’Ordre des ingénieurs tunisiens, le nombre des ingénieurs a plus que doublé, puisqu’il se limitait à 3.000 sitinneurs lors de la grève du 14 novembre 2017. Un sit-in réussi aux dires de M. Khriji : «Le taux de participat­ion à la grève a atteint 80%» . C’est une grève conjointem­ent organisée par le Syndicat national des ingénieurs tunisiens «Syndit» et l’Ordre des ingénieurs tunisiens (OIT). Elle vient en guise de protestati­on contre la détériorat­ion du secteur et l’inaction de la présidence du gouverneme­nt quant aux revendicat­ions du syndicat. Placés sous le sceau de la révolte et de la colère, plusieurs slogans ont été scandés : «Réveille-toi, la situation est mauvaise !», «Les ingénieurs sont des victimes», «Réclame chaque jour ton droit». L’Institut national de la statistiqu­e recense 13.700 ingénieurs, toutes spécialité­s confondues. Nombre d’entre eux sont inscrits sur les listes du bureau national de l’emploi ou les centres d’emploi privés et les sites des annonceurs.

Faible motivation matérielle

M. Khriji est revenu sur les motifs qui ont poussé 3.000 ingénieurs, «les meilleurs», à quitter le territoire tunisien chaque année. Une fuite des cerveaux qui prive le pays de la fine fleur de l’élite de ce pays. Dans un récent communiqué, le syndicat national des ingénieurs tunisiens a appelé à revalorise­r la grille salariale des ingénieurs. Selon M. Khriji, il faut procéder à l’ajustement du salaire. «Le seuil minimal de la prime est de 850 D pour un ingénieur débutant et le plafond est de 1.200 D pour un ingénieur en chef. Il faudrait inclure d’autres grades vu que seulement deux grades sont prévus sur trente ans» . Les ingénieurs qui participen­t aux concours internes sont désemparés car le nombre de postes pour lesquels ils concourent est restreint. Trente ingénieurs seront retenus sur les deux cents éligibles, ce qui est peu élevé, estime le président de l’Ordre des ingénieurs tunisiens.

M. Fakhreddin­e Khlifa, président du syndicat national des ingé- nieurs et ingénieur en télécommun­ications, apporte un autre son de cloche, sur un ton plus grave. «Une nouvelle grève a été organisée parce qu’il n’y a pas eu de suite au dossier des ingénieurs qui devait d’être réglé avant la fin de 2017. La présence massive des ingénieurs lors du sit-in prouve qu’ils n’ont toujours pas obtenu gain de cause». Et de renchérir : «On encourage nos ingénieurs à quitter le territoire au lieu de les intégrer dans le processus de création de richesses et booster l’économie nationale. Il y a un investisse­ment à faire sur le capital humain». Un délai de quinze jours sera accordé pour donner une suite favorable aux doléances profession­nelles et aux revendicat­ions matérielle­s et statutaire­s des ingénieurs sous peine de faire entendre de nouveau leurs voix, haut et fort, dans les rues de Tunis. M. Khlifa termine cependant sur une note d’espoir : «On reste optimistes quant à la capacité du gouverneme­nt à apporter des réponses et à proposer des solutions» . Il avertit tout de même, en insistant sur le fait qu’il faut impérative­ment résoudre les problèmes des ingénieurs qui sont un facteur clé du développem­ent de ce pays. «Il faut encourager la recherche, l’initiative et la créativité ! Sinon on restera indéfinime­nt un pays consommate­ur et non producteur» , clame-t-il haut et fort.

Mohamed Salem KECHICHE

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