Quid de l’en deçà ?
Interrogations autour du rôle actuel d’un concept vieux comme le monde.
Au cinéma à Tunis (CinéMad’Art, ABC et cinéma Amilcar), le public peut découvrir le dernier opus du cinéaste algérien prolifique Merzak Allouache. «Enquête au paradis», un documentaire de 2h15, adresse un questionnement central à un pays passé par la décennie noire. A travers l’enquête d’une jeune journaliste dans un quotidien, la caméra explore «les représentations du Paradis véhiculées par la propagande islamiste et les prédicateurs salafistes du Maghreb et du Moyen-Orient à travers des vidéos circulant sur Internet. Mustapha, son collègue, l’assiste et l’accompagne dans cette enquête qui la conduira à sillonner l’Algérie...» . Tout d’abord, se demande-t-on à travers le film, qu’est-ce qui a changé depuis la dernière définition de l’islam du Paradis ? A priori rien, sauf qu’ici-bas, une bonne quinzaine d’années est passée depuis la décennie noire, que le monde a vécu de grandes transformations en ce début de siècle, et qu’Internet est survenue. Ce dernier élément est devenu le véhicule d’une pensée bien particulière. Une pléthore de vidéos s’attarde sur la description du Paradis et d’un élément précis de celui-ci : les 72 houris promises à chaque musulman qui tue ou se tue au nom de l’islam. Rien qu’à l’idée, les amalgames qui s’ensuivent sont nombreux, et les conséquences sur la jeunesse sont désastreuses. D’où cette enquête qui part d’une question en apparence simple et évidente et pour qui la réponse est loin de l’être. Comment imaginez-vous le paradis ? Déterminée, la journaliste, campée par Salima Abada, pose la question à des jeunes de différents profils, dans un cybercafé, dans la rue ou dans un théâtre. Balbutiants, étonnés ou sûrs d’eux, leurs réponses trahissent un endoctrinement certain autour d’un concept incertain. Le flou est maintenu et exploité par les cheikhs qui prônent cette version d’un Paradis meublé de houris. L’une des séquences qui le décrivent et qui circulent sur internet est un élément de l’enquête. La journaliste la montre à des interviewés, dont de nombreux intellectuels et militants algériens, et traverse le pays pour la montrer à Timimoun où règne une pensée plus spirituelle de l’islam. Ainsi, le film dresse au passage un portrait de l’Algérie, dans sa diversité, mais aussi pour démontrer l’étendue de la cicatrice non encore guérie du terrorisme. Il prend son temps pour mettre aux devants de sa caméra une parole absente et discriminée de la scène publique. Celle des intellectuels et des femmes, si nécessaire pour équilibrer les bases d’une société. Au final, la question du Paradis est loin d’être réglée, mais elle met la lumière sur une interrogation encore plus urgente pour tout le monde musulman : dans la quête de l’au-delà, que fait-on de l’endeçà ?