La Presse (Tunisie)

Hamadi Ben Saâd, chantre de la Médina

Les oeuvres de Hamadi Ben Saâd sont elles-mêmes une superposit­ion de strates. Il travaille sur de vieilles affiches de yoghourt, trouvées dans une imprimerie, parce qu’elles ont la taille et la tenue qu’il souhaite.

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Sa silhouette de géant hante les ruelles de la Médina. Il traverse à grands pas la placette, toujours souriant, distrait, bienveilla­nt et affable. Tout le monde le connaît dans ce microcosme, le salue, demande de ses nouvelles, celles de ses fils, celui qui enseigne à Berkeley, celui qui vit en Antarctiqu­e, celles de son travail en cours… Hamadi Ben Saâd, tel qu’en lui-même, est le bon génie qui habite ces lieux, et qui s’en inspire et s’en nourrit. Des années durant, il avait installé son atelier à la Achouria, l’ayant quittée aujourd’hui pour des raisons de travaux. Il a été hébergé un peu plus loin par un ami accueillan­t qui achève la restaurati­on d’une maison ancienne, et lui concède le makhzen pour y travailler. L’espace n’est pas grand, mais aisément accessible, et curieuseme­nt inspire l’artiste à s’étendre sur des surfaces de plus en plus grandes. Ce qui le contraint à déployer des trésors d’ingéniosit­é pour gérer ses énormes panneaux. Hamadi Ben Saâd raconte la Médina et ses murs, leurs strates, leur mémoire : «Les murs me parlent. La chaux qui craque après le badigeon, le ciment qui affleure, l’humidité qui suinte et laisse des traces, tout cela me raconte des histoires. Celles de la Tunisie, avec ses plaies, ses failles, ses restaurati­ons» . Alors il marche, au long des ruelles, recueille ces murmures, ces échos, ces mémoires qu’il est seul à entendre. Il rase les murs, s’assied à un angle, passe et repasse sous un porche, puis rentre dans son atelier transcrire en couleurs et en matière ces histoires de murs. Les oeuvres de Hamadi Ben Saâd sont elles-mêmes une superposit­ion de strates. Il travaille sur de vieilles affiches de yoghourt, trouvées dans une imprimerie, parce qu’elles ont la taille et la tenue qu’il souhaite. Il leur inflige un traitement complexe de papiers de soie et de krafts froissés, imbibés de colle, qu’il sculpte et moule en creux et en reliefs. Il leur offre des fonds de couleurs somptueuse­s, bleu lapis lazuli, vert lagon, rouge cardinal, jaune safran, les éclabousse d’or et d’argent, les cerne de franges contrastée­s, et donne à cette Médina qu’il porte au coeur

 ?? Alya HAMZA ?? la plus belle des transfigur­ations. semaine à la galerie Selma Feriani. Hamadi Ben Saâd expose cette
Alya HAMZA la plus belle des transfigur­ations. semaine à la galerie Selma Feriani. Hamadi Ben Saâd expose cette

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