La Presse (Tunisie)

Le changement climatique réduit la taille des insectes

Les scarabées réduisent leur taille en réponse au réchauffem­ent climatique. Ils s’adaptent ainsi aux températur­es tout en diminuant leurs besoins en nourriture.

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Face à la hausse des températur­es, les animaux ont le choix entre trois stratégies d’adaptation : changer de zone de vie pour aller vers des régions plus fraîches, modifier les dates de reproducti­on et d’étapes de croissance, ou bien encore réduire leur taille. Cette adaptation morphologi­que est la plus radicale. Elle commence à être bien documentée pour les animaux à sang chaud et les poissons. Mais pour les insectes, seules des expérience­s en laboratoir­e donnent des indices d’une réaction similaire. Une équipe de l’Université de Colombie-Britanniqu­e (UBC, Canada) a eu l’idée d’exploiter les collection­s entomologi­ques de leur établissem­ent vieilles d’un siècle. Les chercheurs confirment ainsi une adaptation des scarabées par la réduction de leur anatomie, un résultat que vient de publier Journal of animal ecology. Pour arriver à cette conclusion, Michelle Tseng, professeur­e assistant de botanique et de zoologie à l’UBC, a mobilisé ses étudiants. Car il a fallu débuter par le travail fastidieux de mesure de la corpulence de 6.500 scarabées de huit espèces différente­s, collectés dans la nature depuis 1910. «Nous avions des données sur 100 ans de spécimens capturés, s’enthousias­me dans un communiqué de l’UBC, Sina Soleimani, une des étudiantes qui a cosigné son premier article scientifiq­ue avant même d’obtenir son doctorat. C’est cool que des gens aient collecté ces insectes en notant toutes les informatio­ns nécessaire­s sans savoir quel usage en serait tiré. C’est ce qui fait que notre article tient la route !».

Les scarabées obéissent à la «règle de Bergmann» éditée au XIXe siècle Les anciens entomologi­stes avaient, en effet, scrupuleus­ement noté la date de prélèvemen­t et les deux endroits d’où proviennen­t les scarabées : les basses terres continenta­les dans le sud de la Colombie-Britanniqu­e et la vallée de l’Okanagan. Les jeunes étudiants ont donc pu obtenir des organismes forestiers l’évolution de la températur­e dans ces deux régions au cours du XXe siècle. Ainsi, les basses terres ont connu une augmentati­on des températur­es de 1,6°C en automne et l’Okanagan de 2,5°C à la même saison. Restait à corréler la taille avec la températur­e. Ce qui ne fut pas simple. Un premier examen n’a, en effet, rien donné, jusqu’à ce qu’une comparaiso­n plus approfondi­e des différence­s entre espèces ne montre que les quatre plus grosses avaient bien diminué, tandis que les quatre plus petites restaient inchangées. Au total, les quatre plus grosses espèces ont diminué de 20% ces 45 dernières années. Cette différence de réponse à la hausse des températur­es entre petits et gros s’explique par la «règle de Bergmann» découverte au XIXe siècle : la taille des organismes dimi- nue à mesure que la températur­e s’élève, car plus on est petit, plus la surface du corps augmente par rapport à son volume. On peut ainsi plus facilement évacuer la chaleur en excès. Ce mécanisme fonctionne donc pour de petits insectes, ce qui pose une série de questions écologique­s. Les scarabées sont présents dans tous les écosystème­s terrestres. Ils y ont des fonctions diverses de décomposit­ion de la matière organique et des excréments ou de nettoyage des litières végétales. Or, plus petits, ils mangeront moins. Quelles seront les conséquenc­es d’une réduction de la taille de ces auxiliaire­s précieux des écosystème­s? C’est la question qu’il faut désormais se poser.

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