Un trésor appelé «Terfezia»
La micorisation des plantes par le terfezia assure l’amélioration de la production de certains végétaux tout en y associant une autre production, celle des truffes du désert ou terfezia.
La truffe n’est pas un aliment exotique mais un ingrédient inhérent à la gastronomie des régions du Sud tunisien. Présente en quantités variables et sous forme de différentes espèces, elle semble être pour bon nombre de Tunisiens la découverte de l’année. Ce champignon aux mille vertus fait tapage sur les réseaux sociaux après une cueillette exceptionnelle et l’identification d’une truffe exceptionnelle de 2,7 kilos. Comparable à de petites pommes de terre, les truffes désertiques se distinguent par des spécificités scientifiques et un apport nutritionnel importants ; deux points de force qui leur valent, d’ailleurs, d’être mieux exploitées. En 2011, Mme Awatef Slama, docteure en microbiologie, avait consacré sa thèse de doctorat à ce produit naturel. Baptisée «Etude pluridisciplinaire des truffes de Tunisie» , ce travail de recherche et d’expérimentation lui avait permis de faire l’inventaire des différentes espèces repérées dans notre territoire, de cerner celles qui étaient plus représentatives des truffes de Tunisie, notamment sur le plan quantitatif mais aussi de par leur répartition géographique, et d’expérimenter leur éventuelle production grâce à la technique de micorisation ou implantation en association avec une plante. «A l’époque où j’avais discuté ma thèse de doctorat, aucune étude ni recherche n’a été publiée sur cet aliment au préalable. Pourtant, cet aliment fait bien partie des traditions culinaires de ma région, notamment à Tataouine tout comme dans les autres régions du Sud. Nutritive et succulente, la truffe désertique continue à rehausser les saveurs des mets tunisiens, notamment le couscous et le ragoût des petits pois. Mon travail, poursuit la Dr Slama, avait alors pour finalité d’examiner les possibilités d’une éventuelle culture des truffes, dont les retombées scientifiques, nutritionnelles et économiques seraient plus que tentantes» .
Neuf espèces autochtones
Le processus scientifique sur lequel repose la présente étude comprend plusieurs étapes. Un travail prospectif s’impose, en premier, afin de faire l’inventaire des différentes espèces de truffes disponibles en Tunisie. La Dr Slama a réussi au bout d’un travail de longue haleine à repérer huit espèces de truffes ou de «terfezia» ; cette appellation étant celle scientifique et à l’origine de l’appellation dialectale «terfès». Les huit espèces sont le «terfezia», le «terfezia boudieri», le «terfezia arenaria», le «tirmania nivea», le «tirmania pinoyi», le «picoa june- peri», le «picoa carthusiana» et le «chroiromyces meandriformis». «Une neuvième espèce a été, par la suite, retrouvée par une autre équipe de recherches» , souligne la microbiologiste. La plupart de ces espèces sont présentes en quantités minimes dans certaines régions alors que le «tirmania nivea» et le «terfezia boudieri» sont disponibles en quantités importantes dans les régions du Sud, notamment à Tataouine. Le «terfezia», quant à lui, a été identifié dans tout le territoire sans exception. La microbiologiste rappelle la production spontanée des truffes tout comme, d’ailleurs, toute autre espèce de champignon. L’inventaire des espèces identifiées a été complémenté par l’étude, au cas par cas, des facteurs environnementaux et autres, climatiques, favorables à chaque espèce, à savoir les conditions climatiques, la nature du sol, les végétaux associés, etc. La deuxième phase de l’étude porte sur l’expérimentation de deux techniques de culture de la truffe.
Micorisation expérimentale et de terrain
La première technique consiste à micoriser des plantes par des «terfezia boudieri» et des «tirmania nivea» ; soit les deux espèces les plus présentes dans le territoire tunisien. La microbiologiste a choisi de réaliser l’expérience sur deux sols de natures différentes, soit un sol sablo-limoneux et un sol gypseux. «Les deux sols ont été favorables pour la culture du terfezia boudieri» , déduit-elle. Après l’expérimentation au labo- ratoire, il fallait tenter celle sur le terrain et observer ainsi les résultats d’une culture double car associant plantes et truffes. Les résultats s’étaient avérés plus que satisfaisants : la culture du terfezia boudieri est possible via la technique de micorisation aux plantes. « Nous avons même admiré l’effet spectaculaire du terfezia boudieri sur la plante micorisée. En effet, l’hélianthemum suaveolens (la plante choisie pour cet essai ), et contrairement à un autre échantillon non micorisé, avait largement dépassé celle non micorisée tant en taille qu’en feuillage. Adopter cette technique assure, à la fois, l’amélioration de la production de certains végétaux tout en y associant une autre production, celle des truffes ou terfezia », affirmet-elle.
Un concentré de minéraux
Le «terfezia boudieri» et le «tirmania nivea» sont réputés pour leur considérable apport nutritionnel. Riches en fer, en protéines, en phosphore, en magnésium, en calcium et en eau, ces espèces se caractérisent, aussi, par d’autres bienfaits plutôt curatifs. «Elles sont utilisées pour leurs effets antibactérien et antifongique. Le picoa, par contre, a un effet diarrhéique et comprend moins de vertus nutritionnelles que les autres variétés» , renchérit la Dr Slama. En dépit de toutes ces vertus, la culture des truffes désertiques fait toujours défaut dans les régions du Sud, et ce, en raison — entre autres — d’une pluviométrie rarissime. Néanmoins, c’est dans ces régions où l’on cueille le plus de truffes. La germination de ces dernières se fait en octobre/ novembre de chaque année. Il suffit d’enregistrer une pluviométrie à cheval entre 100 et 155 millimètres par an pour que la cueillette soit généreuse. «La taille moyenne des truffes désertiques varie entre 1 et 16 grammes. Cette année, une truffe géante de 2,7 kilogrammes a été repérée ce qui est fascinant ! C’est dire l’impact de la pluie sur la germination des truffes. En revanche, si la pluie se fait abondante durant la période de la cueillette, tout risque de tomber à l’eau» , prévient la spécialiste. Et d’ajouter qu’outre les espèces autochtones, d’autres espèces de truffes peuvent être introduites en Tunisie et micorisées de la même manière. «Nous avons effectué la même expérience sur des truffes importées de Corée. Le résultat était tout aussi extraordinaire» , indique la spécialiste, optimiste.