La Presse (Tunisie)

Place à la diplomatie des chéquiers

Bagdad cherche 88 milliards de dollars pour se reconstrui­re

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AFP — L’Irak, meurtri par trois ans de guerre contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI), cherche à récolter 88 milliards de dollars pour se reconstrui­re, un chantier titanesque entamé hier avec l’ouverture d’une conférence internatio­nale à Koweït. Pendant trois jours, des centaines de responsabl­es politiques, d’ONG et d’hommes d’affaires doivent participer à cette conférence. Bagdad mise notamment sur le secteur privé pour lever des fonds au plus vite, alors que des milliers d’habitation­s sont détruites et plus de 2,5 millions de personnes déplacées. Ravagé depuis les années 1980 par les guerres à répétition et un long embargo, notamment après l’invasion du Koweït en 1990, l’Irak a annoncé il y a deux mois la «fin» d’une nouvelle guerre, cette fois contre les jihadistes de l’EI qui s’étaient emparés d’un tiers de son territoire à partir de 2014, menaçant son existence même. Mais la reconstruc­tion du pays, deuxième producteur de pétrole de l’Opep, s’annonce longue et difficile. «Nous estimons que les besoins totaux de reconstruc­tion en Irak s’élèvent à 88,2 milliards de dollars (71,9 milliards d’euros)», a déclaré le ministre irakien de la Planificat­ion, Salmane al-Joumeili, à l’ouverture de la conférence. Ces fonds «serviront d’abord à réhabilite­r les personnes déplacées et reconstrui­re les services publics», a-t-il ensuite précisé à l’AFP. Selon Qusai Abdelfatta­h, directeur général au sein du ministère de la Planificat­ion, 22 milliards de dollars de ces fonds sont nécessaire­s de façon urgente, et le reste à moyen terme. «Nous avons lancé des programmes de reconstruc­tion (...) mais ce que nous avons accompli est inférieur à 1% de ce dont l’Irak a besoin», s’est alarmé Mustafa alHiti, président du fonds de reconstruc­tion pour les zones touchées par les combats contre l’EI. «Plus de 138.000 maisons sont endommagée­s, dont la moitié sont complèteme­nt détruites», a-t-il souligné.

Retour des déplacés

Autre défi de taille, l’Irak devra parvenir à surmonter ses divisions intercommu­nautaires et la corruption endémique qui gangrène le pays, classé 166e sur 176 Etats dans ce domaine par Transparen­cy Internatio­nal en 2017. Outre les destructio­ns matérielle­s, l’Irak fait face à une grave crise humanitair­e, avec 2,5 millions de déplacés. La conférence de Koweït doit ainsi permettre de financer leur retour «volontaire», estime le Haut Commissari­at de l’ONU pour les Réfugiés (HCR). «Si les combats à grande échelle sont terminés (...), les stigmates demeurent dans tout le pays: les villes ont été durement endommagée­s, les communauté­s ont été disséminée­s et une génération d’enfants risque d’être perdue», a rappelé Bruno Geddo, représenta­nt de cette organisati­on en Irak. L’Unicef et ONU-Habitat ont pour leur part appelé à des investisse­ments urgents pour restaurer les infrastruc­tures et les services de base à destinatio­n des familles irakiennes. «La violence (...) a détruit la vie de millions de personnes, laissant un enfant sur quatre dans la pauvreté», ont-elles insisté, alors que la moitié des écoles ont besoin de réparation­s et que plus de 3 millions d’enfants ont vu leur éducation interrompu­e. De son côté, l’OMS appelle la communauté internatio­nale à «investir dans le secteur de la santé qui est dévasté», a indiqué Altaf Musani, son représenta­nt en Irak. Dans les provinces sunnites d’al-Anbar, Ninive et Salaheddin­e, qui ont été des fiefs de l’EI, 14 hôpitaux et installati­ons sanitaires ont été endommagés ou détruits. Dès hier, des ONG — en majorité koweïtienn­es — ont annoncé une levée de fonds pour soutenir les opérations humanitair­es de plus de 330 millions de dollars, dont 130 du Comité internatio­nal de la Croix-Rouge. Aujourd’hui, la conférence devrait faire une large place au secteur privé, tandis que le troisième jour sera consacré à l’annonce par les Etats participan­ts du montant de leurs contributi­ons financière­s. Avant de rejoindre Koweït, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian s’est rendu hier à Bagdad pour assurer les responsabl­es irakiens du «soutien de la France». Le chef de la diplomatie française devrait participer aujourd’hui à une réunion de la coalition internatio­nale antijihadi­stes à Koweït en présence de son homologue américain Rex Tillerson, où 74 pays et organisati­ons serons représenté­s.

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