Une responsabilité partagée
La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) s’inscrit dans cette démarche, étant une forme d’engagement des entreprises existantes dans l’amélioration de l’environnement dans lequel elles investissent
La question du développement régional restera pour de longues années encore un sujet de débat intense. Cette question ne relève pas seulement de la responsabilité de l’Etat qui devrait être le précurseur pour améliorer les services dans les régions, assurer un environnement sain et serein et encourager l’investissement. Mais il s’agit également d’une responsabilité partagée avec le secteur privé, surtout dans un contexte de transition politique et économique critique pour notre pays. Avec toutes les difficultés économiques que connaît la Tunisie aujourd’hui, l’investissement représente la porte du salut dans les régions intérieures qui connaissent de temps à autre des perturbations sociales, menaçant la stabilité et la croissance économique. De même, la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) s’inscrit dans cette démarche, étant une forme d’engagement des entreprises existantes dans l’amélioration de l’environnement dans lequel elles investissent. L’Assemblée des représentants du peuple (ARP) devrait examiner, vers la fin du mois de mars, la dernière version du projet de loi relatif à la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Un projet qui imposerait aux entreprises exploitant les richesses naturelles un taux de 1% sur le bénéfice ou un taux sur le chiffre d’affaires au profit de la région où elles sont implantées. Une disposition qui provoquerait certainement une polémique puisque la RSE a été souvent perçue comme un engagement volontaire de l’entreprise au profit de la région dans laquelle elle évolue. Pour l’expert Ezzeddine Saïdane, il est important de veiller à la pérennité de l’entreprise économique, qu’elle soit publique ou privée. Il affirme que le grand danger est de mélanger au sein de l’entreprise les aspects économiques et le social. « Le rôle de l’entreprise est de produire, de manière efficiente et rentable, un produit ou un service donné, son rôle est d’investir, de s’agrandir, de créer des emplois et des richesses. Une fois ces richesses créées, elles peuvent être distribuées en dehors de l’entreprise. Si on mélange les rôles, il devient difficile de juger de son efficacité et de sa rentabilité. Ceci peut aboutir à la disparition de l’entreprise parce que tous les calculs se trouvent faussés, et on se trouve dans une situation où on distribue des richesses avant de les avoir créées », indique-t-il. Il cite l’exemple de la Compagnie des phosphates de Gafsa, qui est menacée dans son existence parce qu’ « on a fait du social à outrance ». Cette entreprise publique qui était auparavant l’une des plus rentables du pays se trouve dans un état financier critique. M. Saïdane souligne, ainsi, que les effectifs ont été multipliés par trois et la production a été subdivisée par trois. Ainsi, l’objectif de créer de la richesse se trouve freiné. Ce qui menace ainsi sa pérennité et sa rentabilité financière, avec toutes ses implications sur son environnement, sur la région et le pays.
Rentabilité de l’entreprise
Concernant l’investissement au niveau des régions, l’expert précise que la réduction des déséquilibres est très souhaitable dans le contexte particulier de la Tunisie aujourd’hui, insistant sur la nécessité d’inclure toutes les régions et toutes les couches sociales dans le développement économique. « L’économie doit être inclusive mais elle peut l’être d’une manière rationnelle, rentable. La fiscalité, qui est avant tout un outil favorisant la croissance et le développement, sert également d’outil à rechercher et à favoriser un meilleur équilibre régional et social. De ce fait, la RSE consiste tout d’abord à remplir la fonction essentielle de l’entreprise qui consiste à investir, à créer des emplois, à produire de manière économiquement rentable et à créer de la richesse », explique-t-il. Cette richesse qui permettrait après à cette même entreprise de s’ouvrir sur son envi- ronnement et de s’engager sur le plan social. Une relation gagnant-gagnant pourrait ainsi être développée entre l’entreprise et la région dans laquelle elle investit. M. Saïdane estime, toutefois, que l’investissement est un acte économiquement rationnel, indiquant que forcer les entreprises à aller dans les régions ne signifierait pas avoir des investissements rentables. Il ajoute que la région devra être accueillante et rassurer le capital afin de profiter de la création d’emplois et de la richesse.
Décentralisation
D’un autre côté, la décentralisation pourrait être un catalyseur du développement régional et renforcer davantage cette démarche RSE. L’expert souligne que la décentralisation d’une partie des décisions est en faveur de l’investissement, permettant d’atténuer la lenteur administrative. De même, elle permettrait de connaître mieux les besoins et le potentiel de chaque région. Il ajoute que le nouveau code l’investissement encourage l’investissement dans ce sens, en décentralisant les décisions d’investissement jusqu’à 1 million de dinars. « Mais il faut faire très attention, il ne s’agit pas de distribuer des subventions mais de réaliser des investissements rentables. La décentralisation implique un contrôle a posteriori. Si le contrôle n’existe pas, n’est pas fort et efficace, ceci peut aboutir à un gaspillage très important d’un facteur de production très rare qui est le capital », prévient-t-il. M. Saïdane affirme que la reprise de l’investissement de façon générale est liée à des problématiques qui ne trouvent pas de solutions jusqu’ici, citant l’économie parallèle, l’incertitude, la faiblesse des réserves de change. Ceci pousse tout investisseur potentiel à étudier davantage son dossier avant de s’engager dans une démarche d’investissement.