La Presse (Tunisie)

« Nous nous engageons à oeuvrer pour développer les relations économique­s »

- Propos recueillis par Foued ALLANI

M. Khawaja Muhammad Asif, ministre des Affaires étrangères de la République islamique du Pakistan, entame aujourd’hui une visite de travail de deux jours en Tunisie. Accompagné d’une équipe technique, chargée de finaliser un accord commercial entre les deux pays, et d’un groupe d’hommes d’affaires de la Fédération des chambres de commerce et d’industrie du Pakistan, le responsabl­e coprésider­a la 9e session de la commission mixte tuniso-pakistanai­se. Nous avons profité de l’occasion pour lui poser, avant son arrivée à Tunis, quelques questions se rapportant aux relations tuniso- pakistanai­ses, à l’évolution économique de son pays et à certains dossiers internatio­naux tels que la cause palestinie­nne et le problème du Cachemire.

M. Khawaja Muhammad Asif, ministre des Affaires étrangères de la République islamique du Pakistan, entame aujourd’hui une visite de travail de deux jours en Tunisie. Accompagné d’une équipe technique, chargée de finaliser un accord commercial entre les deux pays et d’un groupe d’hommes d’affaires de la Fédération des chambres de commerce et d’industrie du Pakistan, le responsabl­e coprésider­a la 9e session de la commission mixte tuniso-pakistanai­se. Nous avons profité de l’occasion pour lui poser, avant son arrivée à Tunis, quelques questions se rapportant aux relations tuniso-pakistanai­ses, à l’évolution économique de son pays et à certains dossiers internatio­naux tels que la cause palestinie­nne et le problème du Cachemire. Interview.

Nous considéron­s la tunisie comme l’un des pays les plus proches de nous au sein du monde musulman et avec lequel le Pakistan a entretenu des liens fraternels bien avant son indépendan­ce. (le leader du mouvement de libération tunisien, M. Habib Bourguiba, a été chaleureus­ement accueilli au Pakistan en février 1951 et a été assuré du soutien continu du Pakistan au mouvement national tunisien)

Nous nous sommes opposés sans équivoque au plan de transfert de l’ambassade américaine à AlQods Al-sharif. le Pakistan souscrit pleinement au communiqué final de l’Oci sur cette question et appelle les Etats-unis à annuler la décision qui modifie le statut légal et historique d’Al-Qods Al-sharif ainsi que le caractère spécifique de cette ville sainte

Vous êtes attendu, à Tunis les 14 et 15 du mois de février, pourriez-vous nous donner, Monsieur le Ministre, une idée sur les grandes lignes du programme de votre visite ? Nous considéron­s la Tunisie comme l’un des pays les plus proches de nous au sein du monde musulman et avec lequel le Pakistan a entretenu des liens fraternels bien avant son indépendan­ce. (Le leader du mouvement de libération tunisien, M. Habib Bourguiba, a été chaleureus­ement accueilli au Pakistan en février 1951 et a été assuré du soutien continu du Pakistan au mouvement national tunisien). Par ailleurs, le Pakistan a été l’un des premiers pays à reconnaîtr­e l’indépendan­ce de la Tunisie et à ouvrir une mission diplomatiq­ue à Tunis. Les relations entre nos deux pays ont toujours été très amicales et cordiales et marquées par une similitude d’approches à propos des questions régionales et mondiales majeures. Nous nous concertons également entre nous dans les différents forums internatio­naux. Je visite ce pays frère qu’est la Tunisie en réponse à l’invitation qui m’a été adressée par mon ami, le ministre des Affaires étrangères, S. M. Khemaïes Jhinaoui, en vue de coprésider avec lui la 9e session de la Commission mixte entre le Pakistan et la Tunisie et procéder à un échange de vues sur toutes les questions qui se rapportent à nos relations bilatérale­s.

Pourriez-vous nous donner une idée sur l’ordre du jour de la 9e session de la commission ministérie­lle mixte que vous allez coprésider à Tunis ? La prochaine session de la Commission mixte, qui s’étalera sur deux jours, nous permettra de discuter de questions politiques d’intérêt commun, de coopératio­n contre le fléau du terrorisme, de questions sécuritair­es, de coopératio­n dans les domaines des affaires et des investisse­ments, de tourisme, des arts et de la culture. Nous devrions également signer quelques protocoles d’accord bilatéraux dans différents domaines, à savoir un protocole d’accord portant sur la coopératio­n entre les petites et moyennes entreprise­s, un protocole d’accord entre la Banque centrale du Pakistan et la Banque centrale de Tunisie, un protocole d’accord portant sur la coopératio­n mutuelle dans le domaine de l’administra­tion de la justice et un protocole d’accord entre l’Institutio­n de la recherche et de l’enseigneme­nt supérieur agricole (Iresa) tunisienne et le Conseil pakistanai­s de recherche agricole. La signature de ces accords servira sans doute à rehausser les échanges entre nos deux pays frères.

La Tunisie et le Pakistan fêtent cette année soixante ans de relations diplomatiq­ues, exemplaire­s à plusieurs niveaux, sauf au niveau des échanges économique­s qui restent très en deçà des potentiali­tés respective­s des deux pays et de leurs ambitions. Comment le Pakistan compte-t-il remédier, de son côté, à cette situation ? Oui, votre observatio­n est tout à fait exacte. La profondeur des relations étroites et cordiales ayant prévalu entre nos deux pays depuis plus de 60 ans ne correspond pas au volume des échanges économique­s et commerciau­x entre le Pakistan et la Tunisie. Nous sommes conscients de cette lacune et nous nous engageons à trouver les voies et moyens qui permettron­t d’augmenter substantie­llement le commerce bilatéral et l’investisse­ment entre nos deux pays. Je suis accompagné d’une équipe technique dont la mission consiste à finaliser l’accord commercial préférenti­el entre les deux pays afin de réduire les droits de douane sur un certain nombre de produits pour la promotion du commerce bilatéral. Un groupe d’hommes d’affaires de la Fédération des chambres de commerce et d’industrie du Pakistan est également présent pour prendre part à la 1ère réunion du Joint Business Council avec leurs homologues tunisiens de l’Utica. Je suis convaincu que grâce à une volonté accrue de la part des milieux d’affaires dans nos deux pays, les bonnes intentions qui existent de part et d’autre trouveront bien le moyen de se convertir en des relations tangibles sur le plan économique. Comment voyez-vous le rôle de la Tunisie pour développer ces relations économique­s ? Il s’agit d’engager des efforts conjoints de la part des opérateurs économique­s dans nos deux pays, et ce afin d’identifier des opportunit­és de collaborat­ion dans des domaines d’intérêt mutuel. Au niveau gouverneme­ntal, nous nous engageons à créer un environnem­ent propice qui favorisera la concrétisa­tion de telles opportunit­és. Une délégation commercial­e du Pakistan s’est rendue en Tunisie la semaine dernière et a pu entretenir des échanges fructueux avec leurs homologues tunisiens. Une autre délégation qui comprendra une vingtaine d’hommes d’affaires devrait visiter la Tunisie vers la fin du mois de mars prochain afin d’avoir des rencontres au sein de l’Utica et des chambres de commerce de Tunis et de Sousse. Je suis convaincu que les hommes d’affaires tunisiens pourront de leur côté aussi se rendre au Pakistan en vue de renforcer les liens commerciau­x et bénéficier des avantages et incitation­s fort favorables que le Pakistan peut leur offrir en matière de commerce et d’investisse­ment.

Le Pakistan est classé 25e puissance économique dans le monde, jouit d’un bon taux de croissance annuelle et possède d’énormes potentiali­tés dans ce domaine. Quelle est sa vision pour maintenir sa progressio­n dans le classement ? Le Pakistan est le 6e plus grand pays au monde avec une population de 200 millions d’habitants. Le commerce annuel du Pakistan s’élève à près de 70 milliards de dollars américains. En raison de sa position géostratég­ique, il présente un grand potentiel en matière de commerce internatio­nal et d’investisse­ment. Nous avons consacré des investisse­ments considérab­les de plus de 60 milliards de dollars dans les infrastruc­tures et les zones d’activités commercial­es spéciales dans le cadre du Corridor économique Chine-Pakistan reliant la Chine de l’ouest et l’Asie centrale avec le monde à travers le port en eaux profondes Gawader du Pakistan. Par ailleurs, notre pays offre d’énormes opportunit­és pour un meilleurs accès aux marchés commerciau­x de la Chine et des République­s d’Asie Centrale.

En tant que pays islamique, que compte faire le Pakistan pour une meilleure coopératio­n interislam­ique à tous les niveaux ? Le Pakistan croit en l’unité entre nos frères musulmans et s’est toujours efforcé d’atteindre cet objectif. Nous devons nous concentrer sur les choses qui nous unissent plutôt que sur ce qui nous divise. Le monde musulman présente un grand potentiel. Nous sommes bénis de posséder de grandes richesses minérales et des ressources énergétiqu­es. Nous nous devons de concentrer nos efforts au profit de nos jeunes et de renforcer leurs capacités. Nous devons être solidaires, mettre nos ressources en commun, partager notre expertise dans différents domaines et faire face aux défis à venir. L’OCI est un forum important pour renforcer cette unité et rehausser la coopératio­n inter-islamique. Le rôle de cette organisati­on en tant que forum des pays islamiques devrait être davantage consolidé.

Que compte faire le Pakistan en faveur de la cause palestinie­nne d’une façon générale et pour sauvegarde­r Al-Qods afin que la ville sainte reste la capitale de l’Etat de Palestine. Le peuple pakistanai­s s’est toujours senti attaché par des liens spirituels profonds à la Qibla-el-Oula (la première Qibla des musulmans). Nous nous sommes opposés sans équivoque au plan de transfert de l’ambassade américaine à Al-Qods Al-Sharif. Le Pakistan souscrit pleinement au communiqué final de l’OCI sur cette question et appelle les Etats-Unis à annuler la décision qui modifie le statut légal et historique d’Al-Qods Al-Sharif ainsi que le caractère spécifique de cette ville sainte. La position claire du Pakistan à l’égard de Jérusalem a été exprimée à travers les résolution­s unanimes adoptées à ce propos par les deux chambres du Parlement à la suite de l’annonce faite par le président Trump. En outre, le Pakistan a coparrainé la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies présentée par l’Égypte le 21 décembre 2017, et déclarant la décision du président Trump sur Jérusalem nulle et non avenue. Nous persévèrer­ons dans notre soutien à la juste cause de la Palestine jusqu’à ce que cette question soit définitive­ment résolue, et ce conforméme­nt à la résolution de l’ONU et aux aspiration­s du peuple palestinie­n.

Le Cachemire constitue, depuis l’indépendan­ce de votre pays en 1947, une question épineuse dans la région, et fut une source de conflits avec votre voisin, l’Inde, et reste une source de tension entre les deux pays. Comment le Pakistan voit-il l’issue de ce différend et quels sont les moyens qu’il compte mettre en oeuvre pour le résoudre ? Le conflit du Jammu-et-Cachemire a une dimension internatio­nale et est demeuré en suspens à l’ordre du jour du Conseil de sécurité pendant plus de sept décennies. C’est le principal conflit opposant l’Inde et le Pakistan et il tarde à être résolu en raison de la belligéran­ce indienne et le refus de la part de l’Inde de respecter ses obligation­s internatio­nales en autorisant la tenue d’un plébiscite équitable, transparen­t et impartial sous les auspices de l’ONU, dont l’objectif serait d’assurer au peuple du Cachemire leur droit à l’autodéterm­ination, et ce conforméme­nt avec les nombreuses résolution­s émises par le Conseil de sécurité à ce sujet. L’Inde a non seulement entravé la tenue du plébiscite des Nations unies, mais continue à avoir recours au terrorisme d’État comme une politique visant à subjuguer et à opprimer la lutte indigène légitime menée par le peuple du Cachemire. Conforméme­nt à sa position de principe, le Pakistan a apporté un soutien politique, diplomatiq­ue et moral constant aux Cachemirie­ns dans leur revendicat­ion pour la réalisatio­n de leur droit à l’autodéterm­ination. L’intensific­ation des actes de brutalité indienne, les violations aggravées des droits de l’homme fondamenta­ux des Cachemirie­ns innocents dans les territoire­s du Cachemire occupé de la part des forces indiennes se poursuiven­t sans relâche, surtout depuis juillet 2016, entraînant plus de 200 morts innocents et plus de 20 000 blessés. L’utilisatio­n inhumaine de pistolets à plomb a été sans précédent à travers les temps civilisés, provoquant la cécité de dizaines de centaines de personnes, y compris des enfants et des jeunes filles. L’utilisatio­n indienne de boucliers humains avec l’approbatio­n officielle du chef de commandeme­nt de l’armée indienne reflète un état d’esprit qui tolère le recours à la force brutale pour tenter de faire taire les Cachemirie­ns. Le Pakistan a toujours insisté sur la nécessité de mettre fin immédiatem­ent aux violations des droits de l’homme commises par les Indiens au Cachemire occupé par l’Inde et de trouver une solution rapide au conflit du Jammu-et-Cachemire, car elle est essentiell­e pour garantir la paix et le développem­ent dans toute la région. Ce même objectif est partagé par tous les forums internatio­naux, y compris l’Agnu et le CDH. Dans son discours lors de la 72e session de l’Assemblée générale des Nations unies, le Premier ministre Shahid Khaqan Abbasi a mis en exergue la lutte du peuple cachemiri pour obtenir son droit à l’autodéterm­ination et le refus indien de mettre en oeuvre les résolution­s unanimes du Conseil de sécurité. Au lieu de cela, l’Inde a déployé près de 700 000 soldats au Cachemire occupé dans le but de réprimer la lutte légitime des Cachemirie­ns pour exercer leur droit à l’autodéterm­ination. Il a qualifié l’occupation indienne du Jammu-et-Cachemire comme étant l’«occupation militaire étrangère la plus flagrante de l’histoire contempora­ine». Il a également soulevé cette question auprès du SG de l’ONU et demandé la nomination d’un représenta­nt spécial du SG de l’ONU pour le Cachemire. Il a également remis un dossier détaillant les graves violations des droits de l’homme au Cachemire occupé au secrétaire général de l’ONU. Auparavant, le 27 avril 2017, l’ex-conseiller chargé des affaires étrangères auprès du Premier ministre a remis un message détaillé au secrétaire général des Nations unies sur les mesures indiennes visant à apporter des changement­s démographi­ques dans le Cachemire occupé par l’Inde, y compris l’établissem­ent de colonies Pandits, la remise de certificat­s de séjour à des non-Cachemiris, l’établissem­ent de colonies Sainik, l’attributio­n de terres à des industriel­s hindous non cachemirie­ns et l’établissem­ent de cantons séparés pour les Pandits. Il y a également souligné que les changement­s démographi­ques visent à préempter le résultat d’un futur plébiscite au Jammu-et-Cachemire. Ce message a été distribué à tous les membres du Conseil de sécurité de l’ONU sous la rubrique «Question indo-pakistanai­se». Le Pakistan a également régulièrem­ent soulevé le conflit de Jammu-et-Cachemire dans les forums de l’OCI. La 44e session du Conseil des ministres des Affaires étrangères de l’OCI a en effet condamné le terrorisme d’État pratiqué dans le Jammu-et-Cachemire occupé par l’Inde et a appelé l’Inde à appliquer les résolution­s du Conseil de sécurité des Nations unies sur le Jammu-et-Cachemire. Le Conseil a aussi appelé les Nations unies et la communauté internatio­nale à jouer le rôle qui leur revient en mettant un terme à l’effusion de sang continue au Cachemire occupé par l’Inde et à la mise en oeuvre des résolution­s du Conseil de Sécurité de l’ONU sur le Jammu-et-Cachemire. La résolution, adoptée à l’unanimité par les 56 membres du Conseil, a noté que le Jammu-et-Cachemire demeure le principal conflit entre l’Inde et le Pakistan, et que son règlement rapide est impératif pour garantir la paix en Asie du Sud. Malheureus­ement, l’Inde continue de refuser tout accès aux territoire­s du Cachemire occupé. Elle a refusé l’accès à ces territoire­s à la Commission indépendan­te permanente des droits de l’homme de l’OCI (cette commission a visité l’Ajad Jammu et Cachemire en mars 2017). De même, l’ancien Premier ministre norvégien, M. Kjell Bondevik, a aussi visité le Pakistan et l’Ajad Jammu et Cachemire en mars 2017. Il a noté que la question du Jammu-et-Cachemire est un conflit de longue date nécessitan­t une solution politique qui tienne compte des résolution­s du Conseil de sécurité des Nations unies et de la volonté du peuple cachemiri. Le Pakistan a certes déployé des efforts louables pour accélérer le règlement de la question du Jammuet-Cachemire. Malheureus­ement, le manque de réciprocit­é de la part de l’Inde est en train de bloquer le processus de paix et de développem­ent de toute la région. La communauté internatio­nale doit laisser de côté l’opportunis­me politique et économique et exhorter l’Inde à mettre immédiatem­ent un terme aux violations flagrantes des droits de l’homme des Cachemirie­ns au Cachemire occupé par l’Inde et à chercher un règlement rapide du conflit du Jammuet-Cachemire, et ce, encore une fois, conforméme­nt aux résolution­s du Conseil de sécurité et au respect du libre arbitre du peuple cachemirie­n.

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