Municipales, notre passeport pour le futur
Dès demain, ce sera le premier jour de présentation de différentes listes en lice pour les élections municipales. Quoi qu’on en dise, ce sera un grand rendez-vous, pour deux considérations fondamentales au moins. En premier lieu, depuis la révolution du 14 janvier 2011, nous n’avons en Tunisie, au bout de sept ans, que 218 élus. Soit les députés au Parlement et le président de la République, l’unique élu au suffrage universel. Maigre bilan pour une révolution qui confirme au fil des ans qu’il n’y a guère de printemps arabe mais bien plutôt une exception tunisienne.
Le fin fond de la démocratie représentative, ce sont les élections, le choix souverain des urnes. Jusqu’à nouvel ordre, c’est le meilleur des systèmes de mise en place de la légitimité légale. Or, jusqu’ici, notre société tourne le dos aux élections municipales. Au grand dam de la représentativité populaire à large échelle et de l’administration de la chose publique par le commun des citoyens.
En second lieu, notre vécu s’est tellement dégradé au fil des ans que seules les municipalités réellement représentatives pourraient nous aider à sortir du marasme et entrevoir, à plus ou moins moyen terme, le bout du tunnel. Nos villes sont devenues sales et crasseuses, notre mobilier urbain est abîmé, notre cadre de vie s’est clochardisé au gré de l’insouciance, du je-m’enfoutisme et de l’accaparement des conseils municipaux par les sectes et boutiques partisanes.
Considérées sous cet angle, les élections municipales officieront à coup sûr comme un sauvetage majeur, voire in extremis. Une bonne partie des crispations et des violences sporadiques sous nos cieux trouvent leur source dans l’état d’ilotisme, les exclusions et les difformités urbaines dont pâtissent les citoyens dans les périmètres communaux.
Bien évidemment, ici comme ailleurs, les chapelles partisanes seront au rendez-vous, ce qui n’exclut guère la présence de listes indépendantes. Et même si tout porte à croire que certains partis sont en passe de phagocyter les indépendants, au risque d’en faire des séides inconditionnels et des courroies de transmission.
Autre problématique et non des moindres, la non-adoption du nouveau Code des collectivités locales. À ce niveau, on comprend aisément les griefs de certains partis et courants qui pourfendent volontiers cette lacune fondamentale. Pour assumer les municipalités selon la nouvelle approche fondée sur la décentralisation et la large participation citoyenne, les édiles devront avoir les moyens de leur politique. Autrement, ils en seront réduits à réitérer les expériences en grande partie défaillantes du passé.
Il ne faut guère oublier que si la première municipalité tunisienne — celle de Tunis — remonte à 1858, soit cent soixante ans, trois millions et demi de Tunisiens vivaient jusqu’ici en dehors des périmètres communaux. En généralisant ceux-ci sur tout le territoire de la République, la nouvelle Constitution de 2014 a réparé de grandes injustices. Mais, pour asseoir le pouvoir local, encore faut-il le doter de ses textes juridiques et des dynamiques institutionnelles et financières appropriés. Autrement, les nouvelles municipalités risquent d’officier comme des coquilles vides et inopérantes au bout du compte.
Oui aux municipalités mais sans cet affligeant no man’s land juridique qui consacre nominalement le principe tout en le privant de sa véritable teneur. Ne l’oublions guère, si la révolution est l’ouvrage du peuple, la République est l’édifice du législateur.
Oui aux municipalités mais sans cet affligeant no man’s land juridique qui consacre nominalement le principe tout en le privant de sa véritable teneur. Ne l’oublions guère, si la révolution est l’ouvrage du peuple, la république est l’édifice du législateur