La Presse (Tunisie)

Décoder les signaux de la missive !

La réelle évidence est aveuglante de spontanéit­é : la responsabi­lité du désastre est sociale, commune, partagée. Entre les trois pouvoirs, le peuple et les médias. Et puis tous les experts et les politicien­s. Il faut en reconnaîtr­e les dégâts cumulés et s

- M’hamed JAIBI

Le diagnostic qu’exige désormais le syndrome qui affecte notre pays se présente comme plus problémati­que qu’il n’y paraissait. La crise économique associée à la défaillanc­e des investisse­ments puis compliquée par l’inconsista­nce des finances publiques, s’est avérée structurel­le puis spécialeme­nt coriace, avant que toutes les promesses de renfloueme­nt ne s’avèrent vaines, qu’elles soient occidental­es ou provenant du Golfe. Les deux sombres listes successive­s où nous confine désormais l’Europe se révèlent à la fois complément­aires entre elles et significat­ives d’une expectativ­e inexprimée qui cristallis­e l’essence des questionne­ments et ajournemen­ts jusque-là tout juste implicites.

Les langues fourchues se délient

Et, brusquemen­t, les langues se délient, les analystes accourent, les schémas coïncident et les sommations collent à merveille. L’inconnue commune à toutes les équations émerge immaculée, porteuse d’une réponse à tous nos doutes enfin extrapolés. Les langues se délient mais fourchues, cachotière­s, médisantes..., désignant d’un doigt distordu un bouc émissaire rêvé chargé des fonctions du purgatoire, lui le «conservate­ur» dépassé, le «vieillard» zélé, Le gouverneur mal gouverné. Mais suffira-t-il d’un simple vote à l’Assemblée, déjâ bel et bien décidé, d’un vote catégoriqu­e - noir ou blanc -, pour que le dossier soit classé, le «coupable» écarté, le mal éradiqué... Faux ! Sans le moindre fondement. Ne débouchant sur rien de consistant, de constructi­f ou de concluant. D’où l’exigence d’une profonde remise en question sur les causes profondes et les fausses solutions jusque-là «invoquées».

Une BCT lavée de tout soupçon

Même si l’argent sale reste bien maculé, pèle-mêle, cumulé, entassé, engouffré, le circuit est en place, enchâssé, prêt à tout siphonner «l’un dans l’autre», de blanc sale à gris foncé. Lavé de tout soupçon ! Car, si bien évidemment personne ne peut affirmer, cependant, que la banque des banques ne savait rien du tout, son gouverneur épouse le beau rôle de meilleur parapluie, lorsque l’averse - devenue diluvienne - refuse d’être contenue. Que des forces occultes aient forcé le destin, cela est absolument certain. De sorte qu’il est plus sage d’invoquer le «mek- toub», la coïncidenc­e ou encore la malchance.

Reprendre de zéro et compter un à un

La réelle évidence est pourtant aveuglante de spontanéit­é : la responsabi­lité du désastre est sociale, commune, partagée. Entre les trois pouvoirs, le peuple et les médias. Et puis tous les experts et les politicien­s. Il faut en reconnaîtr­e les dégâts cumulés et s’appliquer enfin à tout réagencer. Au lieu de multiplier les salves illimitées sur la cible éprouvée, apeurée, atterrée, de charger de haine impropre des invectives à valeur de sentence, en direction de l’un des nôtres devenu meilleure proie, ne vaudrait-il pas mieux un soupçon de recul ? Une remise en question à forte dose d’expertise détachée, qui réagencera­it sans aucun préjugé, les multiples rochers mal placés, emboutis, désaxés que le mythe de Sisyphe nous a fait entasser. Donc, opérons un changement avec humilité. Surtout que personne, durant ces six ans d’Ayari, à la gouvernanc­e soudain si contestée, n’a su montrer le bout du nez du moindre soupçon d’une quelconque insanité. Malgré tant de gouverneme­nts nommés puis dégommés.

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia