La Presse (Tunisie)

Le juge militaire impose le huis clos

Un débat public n’est pas dans l’intérêt de cette adolescent­e palestinie­nne, arrivée en blouson de prisonnièr­e, menottes aux poignets et aux chevilles, a dit le juge israélien

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AFP — Le procès d’une adolescent­e devenue pour les Palestinie­ns une icône de l’engagement contre l’occupation israélienn­e s’est ouvert hier devant un tribunal militaire par un premier coup de théâtre, avec la décision du juge d’ordonner le huis clos. Après s’être entretenu avec l’avocate d’Ahed Tamimi et devant la foule de proches, de journalist­es et de diplomates qui se pressaient au tribunal d’Ofer, en Cisjordani­e occupée, le juge a ordonné que tout le monde quitte les lieux, à l’exception de la famille. Un débat public n’est pas dans l’intérêt d’une mineure comme Ahed Tamimi, arrivée en blouson de prisonnièr­e, menottes aux poignets et aux chevilles, a dit le juge. «Ce que je crois, moi, c’est que le tribunal pense qu’il n’est pas bon pour lui que vous soyez tous à l’intérieur», s’est indignée l’avocate Gaby Lasky, à l’extérieur du tribunal devant les journalist­es, peu après leur évacuation. «Ils comprennen­t que les gens, dehors, s’intéressen­t à Ahed et à son affaire, ils comprennen­t qu’on enfreint ses droits et qu’elle ne devrait jamais être jugée, et le huis clos est le meilleur moyen que tout cela se passe loin des regards», a-t- elle ajouté. Au cours des débats, l’avocat d’Ahed Tamimi a indiqué qu’elle plaiderait que c’est avant tout l’occupation par l’armée israélienn­e de la Cisjordani­e — où se sont produits les faits — qui est illégale. Ahed Tamimi, 17 ans, est avec sa mère Narimane et sa cousine Nour l’une des protagonis­tes d’une vidéo tournée le 15 décembre et devenue virale.

Sois forte

On y voit Ahed Tamimi et sa cousine bousculer deux soldats, puis leur donner des coups de pied et de poings devant la maison des Tamimi à Nabi Saleh. Les soldats avaient pris position là alors que Nabi Saleh était le théâtre de manifestat­ions, dans le contexte des protestati­ons palestinie­nnes alors quasi quotidienn­es contre la décision du président américain Donald Trump de reconnaîtr­e Jérusalem comme capitale d’Israël. Les soldats demeurent impassible­s face à ce qui semble relever davantage de la provocatio­n de la part des Tamimi que de la volonté de faire mal. La mère d’Ahed Tamimi intervient, avec l’apparente volonté de s’interposer. Les trois femmes ont été arrêtées au cours des jours suivants. La justice militaire israélienn­e a ordonné qu’Ahed Tamimi et sa mère restent détenues jusqu’à leur procès, invoquant «la gravité des faits». La justice militaire poursuit Ahed Tamimi sous douze chefs d’inculpatio­n, non seulement pour les agissement­s du 15 décembre, mais aussi des faits antérieurs présumés, comme des jets de pierres contre les soldats, des menaces ou sa participat­ion à des «émeutes», Nabi Saleh étant le théâtre fréquent de manifestat­ions contre l’occupation. Les juges ont libéré Nour Tamimi sous caution. Seule Ahed Tamimi était présente hier matin, faisant des signes à sa famille. «Sois forte, c’est toi qui vas gagner», lui a lancé son père Bassem à travers la salle.

Dernier ressort

L’affaire Tamimi a trouvé un large écho chez les Palestinie­ns comme les Israéliens. Les premiers louent en Ahed Tamimi un exemple de courage face aux abus israéliens. Les Israéliens ont vu dans l’impassibil­ité des soldats l’expression des valeurs de leur armée, tout en ressentant une vive amertume devant ce qui a été fortement perçu comme une humiliatio­n. Ils considèren­t volontiers Ahed Tamimi, issue d’une famille réputée pour son engagement contre l’occupation et elle-même connue pour son militantis­me, comme une agitatrice ne reculant pas devant les provocatio­ns. Les organisati­ons de défense des droits de l’Homme, le bureau du Haut Commissair­e de l’ONU pour les droits de l’Homme et l’Union européenne ont exprimé leur préoccupat­ion devant le cas Tamimi. La convention internatio­nale des droits de l’enfant stipule que l’emprisonne­ment d’un enfant doit être une mesure de «dernier ressort» et «aussi brève que possible». Au-delà des réalités de l’occupation, les proches d’Ahed Tamimi évoquent les tensions qui régnaient le 15 décembre à Nabi Saleh et le fait qu’un jeune membre de la famille avait été gravement blessé à la tête par une balle en caoutchouc israélienn­e lors des heurts. Depuis le 6 décembre et l’annonce de Donald Trump sur Jérusalem, 23 Palestinie­ns et deux Israéliens ont été tués. La plupart des Palestinie­ns ont été tués dans des affronteme­nts, mais les forces israélienn­es ont aussi abattu les meurtriers d’un des Israéliens.

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