Le geste et la manière
Matériologie et mythologie du quotidien, l’artiste récupère et transforme, donne un devenir autre aux affiches publicitaires et autre papier kraft.
Son «Geste noir», ses multiples «lacérations» infligées au papier, ses déclinaisons en «Bas-relief» et ses «compositions», autant d’actes et de gestes que nous présente, actuellement, l’exceptionnel Hamadi Ben Saâd dans son exposition «Etendue» abritée par la galerie Selma-Feriani. Autodidacte, grand nomade, artiste iconoclaste à l’attitude réservée, Hamadi Ben Saâd développe, depuis une quarantaine d’années, une pratique artistique en résonance avec le monde urbain et ses rencontres. Connu pour ses tableaux immenses et graphiques, car l’artiste aime peindre en all over investissant tout l’espace que ce soit pour donner corps à ses fameux portraits d’individus aux regards exorbités (inspirés des masques totémiques) ou pour faire se rencontrer matériaux disparates et autres couleurs dans sa période de «recyclage». 11 oeuvres sont à découvrir, à voir et à vivre dans cette «Etendue» du regard, du geste et de la palette... Matériologie et mythologie du quotidien, l’artiste récupère et transforme, donne un devenir autre aux affiches publicitaires et autre papier kraft. Des bouts de papier lacérés, pliés, froissés, marouflés ou assemblés. Logeant dans leurs sillons des feuilles d’aluminium, abreuvées de colle vinylique et d’une palette vive pour la plu- part ou habillées de noir («Geste noir») pour raconter la lumière, ses oeuvres sont autant d’adaptations de «Réalités collectives». «Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous», écrivait Paul Eluard. Des rendez-vous arrangés par Hamadi Ben Saâd, dans le temps et avec des bouts de notre quotidienne civilité qui, tout en gardant les traces d’une vie antérieure, se rencontrent pour raconter un nouveau devenir, un devenir plastique. Ces «bouts» qui, associés à d’autres réalités distantes, se transforment en outils picturaux et prennent tout leur sens.