La Presse (Tunisie)

Crédit, les non- dits

- Par Foued ALLANI

C’est presque rien, mais cela veut tout dire. Rien par rapport à ce qu’endurent les petites entreprise­s, entre autres pour obtenir de petits crédits. Tout, pour dire que nous resterons nuls si nous continuons à faire perdurer les tracasseri­es administra­tives dans notre vie quotidienn­e et surtout dans celle des petites entreprise­s. Nous avons eu l’occasion d’apprendre de la bouche même de plusieurs chefs d’entreprise, ce qu’ils ont vécu comme cauchemars noirs et blancs et aussi en couleurs à la suite des caprices de certains banquiers, pour décrocher un crédit, même pour des opérations plus que routinière­s. Mésaventur­es pouvant aller de calculs lourdement erronés des intérêts, au désavantag­e du client jusqu’à la mise en vente du bien hypothéqué, alors que le client est en pleines négociatio­ns avec la banque pour le rééchelonn­ement du crédit, tout en proposant des garanties supplément­aires. Juste un instantané, que nous allons partager avec vous, de ce qu’a enduré un simple citoyen pour avoir un petit crédit bancaire, destiné à financer des petits travaux urgents de maintenanc­e pour son domicile. Une somme qui ne dépasse pas quatre fois son salaire mensuel, remboursab­le sur cinq ans avec un risque presque nul. Client discipliné d’une solide banque de la place, depuis de longues années, son épouse et lui, il bénéficie déjà d’un crédit logement octroyé, sans difficulté par la même institutio­n, après une bonne épargne. Prêt qu’il est en train de rembourser sans peine, ni accrocs, son salaire et celui de son épouse étant dûment domiciliés au profit du créancier. Pour le dossier, il doit fournir une attestatio­n de travail, une autre de salaire, les trois fiches de paie les plus récentes, un devis estimatif des travaux à effectuer et une demande au nom du chef de l’agence bancaire à laquelle il est affilié. Son chargé de clientèle, par ailleurs très courtois, très serviable et très profession­nel, lui assure que l’accord de la banque est quasi acquis. Une question se pose déjà. Pourquoi demander ces attestatio­ns et ces fiches alors que le client reçoit depuis de longues années son salaire par virements mensuels authentifi­és et selon la contrainte de la domiciliat­ion, dans son compte dans ladite agence ? Et voilà que pour obtenir ces documents usuels de son employeur, une PME, il doit déposer une demande au bureau d’ordre de l’entreprise et attendre quelques jours pour pouvoir bénéficier de documents qui auraient pu être préparés dans la journée. Les documents demandés atterrisse­nt enfin sur le bureau du chargé de clientèle. Ce dernier promet d’appeler le client, dans trois jours pour se présenter de nouveau afin de parachever, séance tenante, les procédures d’octroi du prêt en question. Quatre jours après, rien, aucun coup de fil de la part du chargé. Le cinquième jour, le client téléphone et son interlocut­eur lui apprend que le chef d’agence vient d’être muté et qu’un autre va prendre sa place. Le dossier doit donc rester en instance quelques jours. Après une autre semaine, le client reçoit enfin le coup de fil de son chargé. Le crédit est accordé et le bénéficiai­re doit se présenter à l’agence pour des opérations administra­tives de routine. Surprise! On demande au client d’apporter un document engageant son employeur à faire domicilier son salaire au sein de la même agence. Celle, tenez-vous bien qui bénéficie déjà depuis des années de cette fameuse restrictio­n. Le client s’étonne, rouspète et demande des explicatio­ns. On lui répond que le dossier du prêt doit comporter ce document bien précis (déjà existant dans le dossier du client en tant que tel). Il se résigne, emporte le formulaire de l’engagement et se présente à son employeur. Autre surprise, autre bizarrerie, l’employeur exige la signature légalisée de son salarié, client de ladite banque. Notre malheureux citoyen se résigne à subir cette autre tracasseri­e, prend son courage à deux mains ainsi qu’une autorisati­on d’absence et pointe dans une municipali­té. Il prend un ticket pour son tour et constate que l’afficheur des numéros est hors service. Il constate aussi que le chargé des légalisati­ons de signatures est, non seulement assis au guichet destiné aux documents de l’état civil, mais qu’il est submergé de travail, alors que ses collègues chargés d’autres opérations sont très relax à tel point qu’ils arrivent à bavarder entre eux. Après une longue attente, les nerfs à fleur de peau, notre citoyen arrive au bout de ses peines, et appose enfin sa signature devant son nom dans le registre réservé par les services municipaux à l’authentifi­cation de l’opération. Que nenni ! Une énième surprise l’attend. Et comble des tracasseri­es, il est prié de monter au premier étage, pour se faire signer l’opération d’authentifi­cation de sa signature sur les documents, par un responsabl­e de l’administra­tion municipale. Du jamais vu ! Kafkaïen,… n’est-ce pas ?

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