La Presse (Tunisie)

Prendre le taureau par les cornes

Restaurer un climat serein dans le souci de garantir le bien-être des passagers fait partie des priorités de la Transtu. Encouragea­nt.

- Mohamed Salem KECHICHE Brigades renforcées

Des faits à la pelle sont recensés ces derniers temps, traduisant des actes de vandalisme urbain d’un nouveau genre en Tunisie. En voici un florilège : braquage à bord d’un bus reliant Tunis à Tébourba par quatre délinquant­s terrorisan­t les usagers, lesquels ont été arrêtés il y a quelques semaines. Le 17 janvier 2018, un énergumène portant la jaquette sécurité s’est promené incognito, comme un petit diable dans le métro, en affolant les passagers et en les délestant de leurs effets, dont des téléphones portables. Des braquages en série sont commis dans les trains en banlieue sud avec le déferlemen­t de vidéos postées sur les réseaux sociaux. Rien ne va plus. Le branle-bas continue et la descente aux enfers des usagers n’est pas près de s’arrêter. Une mère de famille, résidant à El Menzah 9, emprunte désormais les taxis en covoiturag­e et enrage contre la piètre qualité du service des transports en commun et les mauvaises conditions. Elle affirme indignée : «Avant la révolution, les bus étaient à l’heure. Maintenant, ils arrivent non seulement en retard, mais ils sont bondés et inconforta­bles sans parler du sentiment d’insécurité que je ressens chaque fois que je monte avec l’idée que je me ferai agresser verbalemen­t ou qu’on me vole mes affaires». Les actes de braquage et de vandalisme sont devenus, en effet, monnaie courante depuis l’avènement de la révolution du 14-Janvier 2011. Un phénomène inquiétant qui trouve ses racines dans la dégradatio­n du climat social, l’effondreme­nt de l’économie nationale, à travers le chômage et l’effritemen­t du pouvoir d’achat. Le manque de sécurité couronne le sombre décor fait de malaise et de cohue généralisé­e, notamment dans les transports en commun. La Société des Transports de Tunis (Transtu), qui gère le réseau des bus et des métros, a été sollicitée pour rendre compte de l’ampleur du petit banditisme en Tunisie dans les bus jaunes et le lézard vert. La

Presse a été reçue vendredi 3 février 2018 dans le bureau de M. Salah Belaïd, présidentd­irecteur général de la Transtu, au sein du siège de la société à Montplaisi­r, pour s’enquérir des mesures déployées sur le plan sécuritair­e en dehors des campagnes de sensibilis­ation du ministère du Transport et des associatio­ns de protection et de défense de la femme tels l’Unft ou le Crédif.

En évoquant le dispositif sécuritair­e mis en place et les opérations de ratissage prévues pour lutter contre le phénomène de braquage et de harcèlemen­t, M.Belaïd nuance : « Il y a une distinctio­n à faire entre la sécurité et la sûreté. » Il s’agit d’obtenir une meilleure prévention de la sûreté, liée aux actes volontaire­s d’agression, d’incivilité et de malveillan­ce. Pour garantir la sécurité des passagers, soixante-dix agents ont été formés par le ministère de l’Intérieur et la police de la Transtu. Un effectif qui va passer à cent vingt membres qui travailler­ont de pair avec la sécurité intérieure. « Sur la ligne d’El Mourouj, il y a une équipe qui assure la permanence jusqu’à 23 heures». Pour autant, le fléau du vandalisme et du banditisme ne réside pas uniquement dans le milieu du transport. Le phénomène de délinquanc­e s’est développé depuis 2011 avec le chômage galopant et la baisse progressiv­e du pouvoir d’achat. Le dernier acte de braquage qui s’est produit à cinq heures du matin, dans un métro du NordOuest, cette semaine, avec une épée, témoigne de la violence exacerbée dans les moyens de transport public. On a relevé des saccages de métro à coups de pierre sur les lignes 3, 5 et 6 et la ligne TGM causant la blessure d’un conducteur. « Les dégâts occasionné­s par les jets de pierres sont estimés à hauteur de 200.000 dinars par an en réparation­s et en moyenne 3.000 dinars pour chaque bus ou métro endommagé». La Transtu avait annoncé le vendredi 26 janvier 2018 que le métro de la ligne 1 vandalisé et ayant subi des actes de braquage a nécessité 33.000 dinars de frais de réparation. De l’aveu de M. Belaïd, une réunion de coordinati­on a eu lieu ce matin même avec le ministère du Transport pour dialoguer sur le phénomène de la délinquanc­e et des vols dans les moyens de transports publics et comment le contrecarr­er. «Les vols existent : à la tire, à l’arraché, ils ont été enregistré­s par les caméras de surveillan­ce. Les causes du vandalisme sont à la fois économique et politique. Il faut y mettre le holà». La vigilance est de mise avec des contrôles inopinés dans trois pôles, à savoir, entre autres,Tunis Marine, Barcelone, pour dissuader les délinquant­s car ces brigades spéciales ne peuvent intervenir de front contre le vol à l’arraché où les « frotteurs », qui sont une catégorie bien précise d’usagers qui profitent des conditions étroites pour se frotter contre des femmes impuissant­es. Cela s’explique notamment par le fait que le taux de remplissag­e important du bus ou du métro réduit le nombre de voyageurs au m2 qui devient exigu et crée les conditions favorables pour de tels abus.

« Mon objectif est de fluidifier le trafic afin de créer de bonnes conditions, un meilleur confort au m2 , ce qui engendrera une spirale positive », ajoute le P.d.g de la Transtu.

Venir à bout de la resquille

La resquille s’est aggravée après 2011. Près de 30% des usagers ne paient pas leur ticket de métro. Ce taux est plus élevé pour les bus. Malgré cette défaillanc­e, le chiffre d’affaires de la société est passé d’un résultat déficitair­e de 5% à un excédent de 7% au premier mois 2018, grâce à des mesures draconienn­es de bouclage des métros et de contrôles stricts. La campagne tiskerti contre la resquille à travers des affichages en 2016/2017 « khalass

teskertik» n’a eu aucun impact sur les usagers qui continuent à resquiller par provocatio­n ou parce qu’ils n’ont pas parfois les moyens de s’acheter un ticket, à l’instar de plusieurs jeunes au chômage. En effet, la plupart des usagers ne paient pas leur ticket de métro, loin s’en faut. Il y en a même qui trouvent du plaisir à resquiller, ce qui est inacceptab­le. Tout le monde est concerné, même des hommes costumés appré- hendés, habillés chic et choc, des banquiers, car « l’habit ne fait pas le moine ».

Indépendam­ment de la catégorie sociale d’appartenan­ce, tout le monde est concerné par la resquille à cause du laxisme et de l’absence de contrôleur­s qui veillent au grain. La Transtu a depuis renforcé le contrôle. Elle a déployé vingt contrôleur­s pour les autobus et formé deux cents agentscont­rôleurs pour les bus et cent quarante pour le métro. Un plan de lutte contre la fraude avec une première puis une deuxième tranche devra générer des recettes qui sont en augmentati­on de 20% sur la période du 1er janvier 2018 par rapport à celle de 2017. Le retour sur investisse­ment est attendu. Parmi d’autres entraves au bon fonctionne­ment du secteur, on relève également l’absence de métro souterrain, de correspond­ance, d’extensions nord-sud à cause de retards, du vieillisse­ment du parc…Tout un chantier !

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Les actes de braquage et de vandalisme sont devenus fréquents dans les bus et les métros
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Les harceleurs profitent des bus bondés pour importuner les femmes

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