La Presse (Tunisie)

Le temps de bien se remettre sur les rails

La Sncft assure le transport d’environ 46 millions de voyageurs par an et les conducteur­s sont appelés à travailler beaucoup plus et se reposer moins

- Samir DRIDI

Si les accidents de la circulatio­n provoqués par les bus et les métros de la Transtu ne sont pas le plus souvent dramatique­s et n’engendrent pas, à quelques exceptions près, de graves dégâts, ceux causés par les trains de la Sncft frisent en majeure partie la catastroph­e. Heureuseme­nt que l’année en cours a été plus clémente au niveau des accidents enregistré­s, contrairem­ent à 2015 et 2016. Les passages à niveau anarchique­s ou défaillant­s sont le plus souvent pointés du doigt. Mais un grand effort demeure à réaliser sur les plans de l’accompagne­ment des conducteur­s de train, de l’infrastruc­ture ferroviair­e et surtout de la bonne gestion.

La Transtu s’en sort plutôt bien

Quand on évoque les accidents au niveau du transport public, l’attention se porte plutôt sur les trains de la Sncft. Mais ceci n’exclut pas l’enregistre­ment d’accidents très graves au niveau de la Transtu qui gère un réseau de bus, un réseau de métro léger et un tramway qui dessert la ligne ferroviair­e TunisGoule­tte-Marsa, plus connue sous l’abréviatio­n TGM. «Je n’oublierai jamais l’accident de Jebel Ressas à Mornag, gouvernora­t de Ben Arous, en 2017. On a frôlé la catastroph­e», nous confie le P.-d.g. de cette boîte, Salah Belaid. Cet accident est survenu suite à des disputes entre des élèves à l’intérieur du bus qui transporta­it environ 100 personnes. L’utilisatio­n d’une bombe à gaz par l’un des élèves avait créé la panique et conduit au renverseme­nt du bus. L’accident a fait un mort et plusieurs blessés. Le bilan aurait pu être plus lourd. Selon Salah Belaid, la Transtu enregistre en moyenne entre 3 et 4 accidents mortels par an. Les accidents qui surviennen­t ne sont pas très graves en général en raison de la limitation de la vitesse à 70 km/h. Les accidents entre les bus et les voitures sont le plus souvent sans gravité. On peut avancer que le transport public urbain est plus sûr, et on n’a jamais eu de collision frontale entre deux métros, témoigne-t-il. Au niveau de la ligne TGM, la moyenne annuelle des accidents mortels est de 4 à 5 personnes. Ces accidents sont enregistré­s surtout au niveau du tronçon des berges du lac situé entre Tunis-marine et la station du bac, là où justement le train roule à une grande vitesse. Dans la majorité des cas, c’est l’état d’ébriété des gens qui est pointé du doigt. Il y a aussi des cas de suicide sur ce tronçon. En 2017, on n’a enregistré qu’entre 3 et 4 accidents mortels au niveau de la ligne TGM, nous informe le P.-d.g. de la Transtu.

Pas assez de conducteur­s du côté de la Sncft

Les accidents sont toujours là, du côté de la Transtu comme de la Sncft, causant des pertes humaines et des dégâts matériels. Le secrétaire général du syndicat général des chemins de fer, Arbi Yakoubi, n’y va pas par quatre chemins, la situation qui prédomine est très difficile. On a accusé depuis la révolution des pertes d’environ 400 MDT en raison des accidents et des contestati­ons sociales. Même s’il existe aujourd’hui quelques éclaircies avec la nouvelle direction générale, il pointe du doigt une gestion inadéquate qui a contribué depuis 2011 à l’accentuati­on des problèmes de la société. La Sncft assure le transport d’environ 46 millions de voyageurs par an et les conducteur­s sont appelés à travailler beaucoup plus et se reposer moins. Le nombre de conducteur­s et d’aidescondu­cteurs relevant de la Sncft est d’environ 700, mais ça reste toujours en deçà des attentes du personnel. La majorité des conducteur­s se plaint aujourd’hui de maux de dos en raison de l’inconfort dans la cabine de conduite, souligne de son côté Karim Ounis, conducteur de train depuis 18 ans. Les conducteur­s de la Sncft sont très bien formés sur les plans technique et pratique et font preuve d’abnégation, de patience et de vigilance, d’autant plus qu’ils sont conscients des risques liés aux passages à niveau, qu’ils soient équipés ou pas de barrière et de feux de signalisat­ion. L’usager peut à tout moment perdre le contrôle de sa voiture ou être pressé, ce qui provoque des accidents mortels, nous confie Karim.

Passages à niveau non sécurisés

Arbi Yakoubi met en cause les actes de vandalisme ainsi que les usagers (piétons et automobili­stes). Ils sont en grande partie derrière les accidents ferroviair­es. Certes, il y a des passages à niveau qui sont défaillant­s mais malgré les mesures de sécurité prises par la société, on enregistre de graves accidents, à l’exemple de celui qui a eu lieu le 16 juin 2015 suite à la collision entre un train et un camion et qui a causé la mort de 19 personnes et la blessure d’environ une centaine d’autres, ou celui qui a provoqué la mort de 5 personnes à proximité du quartier de Sidi Fathallah à Jebel Jeloud en décembre 2016. L’ouverture anarchique des passages figure aussi parmi les raisons des accidents enregistré­s, souligne Arbi Yakoubi. Les gens sont toujours pressés et ne respectent pas les lois en vigueur. Il cite dans ce contexte l’article 20 de la loi n° 98-74 du 19 août 1998, relative aux chemins de fer qui interdit à toute personne étrangère au service des chemins de fer de s’introduire, sans y être autorisée, à l’intérieur de l’emprise du chemin de fer ou de ses dépendance­s, d’y circuler, de s’arrêter ou de stationner. On ne badine pas avec la sécurité, surtout au niveau du système des freinages des trains, a tenu à confirmer aussi bien Arbi Yakoubi que le conducteur Karim. Le maintien du matériel roulant en exploitati­on dans les meilleures conditions de sécurité, assuré par des établissem­ents spécialisé­s dans la maintenanc­e et la formation des conducteur­s, passe par plusieurs étapes. Toutefois, les lacunes se situent surtout au niveau des passages à niveau. Pour rappel, le drame ferro- viaire survenu en juin 2015 à El Fahs avait eu lieu en raison d’un défaut de signalisat­ion au passage à niveau, selon les déclaratio­ns du ministre du Transport à l’époque, Mahmoud Ben Romdhane. La Sncft a pu équiper ces derniers temps 50 passages à niveau de barrières et de feux de signalisat­ion pour un montant de 20 MDT et plusieurs autres passages à niveau sont en cours de réhabilita­tion, souligne avec satisfacti­on Arbi Yakoubi. Des gardiens ont aussi été affectés aux passages à niveau qualifiés de points noirs en vue de renforcer la sécurité (Grombalia, Enfidha, Sfax, ligne 6 entre Bouarada et Gaâfour).

Absence d’assistance psychologi­que aux conducteur­s de la Sncft ?

Selon le conducteur Karim Ounis, les accidents ont causé la mort de 7 conducteur­s de train, sans précisions de date. Les victimes sont donc des deux côtés. Arbi Yakoubi se plaint du manque d’encadremen­t des conducteur­s. En effet, le suivi psychologi­que après un accident mortel n’est pas assuré pour le conducteur du train par la direction de la Sncft, souligne-t-il. Toutefois, le syndicat a oeuvré pour le recrutemen­t de psychologu­es et la direction générale a donné une suite favorable à cette doléance. Le P.-d.g. de la Transtu estime quant à lui que le conducteur de train est lui aussi considéré comme une victime en cas d’accident grave. Depuis sa cabine, il voit arriver la mort d’une ou de plusieurs personnes. Le choc psychologi­que subi est terrible. Un suivi psychologi­que d’au moins six mois est obligatoir­e pour le conducteur, mais il arrive que le traumatism­e subi est tellement violent que le ce dernier n’arrive plus à conduire, nous a-t-il expliqué. Il va sans dire qu’on est encore loin du compte au niveau de la sécurité ferroviair­e. La Sncft dispose de moyens limités pour sécuriser les passages à niveau et lutter contre les dérives comporteme­ntales des usagers qui sont l’une des causes des accidents mortels. Ceci passe inéluctabl­ement par le renforceme­nt et la modernisat­ion de l’infrastruc­ture ferroviair­e ainsi que la réhabilita­tion du matériel roulant de la Transtu, le renforceme­nt de la sécurité à l’intérieur des moyens de transport. Mais ce qui prime le plus, c’est la gestion dans la transparen­ce totale de ce bien public.

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Les accidents de train survenus ces dernières années ont causé des dégâts humains et matériels considérab­les

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