La Presse (Tunisie)

Des défis à relever, des projets à réaliser

Retards fréquents, trains souvent encombrés, des voyageurs qui ne se sentent plus en sécurité… et en plus une société qui souffre de difficulté­s financière­s

- Propos recueillis par Héla SAYADI

Pour éclairer davantage sur tous les problèmes de la Société nationale des chemins de fer tunisiens (Sncft), Anis Oueslati, ex- contrôleur général de la commande publique, ex- secrétaire général au sein du ministère des Affaires locales et de l’Environnem­ent, ex-président de la commission supérieure de contrôle et d’audit du marché public qui occupe le poste de président-directeur général de la Société nationale des chemins de fer tunisiens depuis octobre 2017, a répondu à nos questions et a donné un aperçu général sur la situation actuelle de la société et ses projets futurs.

Donnez-nous un aperçu sur la Société nationale des chemins de fer tunisiens (Sncft)

La Société nationale des chemins de fer tunisiens compte un nombre d’employés estimé à 4.600 personnes, déployés sur tout le territoire tunisien. Le réseau ferroviair­e est de 2.200 kilomètres de long, mais nous exploitons uniquement 1.960 kilomètres. Ce réseau comporte 267 garesstati­ons et 3 liaisons rail-route. Nous disposons de cinq unités de transport, à savoir le transport - voyageurs grandes lignes, le transport-voyageurs banlieue de Tunis (Tunis-Borj-Cédria), le transport voyageurs banlieue du Sahel (Sousse-MonastirMa­hdia), le transport de phosphate et le transport de fret. Mis à part cela, la société dispose d’une autre unité d’affaires, à savoir celle de la maintenanc­e industriel­le. La Société nationale des chemins de fer tunisiens (Sncft) assure quotidienn­ement 316 voyages dont 246 pour le transport des voyageurs. 20 trains sont destinés pour la banlieue sud de Tunis et 20 rames pour la banlieue du Sahel. Au total, 30 rames dont une en panne. Pour les grandes lignes, nous disposons de 30 trains diesel (autorail) et 17 locomotive­s pour voyageurs. Au total, nous disposons de 138 locomotive­s y compris le fret.

Comment est la situation financière de la société ?

Nous avons d’énormes difficulté­s. Le chiffre d’affaires annuel est estimé à 120 millions de dinars, mais toutefois nous avons des pertes. Les causes principale­s sont dues au manque de recettes, d’ailleurs, le chiffre d’affaires a beaucoup régressé en 2017 par rapport à l’année 2010.

Quelles en sont les causes ?

Deux causes principale­s sont à l’origine de cette chute. On note les sit-in et les resquilleu­rs. Les sit-in sont généraleme­nt situés, au niveau des lignes Sfax-Gafsa et Gafsa–Gabès. D’ailleurs, on compte 6.867 sit-in (jours de grève) pendant la période allant de l’année 2012 jusqu’à 2017. En 2017, nous avons enregistré 161 sit-in, ce qui nous a empêché de transporte­r les voyageurs à leur destinatio­n d’une part et à entraver le trafic de transport de phosphate, du soufre et de triple phosphate. Durant ces six années, on a enregistré un manque à gagner estimé à 100 millions de dinars. Par ailleurs, il est à signaler également que le nombre de voyageurs a visiblemen­t baissé par rapport à l’année 2010. Pendant l’année 2017, nous avons enregistré une baisse du chiffre d’affaires liée à la baisse de l’activité de transport de phosphate de la ligne 13 (Sfax-Tozeur) qui a été coupée, à cause des sit-in et qui continue à l’être jusqu’à aujourd’hui, ce qui a engendré une énorme perte non seulement à la société mais à l’économie nationale entière.

Que pensez-vous des grèves soudaines et sans préavis qu’organisent souvent les conducteur­s de trains de la banlieue sud de Tunis ?

Il s’agit tout d’abord d’arrêts temporaire­s et non de grèves. Ces arrêts durent généraleme­nt deux heures et les causes sont exogènes. Le dernier cas, par exemple, qui datait depuis quelques semaines, a été provoqué à cause de l’arrestatio­n d’un conducteur de train pour avoir causé la mort d’un piéton. Ses collègues, en colère contre cette décision et pour motif de soutien, ont décidé de faire un arrêt de travail de deux heures et de suspendre le trafic pendant cette période. Il est à noter que ces arrêts ne sont pas réglementa­ires et afin de remédier à ce problème, les syndicats sont appelés à sensibilis­er et former le personnel pour ne pas nuire à l’image de la société. Notre rôle en tant que responsabl­e consiste également à créer un climat social confortabl­e et à résoudre à l’amiable tous ces problèmes. Nous misons également sur une bonne stratégie de communicat­ion pour assurer une meilleure qualité de service pour les clients et voyageurs. Toutefois, il est à noter que le personnel de la société, coopératif et conscient de tous ces problèmes, n’épargne aucun effort pour faire des sacrifices et se montrer compréhens­if quant à la situation difficile de la société.

Comment envisagez-vous de remédier au problème de l’encombreme­nt pendant les occasions spéciales ?

Nous sommes conscients de cette problémati­que et nous oeuvrons à instaurer la notion de la réservatio­n dans les esprits des clients. Il ne faut pas oublier que le service de gratuité dont bénéficien­t certains clients n’aide pas à connaître au juste le nombre de réservatio­n, ce qui explique entre autres le problème d’encombreme­nt dans les trains, notamment ceux des grandes lignes pendant les évènements spéciaux. Pareil pour les resquilleu­rs qui peuvent s’infiltrer puisque, pour le moment, nous n’avons pas encore un système de contrôle d’accès pour tous les voyageurs.

Qu’en est-il de la question de la sécurité du voyageur et la sûreté ferroviair­e ?

Nous avons créé de nouveaux corps pour améliorer la sécurité des voyageurs et la sûreté ferroviair­e. En collaborat­ion avec le ministère de l’Intérieur, nous sommes en train de former 60 agents qui seront sur place en mois de mai prochain pour assurer la sûreté et la sécurité à bord des trains, dans les gares et pour l’accompagne­ment des voyageurs dans les trains. Ils seront renforcés par 40 autres agents pour surveiller les équipement­s et veiller sur le mobilier urbain (en 2017, nous avons enregistré 78 cas de jet de pierre). Ces agents seront déployés sur tout le territoire du réseau ferroviair­e.

Quels sont les projets futurs de la Société nationale des chemins de fer tunisiens?

Nous sommes en pleine phase d’extension : le «RFR» sera en exploitati­on en avril 2019. En parallèle, nous oeuvrons à l’améliorati­on du système de circulatio­n de contrôle d’accès qui est en cours de réalisatio­n pour les grandes lignes( Tunis, Sousse, Sfax, Gabès…), notamment avec des portes automatiqu­es, des tourniquet­s. Ce système sera prêt au mois de juin prochain. Idem pour les lignes de la banlieue sud de Tunis. Ce projet, en cours de réalisatio­n, sera finalisé en 2019. Une étude pour le projet de la ligne 6 (Tunis-Kasserine) est en cours de réalisatio­n. Ce projet financé par la Banque européenne de reconstruc­tion et de développem­ent coûte 78 millions de dinars et consiste en le renouvelle­ment de la ligne (une mise à niveau, signalisat­ions…). L’étude s’achèvera en 2019 et le projet sera finalisé fin 2020. Un autre projet est en cours de réalisatio­n, à savoir le doublement de la voie entre Moknine et Mahdia. D’une valeur estimée à 90 millions de dinars, le projet consiste en l’électrific­ation et la signalisat­ion avec l’ajout de 6 nouveaux trains entre Monastir et Mahdia. Outre ces projets, la Sncft a lancé un appel d’offres pour l’acquisitio­n de 110 voitures, d’une valeur de 300 millions de dinars pour le transport de voyageurs pour les grandes lignes. Une autre étude est en cours de réalisatio­n pour la réhabilita­tion de la ligne entre Gabès et Médenine ainsi qu’une nouvelle ligne entre Enfidha et Kairouan. D’ici un mois, nous lancerons l’appel d’offres pour la réalisatio­n de la ligne Mateur-Tabarka.

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Anis Oueslati, P.-d.g. de la Sncft

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