Le droit d’accès à l’information pour lutter contre la corruption
«La Tunisie vit des moments difficiles suite à son dernier classement en tant que pays exposé au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme. Il y a beaucoup de textes de loi dans le pays mais le plus important, c’est l’application de ces lois
Une journée d’étude s’est déroulée au siège de l’Ecole nationale d’administration (ENA), organisée par le syndicat des anciens de l’ENA en collaboration avec l’Instance d’accès à l’information, (Inai), l’Instance nationale de lutte contre la corruption (l’Inlucc) et des représentants des associations de la société civile, dont I Watch et l’organisation Article 19. Cette journée d’étude a porté sur le droit d’accès à l’information comme instrument de lutte contre la corruption.
Le rôle crucial de l’ENA
Imed Hazgui, président de l’Inai, a rappelé que la réussite du travail de son instance demeure tributaire de la réactivité de l’administration tunisienne. Plus elle s’attache à l’application de la loi organique n° 2016-22 du 24 mars 2016, relative au droit d’accès à l’information en donnant suite aux requêtes de l’Inai, plus on a de chance pour atteindre les objectifs tracés sur le plan de la concrétisation de la culture de la transparence, de la citoyenneté et du droit d’accès à l’information. On ne peut pas parler de liberté sans ce droit, a-t-il fait remarquer. Et d’ajouter que l’ENA a un rôle crucial à jouer dans ce contexte pour contribuer à la réussite du processus démocratique. Le président de l’Inai a tenu lors de son intervention à mettre en exergue le lien étroit entre le droit d’accès à l’information et la lutte contre la corruption. Le cloisonnement de l’administration et son refus d’autoriser l’accès à l’information ne peuvent qu’encourager à la corruption et à son expansion, c’est d’ailleurs pour cette raison que la convention onusienne contre la corruption a toujours confirmé le lien entre trois piliers fondamentaux qui sont la transparence, le droit d’accès à l’information et la lutte contre la corruption. Le directeur général des services de la gouvernance auprès de la présidence du gouvernement, Habib Koubaâ, a confirmé de son côté que le droit d’accès à l’information est l’un des mécanismes fondamentaux de la lutte contre la corruption.
Appel au renforcement du rôle de la Cour des Comptes La corruption sape tous les efforts d’investissement dans un pays, a expliqué à son tour Tarak Chérif, président de la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect). L’absence d’un Etat de droit signifie tout simplement l’absence d’investissement. Le taux de croissance enregistré aujourd’hui et qui est de 2% est insignifiant en comparaison des taux d’avant 2011 et qui étaient d’environ 5%, a souligné le patron de la Conect. La Tunisie vit des moments difficiles suite à son dernier classement en tant que pays exposé au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme. Il y a beaucoup de textes de loi dans le pays mais le plus important, c’est l’application de ces lois avec fermeté. Malheureusement l’application de la loi fait défaut en Tunisie, a-t-il déploré. Il a aussi insisté sur la transparence et la bonne gouvernance dans les entreprises privées et publiques. Valorisant les activités de l’Inlucc sous la présidence de Chawki Tabib, il a appelé aussi à la nécessité de garantir la liberté aux médias et surtout au journalisme d’investigation qui s’avère un facteur déterminant dans la lutte contre le fléau de la corruption. Sans liberté de presse on ne pas avancer, a-t-il déclaré. Tarak chérif a aussi souhaité le renforcement du rôle de la Cour des Comptes qui est un pilier de la transparence et qui contrôle la bonne gestion des deniers publics. Il faut lui donner des prérogatives pour lui conférer un rôle plus important dans la lutte contre la corruption.
Une corruption systémique
Le président de l’Inlucc, Chawki Tabib, a commenté les propos du président de la Conect concernant le faible taux de développement dans le pays. Cela est dû surtout à la corruption et à l’absence de bonne gouvernance, a-t-il expliqué. « Pour ceux qui évoquent les problèmes économiques et les difficultés au niveau de l’investissement, qu’ils soient des représentants du gouvernement ou dans l’opposition, je dirai que la Tunisie ne trouvera jamais le salut tant qu’on n’a pas encore réussi à assurer les fondements de la bonne gouvernance et à lutter plus efficacement contre la gangrène de la corruption», a-t-il martelé. C’est tout le processus démocratique qui est menacé en l’absence de cette condition. S’adressant aux cadres de l’ENA présents lors de cette journée d’étude, Chawki Tabib a expliqué que la solution se trouve dans l’administration tunisienne qui doit être au coeur des réformes. Les dossiers traités au niveau de l’Inlucc démontrent toutefois qu’il existe une vraie guerre à l’intérieur de l’administration tunisienne entre ceux qui s’acquittent de leur devoir et ceux qui sont corrompus. A quoi serviront les lois, si elles ne sont pas acceptées, respectées et appliquées, s’est-il demandé. La corruption, elle, est malheureusement systémique, a souligné à la fin le doyen Chawki Tabib.