La Presse (Tunisie)

« Tout le monde est sur le même bateau »

Une lueur d’espoir pointe à l’horizon même s’il est encore tôt pour crier victoire, mais on se fait quand même une raison d’espérer

- Hafedh TRABELSI

Depuis le 20 janvier, la production de phosphate a subi un frein. On n’entend plus le vrombissem­ent des moteurs ni le bruit assourdiss­ant des explosifs pour désosser les couches terrestres, tout comme les semi-remorques qui transporte­nt le phosphate. Le bassin minier est en état d’inertie totale, les sit-inneurs campent sur leur position et la levée du blocus n’est pas pour demain. Le naufrage du secteur minier hante les esprits. Notre économie en pâtit et risque de payer cher le prix des pots cassés. Une lueur d’espoir pointe à l’horizon même s’il est encore tôt pour crier victoire, mais on se fait quand même une raison d’espérer. Un groupe de protestata­ires de Mdhilla a répondu à l’appel de Hechmi Hmidi, secrétaire d’Etat auprès du ministre des Mines et des Energies renouvelab­les, qui les a conviés hier (mardi) à Tunis pour une concertati­on sur la situation. D’autres acteurs intervenan­t dans le secteur minier commencent à se faire une frayeur, il s’agit des cadres et agents de la CPG exerçant au siège social de ce trust. Ils sont montés au créneau craignant pour leur employeur. Ils ont suspendu leur activité suite à l’appel de leur syndicat de base contre la volonté de leur administra­tion, puis ont lancé une campagne pour sauver les meubles. Sous le signe «mannaâ el phosphate» (sauver le phosphate). Lundi dernier, leurs bureaux désertés, ils l’ont fait savoir à haute voix à travers une manifestat­ion devant le siège social : tout le monde est sur le même bateau qui risque de couler avec à son bord les fonctionna­ires et les demandeurs d’emploi. Rafik Smida, agent à la CPG et coordinate­ur de la campagne, s’exprime : «Face à la situation de la compagnie qui empire d’un jour à l’autre, nous avions lancé cette campagne pour nous concerter sur la crise qui frappe le secteur minier et unifier les rangs. La CPG, avec les deux derniers-nés dans le secteur minier (la Sttpm et la société d’environnem­ent et du jardinage) fait vivre plus de 30.000 familles dans le bassin minier. Notre paie est menacée à cause de cet arrêt brutal de la production qui pourrait déséquilib­rer les opérations financière­s de la Compagnie au risque de ne pas pouvoir assurer le virement des salaires. L’issue de secours passe par des solutions radicales qui concernent tout le bassin minier. La reprise de la production est une solution qui urge pour se concerter ultérieure­ment sur les vrais maux qui gangrènent la région». Même son de cloche du côté des cadres de ce trust qui ne sont guère épargnés par le séisme qui secoue le secteur. Nadhem Bouterra, président du projet de production du phosphate de Meknassi, lance un SOS aux autorités compétente­s : «Nous lançons un vif appel pour conférer à cette crise l’importance requise, les pertes s’accentuent d’un jour à l’autre. Parallèlem­ent à leurs revendicat­ions sociales, les manifestan­ts devront permettre la reprise de l’activité phosphatiè­re. Je ne reproche pas aux sitinneurs leurs revendicat­ions qui restent tout de même légitimes, mais le blocus imposé n’est pas la solution idoine pour répondre à leurs requêtes. Tout le monde est sur le même bateau, salariés et chômeurs. Avec la glissade des chiffres, la CPG ne pourra plus se permettre ni les engagement­s envers ses employés ni le recrutemen­t de nouveaux. Un constat qui frappe aux yeux, ce trust ne peut plus endosser à lui seul l’habit du mécène convoité par tout le monde pour absorber une crise de chômage dans la région et qui reste l’apanage des décideurs politiques. Dans une région qui bouillonne, frappée par un taux alarmant de chômage, le bassin minier a besoin d’un diagnostic juste et d’une thérapie efficace. Il est temps d’agir autrement pour mettre en place une politique de développem­ent multidimen­sionnel et ne pas se rabattre sur la CPG qui est sur le point d’abdiquer dans une conjonctur­e mondiale qui ne l’a pas épargnée». Le traitement médicament­eux a souvent montré ses limites. Le bassin minier a besoin d’un traitement chirurgica­l pour venir à bout d’un mal qui risque de faire des ravages…

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