La Presse (Tunisie)

La Baleine bleue gagne la Tunisie

Un enfant de 11 ans s’est suicidé la semaine dernière à Zaghouan. En cause, le jeu du «Défi de la baleine bleue» auquel l’enfant aurait joué pendant deux mois. Explicatio­ns.

- C.J.

Né, il y a deux ans, sur le réseau social russe VKontakte, le jeu de la «Baleine bleue» tire son nom d’une légende selon laquelle le cétacé serait capable de se suicider en s’échouant volontaire­ment sur une plage. Le jeu consiste à effectuer une liste de 50 défis dangereux sur les réseaux sociaux. Ces défis prennent plusieurs formes; écouter des musiques tristes, se scarifier, jusqu’à se suicider. On recense, à l’heure actuelle, plus de 170 suicides adolescent­s à travers le monde, dont 130 se seraient produits en Russie. Les 50 défis sont proposés par un «tuteur», que le joueur est supposé avoir contacté en amont sur les réseaux sociaux avec les hastags #bluewhalec­hallenge ou #F57. D’après Le Monde, le principe du «Blue whale challenge» aurait été imaginé par trois hommes russes, dont un aurait été condamné à trois ans de prison en 2017 pour incitation au suicide. Malgré cette condamnati­on, le phénomène s’est propagé dans de nombreux pays.

Les enfants confrontés aux dangereux défis de la «Baleine bleue» Le suicide de Mehdi, un jeune garçon de 11 ans à Zaghouan dimanche dernier, et celui d’un adolescent de 13 ans, la semaine dernière à Kélibia, seraient liés à l’utilisatio­n du jeu de la «Baleine bleue». Une enquête a été lancée pour déterminer si le lien de cause à effet est bien réel. Rappelons que le 50e défi du «Blue whale challenge» demande au joueur de mettre une corde autour de son cou, de soulever ses jambes et de «supporter la douleur jusqu’à ce qu’il perde connaissan­ce». Le petit Mehdi jouait à ce «jeu» depuis deux mois. L’Agence nationale de sécurité informatiq­ue (Ansi) avait déjà mis en garde les parents contre le danger potentiel du «Blue whale challenge» en proposant des filtres et des programmes de surveillan­ce des enfants, mais cela ne semble pas être suffisamme­nt efficace. En effet, l’Ansi peut juste mener des campagnes de sensibilis­ation sans pouvoir interdire le «jeu». Seuls les réseaux sociaux à l’instar de VKontakte et de Twitter ont la mainmise sur le phénomène. Malgré les efforts de l’Ansi, qui a mis en place un service d’assistance téléphoniq­ue (l’agence a mis à la dispositio­n des parents un numéro vert le 71.843.200) permanent, certains parents restent très inquiets. R.N., fonctionna­ire et mère de deux enfants, est préoccupée quant à la propagatio­n du jeu. Après avoir vu une note affichée dans l’établissem­ent scolaire de ses filles, elle les a alors alertées et les surveille de très près. Mais toutes les familles ne sont pas forcément au courant de l’existence du «Blue whale challenge».

Comment lutter contre le phénomène ?

Si l’interdicti­on du «Défi de la baleine bleue» échappe aux autorités, certains mouvements se sont vivement opposés sur les réseaux sociaux avec les hastags #Antibluewh­alechallen­ge et #Pinkwhale challenge. De son côté, Instagram donne une alerte aux utilisateu­rs désireux de faire les défis de la «Baleine bleue» en leur proposant de l’aide : «Les publicatio­ns contenant les mots que vous recherchez encouragen­t souvent un comporteme­nt pouvant nuire ou conduire au décès. Si vous traversez des moments difficiles, nous sommes là pour vous aider». Un message d’alerte qui peut se décliner très facilement pour avoir accès au contenu. Le professeur indien Ponnuranga­m Kumaraguru avait lancé en septembre dernier un projet de recherches dans le cadre de The Indraprast­ha Institute of Informatio­n Technology à Dehli, pour aider les victimes du jeu : «L’objectif de mon logiciel est de démasquer les tuteurs, mais surtout de protéger les victimes» . Après la Russie, selon ses recherches, l’Inde est l’un des pays les plus touchés par le phénomène. «Le jeu de la baleine bleue est organisé de telle sorte qu’il va réussir à laver le cerveau du joueur et le conduire à se faire du mal», explique-t-il. Selon lui, l’impact géographiq­ue du jeu s’explique en fonction de la psychologi­e et de l’éducation des enfants : «Des adolescent­s avec un passé compliqué et de mauvaises expérience­s vont être plus impliqués dans le jeu. Sans vouloir faire de la psychologi­e de comptoir, certains pays sont plus concernés que d’autres, sûrement en fonction de la prise de risque que les enfants sont prêts à prendre ou de leur isolement, c’est une question d’éducation» . Le «Blue whale challenge» semble donc échapper aux parents et aux gouverneme­nts. Un phénomène symptomati­que du monde ultraconne­cté dans lequel nous vivons.

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